Récession, dette : les sombres perspectives économiques de l’Ukraine

Par latribune.fr  |   |  788  mots
Déjà secouée par l'instabilité politique, l'Ukraine va s'enfoncer dans la récession, avec une chute du PIB de 3% et une dette en hausse de 5 points à 86% du PIB en 2014, selon la Banque mondiale. Moody’s de dégrader la note souveraine de l'Ukraine à Caa3 avec perspective négative.

La dette ukrainienne s'enfonce dans la catégorie spéculative, considérée comme risquée pour les investisseurs. C'est ce qu'il ressort de la décision vendredi de l'agence Moody's de dégrader la note souveraine de l'Ukraine à Caa3 avec perspective négative en raison de l'"escalade" de la crise politique dans le pays et malgré le soutien du Fonds monétaire international (FMI).

Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne qui ont de nouveau appelé la Russie à s'engager dans une véritable "désescalade" sur le terrain, achèvent ce samedi à Athènes une réunion informelle consacrée en grande partie à l'Ukraine. Ils doivent de nouveau s'exprimer sur le sujet samedi matin lors d'une conférence de presse.

Augmentation de 80% du prix du gaz

Déjà amputée d'une partie de son territoire, l'Ukraine était confrontée vendredi à la perspective d'une forte récession après l'augmentation-sanction de 80% du prix de ses achats de gaz par son voisin russe. Et cette semaine, elle a fait passer en 72 heures les 1.000 mètres cubes de gaz livrés à l'ancienne république soviétique de 268 à 485 dollars, un des prix les plus élevés en Europe. Une rétorsion de plus après le renversement du régime pro-russe de Viktor Ianoukovitch par des manifestants pro-européens fin février.

Dénonçant une "agression économique", après l'annonce par Moscou d'une augmentation de 80% du prix de ses livraisons gazières à l'Ukraine, le chef du gouvernement a assuré lors du conseil des ministres que "la pression politique était inacceptable. Et nous n'acceptons pas le prix de 500 dollars".

Washington prêt à aider sur sa sécurité énergétique

Vendredi, les Etats-Unis ont promis d'aider l'Ukraine à assurer sa sécurité énergétique, Kiev, dont les comptes sont au bord de la faillite, a entamé vendredi des discussions urgentes avec ses voisins d'Europe centrale pour trouver des solutions alternatives après cette hausse que le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a jugé "totalement inacceptable".

Lors d'un entretien téléphonique avec ce dernier, le vice-président américain Joe Biden "a souligné la nécessité d'améliorer la sécurité énergétique de l'Ukraine et s'est engagé à coopérer étroitement avec elle et d'autres Etats européens pour garantir qu'aucun pays ne puisse utiliser l'énergie comme une arme politique", a fait savoir la Maison blanche.

La Banque mondiale pessimiste

Déjà secouée par l'instabilité politique, l'Ukraine va s'enfoncer dans la récession, avec une chute du PIB de 3% et une dette en hausse de 5 points à 86% du PIB en 2014, a estimé vendredi la Banque mondiale.

"Certaines branches de l'économie seront à la limite de la survie", avertit Dmytro Marunych, expert du secteur énergétique. Il cite l'industrie chimique, grande consommatrice de gaz, ou la métallurgie, dont les coûts de production pourraient augmenter de 15%, leur faisant perdre toute compétitivité.

Pour la population, une hausse de 50% est annoncée le 1er mai pour le gaz, suivie d'une autre de 40% à partir de juillet pour le chauffage urbain.

Solutions de substitution

Kiev doit donc chercher des solutions de substitution. Arseni Iatseniouk a évoqué la possibilité de négociations avec ses partenaires européens pour rétrocéder à l'Ukraine une partie du gaz qu'ils reçoivent à des prix inférieurs à ceux désormais facturés Kiev.

Mais la Russie risque de ne pas apprécier un tel arrangement, relançant les craintes d'une "guerre du gaz" à l'échelle continentale, alors que l'Europe reste très dépendante des approvisionnements russes, dont une grande partie transite par les gazoducs ukrainiens.

Le ministre ukrainien de l'Energie, Iouri Prodan, a estimé que le pays devrait en 2014 "utiliser au maximum du charbon produit sur le territoire plutôt que du gaz". Selon l'Agence internationale de l'énergie, le charbon couvre actuellement 30% des besoins énergétiques ukrainiens, contre 40% pour le gaz.

Corruption 

Kiev va aussi devoir mettre de l'ordre dans son secteur gazier, qui selon Fan Qimiao, responsable de la Banque mondiale pour le pays, "a été la principale source de corruption en Ukraine ces vingt dernières années," depuis l'indépendance et l'effondrement de l'URSS en 1991.

L'économiste souligne "qu'il y a très peu de compagnies gazières dans le monde qui sont en déficit et, malheureusement, l'ukrainienne est l'une d'elles".

Les nouvelles autorités, à la tête d'un pays au bord de l'asphyxie financière, se sont engagées à mener d'importantes réformes structurelles pour décrocher la semaine dernière un pré-accord du FMI sur un plan d'aide qui pourrait s'élever à 18 milliards de dollars sur deux ans. Des réformes qui "seront impopulaires" et vont "se heurter à des intérêts puissants", a averti Fan Qimiao