En Thaïlande, la junte s'efforce d'attirer les investisseurs

Par Julien Sauné  |   |  793  mots
L'instabilité politique chronique a pénalisé l'économie thaïlandaise au premier trimestre. La timide reprise qui s'annonce reste fragile et conditionnée à la stabilité politique
La Thaïlande a renoué avec la croissance économique au deuxième trimestre. La junte militaire au pouvoir tente de stabiliser l'économie et veut redonner aux investisseurs étrangers l'envie de s'engager dans le pays

La croissance est de retour! Le PIB de la Thaïlande a crû de 0,9% au second trimestre de l'année 2014 par rapport aux trois mois précédents, après s'être contracté de 1,9% au premier trimestre, a annoncé le Bureau de l'économie nationale et du développement social thaïlandais. En rythme annuel, la croissance atteint ainsi 0,4% au deuxième trimestre.

Ces chiffres relativement encourageants viennent conforter la junte militaire en place dans ses efforts pour s'attirer les bonnes grâces des investisseurs étrangers, qui jouent un rôle crucial dans l'économie thaïlandaise.

Faire la cour aux investisseurs

Prajin Juntong, ancien chef de l'Armée de l'air aujourd'hui en charge des affaires économiques au sein de la junte, a prononcé un discours en ce sens vendredi à Bangkok devant un parterre d'investisseurs et de professionnels de la finance. Il a détaillé les plans du gouvernement pour relancer l'économie: investissements publics dans les infrastructures, l'éducation et la défense. Le principal projet d'infrastructure est un réseau ferroviaire de grande ampleur qui pourrait à terme relier la ville chinoise de Kunming à l'Asie du Sud-est, facilitant le transport des marchandises à travers tout le pays.

Prajin Juntong, cité par le Wall Street Journal, résume l'enjeu pour la Thaïlande:

"Il y a vingt ans, la Thaïlande était le leader régional dans pratiquement tous les domaines : économique, social, culturel, dans l'éducation et le tourisme également". Il s'agit donc de reprendre cette place. "Dans l'antiquité, nous nous battions à dos d'éléphant ou de buffle avec des épées et des lances", maintenant, c'est sur le plan économique qu'il faut savoir mener la bataille. "On ne peut pas faire tout cela tout seuls. Si nous avons des investisseurs (étrangers), cela va accélérer les choses".

Un contexte politique instable

Une véritable croissance de long terme peine à s'installer en Thaïlande en raison de la forte instabilité politique qui y règne depuis quelques années, notamment depuis le coup d'État de 2006. Les derniers troubles en date sont les manifestations massives d'opposants au gouvernement de Yingluck Shinawatra qui ont paralysé le pays pendant plusieurs mois à partir de novembre 2013. L'armée est à nouveau intervenue par un coup d'État en mai 2014. Une nouvelle constitution de transition a été approuvée par le roi en juillet, qui confère au gouvernement militaire des pouvoirs étendus.

Depuis l'essor durable de la démocratie dans les années 1980, l'armée s'est octroyé un rôle de régulateur de la vie politique en Thaïlande. Son but n'est pas a priori d'établir une dictature militaire sur le long terme mais de stabiliser le pays et d'organiser de nouvelles élections. Il est prévu que le pouvoir soit rendu aux civils fin 2015.

Une reprise économique encore fragile

L'intervention de l'armée, qui a chassé le gouvernement civil contesté et instauré la loi martiale pour rétablir l'ordre, a permis d'éviter la récession. Krystal Tan, analyste chez Capital Economics, cité par Les Echos, confirme:

"Les perspectives de croissance sont meilleures depuis le coup d'État militaire, qui a réduit les incertitudes politiques". Néanmoins, "la croissance a peu de chance de revenir à sa tendance (précédente) rapidement".

En effet, malgré un certain retour au calme, un climat d'incertitude continue de planer sur le pays et de pénaliser des secteurs clés de l'économie. Le tourisme est particulièrement touché. Dans son communiqué annonçant les chiffres économiques du second trimestre, le Bureau de l'économie nationale et du développement social précise ainsi : "L'activité des hôtels et des restaurants a été en baisse constante, en réaction à une chute du nombre des touristes, conséquence de la situation politique".

Les fondamentaux peinent à repartir

Au-delà de l'exemple évoqué du tourisme, la perception de la Thaïlande par les investisseurs s'est dégradée selon la COFACE. De nombreuses entreprises ont reporté leurs investissements, à l'instar de Toyota, et les usines ne fonctionnent en moyenne qu'à 60% de leurs capacités. L'Indonésie et le Vietnam commencent à concurrencer sérieusement la Thaïlande pour accueillir les entreprises japonaises ou sud-coréennes qui délocalisent leur production dans la région. Enfin, le fort taux d'endettement des ménages (80% du PIB) réduit la capacité de ces derniers à consommer et limite la marge de manœuvre de la banque centrale pour baisser les taux d'intérêts malgré le ralentissement de l'activité.

Toutefois, avec un bon niveau de réserves de change - plus de 8 mois d'importations en janvier 2014 - et un endettement relativement bas - 48,2% du PIB prévus pour 2014 - le pays peut se prémunir contre d'éventuels retraits de capitaux. Reste à retrouver une stabilité politique...