Apple peine à convaincre le Sénat américain sur sa "stratégie fiscale"

Par Delphine Cuny  |   |  626  mots
Tim Cook prêtant serment devant le Sénat américain ce mardi. Copyright Reuters
Le directeur général d'Apple a tenté de jouer la carte de la success story américaine lors d'une audition au Congrès. Les questions concentrées sur la filiale irlandaise sont restées sans réponse probante

Costume foncé, chemise blanche, cravate bleu clair sans fioritures, loin de l'uniforme jeans-col roulé noir des présentations à la Steve Jobs, c'est un Tim Cook à l'air grave et concentré qui s'est présenté mardi devant le Sénat américain, jouant la carte du patriotisme économique. « Apple est une success story américaine sans précédent. Nous sommes fiers d'être américains et de notre contribution à l'économie du pays. Nous sommes devenus le premier contribuable américain, l'entreprise qui paie le plus d'impôt aux Etats-Unis : nous avons versé 6 milliards de dollars en cash au Trésor américain l'an dernier et nous réglons au dollar près ce que nous devons. Nous n'avons pas de compte dans quelque île des Caraïbes » a plaidé le directeur général d'Apple lors d'une audition devant la sous-commission des enquêtes. La séance avait commencé sur les chapeaux de roue, le sénateur Carl Levin ayant déclaré qu'Apple avait cherché « le Saint-Graal de l'évitement fiscal », le sénateur John McCain qualifiant de « scandaleux » et « inacceptable » qu'une entreprise comme Apple se livre à une telle stratégie fiscale pour réduire ses impôts aux Etats-Unis. « Apple a violé l'esprit de la loi si ce n'est la lettre » a-t-il lancé.

Réformer le code fiscal américain
Le sénateur du Kentucky Rand Paul a créé son petit effet en se déclarant "choqué" par la façon dont le Congrès « harcèle Apple, une des plus grandes success stories américaines », demandant « quel politicien ne fait pas lui-même un peu d'optimisation pour réduire ses impôts ? » A ses yeux, c'est le Congrès le responsable, l'auteur de ce code des impôts « ancien et byzantin », deux fois plus volumineux que celui du voisin canadien. Après avoir dûment prêté serment, Tim Cook a d'ailleurs lui-même martelé la nécessité d'une réforme fiscale : « ce serait très coûteux de rapatrier cette trésorerie [les 100 milliards logés dans les filiales à l'étranger notamment en Irlande NDLR] aux Etats-Unis du fait de notre système fiscal qui ne s'est pas adapté à l'ère numérique » a-t-il fait valoir. Il a défendu un taux incitatif d'impôt à un chiffre (moins de 10%) pour le rapatriement des capitaux étrangers « à la maison », même si cela augmenterait in fine le taux effectif d'impôt d'Apple, actuellement de 30,5% selon la firme et seulement 9,8% selon le rapport du Sénat. « Je ne propose pas zéro, mais un taux raisonnable, car 35% c'est très élevé. » Toutefois, « nous n'avons aucun projet de rapatrier cet argent aux Etats-Unis, au taux d'impôt actuel » a précisé le patron d'Apple.

« Pas d'artifices fiscaux »
« Apple n'utilise pas d'artifices fiscaux » a martelé Tim Cook, tout en ayant bien du mal à expliquer les raisons et le fonctionnement de la filiale irlandaise à laquelle a été transférée une large part des intérêts économiques de ses brevets. Cette filiale, une holding chapeautant les magasins en Europe, a reçu 30 milliards de dividendes d'autres filiales entre 2009 et 2012 et n'a aucune résidence fiscale ! « Vous avez déplacé la poule aux ?ufs d'or, transféré les joyaux de la couronne de l'entreprise. 95% de la R&D est réalisée aux Etats-Unis mais 60% des bénéfices reviennent à cette filiale irlandaise » s'est emporté Carl Levin. Le responsable des « activités fiscales », Phillip Bullock, a répondu « ne pas être d'accord » avec l'affirmation du sénateur. « La création de la filiale en Irlande remonte à 1980, l'iPhone et l'iPad n'existaient, même le Mac n'était pas sorti » a voulu botter en touche Tim Cook. Ce qui n'a pas du tout convaincu le président de la sous-commission.