Pourquoi le Brésil s'enflamme

Par Hélène Haus  |   |  754  mots
Quelques 200 000 personnes ont manifesté, lundi, au Brésil pour dénoncer l'augmentation des transports en commun et le coût de la Coupe du monde de football qui sera organisée dans le pays en 2014 / Reuters
Depuis le week-end dernier, le Brésil est touché par de grandes manifestations ayant attiré dans les rues plus de 200 000 personnes. Lundi, des échauffourées ont éclaté à Rio entre les manifestants et la police. Les Brésiliens protestent contre l'augmentation du prix des tickets de transports en commun et le coût de l'organisation de la Coupe du monde de football, qui se déroulera dans le pays en 2014. Si le Brésil affiche encore des taux de chômage extrêmement bas, la croissance de la septième puissance économique mondiale faiblit depuis trois ans.

Des images des rues de Rio Janeiro en flammes, des policiers aspergeant les manifestants avec des bombes lacrymogènes, des casseurs s'attaquant aux forces de l'ordre... Le Brésil est sorti de son calme. Lundi, plus de 200 000 personnes sont descendues dans les rues de ce pays où les manifestations restent encore rares. La fronde, débutée le week-end dernier, s'est radicalisée. Des échauffourées ont éclaté à Rio faisant une trentaine de blessés.

Depuis samedi, les Brésiliens protestent contre la hausse du prix des tickets des transports en commun. En pleine Coupe des fédérations de football, ils ont également voulu dénoncer le coût des dépenses publiques engrangées pour financer l'organisation de la Coupe du monde de football, qui aura lieu dans le pays en 2014.

Devant l'ampleur des manifestations, le ministre des Sports a répliqué : "Nous ne permettrons pas que des manifestations perturbent les événements que nous nous sommes engagés à réaliser". Quelques heures plus tard, la président Dilma Rousseff (Parti des travailleurs) a préféré jouer la carte de l'apaisement : "Les manifestations pacifiques sont légitimes et propres à la démocratie". Surnommée la "révolte du vinaigre" sur les réseaux sociaux, le mouvement devait se poursuivre aujourd'hui. Alors pourquoi les jeunes brésiliens sont-ils donc descendus dans la rue ?

  • Les jeunes veulent profiter de la croissance

Rio, São Paulo, Brasilia... Les manifestations ont touché les métropoles abritant les grands pôles universitaires. Des milliers d'étudiants se sont mobilisés suite aux multiples appels à manifester lancés sur les réseaux sociaux. "Ce sont les jeunes de la classe moyenne éduquée qui sont descendus dans la rue. Ils veulent enfin profiter de la croissance ", décrit Julien Vercueil, spécialiste de l'économie des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et auteur de Pays émergents: Brésil, Russie, Inde, Chine... Mutations économiques et nouveaux défis. La croissance ? Elle ne représentait pourtant que 0,9% du PIB en 2012, bien loin des chiffres affichés par la Chine (7,8%) ou l'Inde (4%). "En Asie, la productivité horaire est plus compétitive. Il ne faut pas se focaliser sur ce taux de croissance. Le pays reste en bonne santé économique, notamment grâce à ses exportations de matières premières. Mais la jeunesse n'a pas l'impression d'en profiter", résume Julien Vercueil. La croissance connaît tout de même une forte baisse puisqu'elle s'élevait à 2,7% du PIB en 2011 et 7,5% en 2010.

  • La menace de l'inflation

Le Brésil dispose d'une monnaie très forte comparée aux autres pays émergeants (1 real équivaut environs à 0,34 euros). "Leur monnaie est surévaluée à l'échelle mondiale", estime Julien Vercueil. La Banque centrale brésilienne est donc intervenue pour faire baisser le real de 40% face au dollar et redonner ainsi de la compétitivité à l'industrie. Une tactique qui a augmenté les exportations, mais aussi le prix des produits importés.

L'an passé, l'inflation a progressé de 5,84%. Les prix ont été tirés à la hausse par les médicaments (+0,9%), les vêtements (+0,8%) et le logement (+0,7%). Le 30 mai, la Banque centrale du Brésil a relevé son taux d'intérêt directeur de 0,5 point à 8%, pour tenter de freiner l'inflation. Reste à savoir si et quand les effets se feront ressentir.

  • De l'argent pour la santé et l'éducation

Les manifestations ont débuté samedi à São Paulo, une ville de 11 millions d'habitants où le réseau de transports en commun est vétuste et restreint. Le 2 juin dernier, le prix des tickets de métro et de bus y a augmenté de 20 centimes de reals, passant ainsi de 3 à 3,20 reals. "La somme peut paraître modique, mais cette augmentation est l'élement déclencheur d'un mécontentement de plus en plus prégnant chez les classes moyennes. Elles ne comprennent pas que l'argent public serve à construire des grands stades de football, qui seront peu rentables au final. Elles souhaiteraient plutôt qu'on améliore enfin leurs conditions de vie, notamment dans les secteurs de la santé et de l'éducation", note Julien Vercueil.

Si le chômage est relativement bas (5,5%), le Brésil reste un des pays les plus inégalitaires au monde et la corruption des classes politiques très élevée. Le coût de la Coupe du monde évalué à 15 milliards de dollars sera en partie financé par les 200 millions d'habitants du plus grand pays d'Amérique latine. Les Brésiliens comptent parmi les contribuables payant le plus d'impôts au monde.