"La Thaïlande reste un pays très attractif pour les investisseurs étrangers"

Par Julien Sauné  |   |  785  mots
Luca Silipo est économiste spécialiste de l'Asie-Pacifique chez Natixis. Il souligne la robustesse de l'économie thaïlandaise qui reste intéressante pour les investisseurs malgré l'instabilité politique
Les troubles politiques depuis novembre 2013 en Thaïlande ont fait fuir les investisseurs étrangers dans un premier temps. Pour Luca Silipo, Chef économiste de la plate-forme Asie-Pacifique chez Natixis, l'économie du pays est en passe de se redresser et peut se prévaloir de sérieux atouts face à la concurrence.

Que de rebondissements en Thaïlande! Après une période très mouvementée d'affrontements entre partisans et détracteurs sous le gouvernement de Yingluck Shinawatra, entre novembre 2013 à mai 2014, l'armée l'a chassée du pouvoir par un coup d'Etat.

Sur le plan économique, la junte au pouvoir s'efforce désormais d'attirer les investisseurs étrangers, qui avaient été nombreux à fuir le pays. Un enjeu crucial pour l'économie thaïlandaise dont le développement dépend en grande partie des capitaux étrangers. Selon Luca Silipo, Chef économiste de la plate-forme Asie-Pacifique chez Natixis, la Thaïlande a tous les atouts pour réussir économiquement si la situation politique se stabilise.

La Tribune - Quel a été l'impact des troubles politiques depuis novembre 2013 et du coup d'Etat militaire sur les investissements étrangers en Thaïlande?

Luca Silipo - Au lendemain des graves évènements politiques en Thaïlande qui ont vu la Première ministre être pratiquement placée en garde à vue, certains investisseurs étrangers ont fui le pays. On a alors assisté à une substitution par des investisseurs nationaux. C'est ce phénomène qui est à la base de l'appréciation des actifs thaïlandais depuis mai 2014. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que le marché des actions thaïlandais est le troisième de la zone derrière l'Inde et l'Indonésie. Alors que les élections récentes dans ces deux derniers pays ont vu les candidats favoris des marchés accéder au pouvoir, ce n'est pas le cas en Thaïlande. Le gouvernement militaire n'est pas vu d'un très bon œil par les investisseurs.

Lors du coup d'Etat de 2006, le pays a en effet été mal géré par les militaires, notamment sur le plan économique, ce qui a créé un mauvais précédent. On aurait donc pu s'attendre à une nouvelle contre-performance des marchés cette fois-ci. Or c'est tout le contraire qui s'est produit: le retrait des investisseurs étrangers a été plus que compensé par les investisseurs nationaux, pour la plupart institutionnels. Sur le plan monétaire, la devise est restée assez faible jusqu'en mai 2014 mais elle s'est appréciée de 6% entre mai et août 2014.

Quels ont étés les secteurs les plus touchés par la fuite des investisseurs étrangers?

Sans aucun doute le secteur manufacturier et notamment automobile, où les étrangers sont très présents.

Mais désormais, vous semblez plutôt optimiste...

L'économie thaïlandaise est bien préparée à absorber des chocs et reste solide dans ses fondamentaux. Les entreprises sont bien positionnées. Les secteurs les plus porteurs sont la technologie, le secteur manufacturier, automobile notamment, le raffinement de matières premières et bien entendu le tourisme. Les ménages sont certes endettés mais nettement moins qu'il y a trois ans. Les perspectives macroéconomiques sont donc bonnes et les marchés anticipent une stabilisation de l'économie.

Quelle est la stratégie du gouvernement pour le faire savoir aux investisseurs étrangers?

Le gouvernement s'efforce de tranquilliser les investisseurs et de les rassurer sur ses intentions vis-à-vis des entreprises. Il a récemment communiqué une mise à jour de ses prévisions économiques dans laquelle il se positionne comme un acteur résolument "pro-business".

L'environnement étant déjà assez libéral pour les investisseurs étrangers en Thaïlande, le gouvernement mise sur la continuité. A part quelques réformes à la marge sur le plan fiscal, aucune révolution n'est prévue. Au niveau monétaire, la politique actuelle favorable à l'investissement va être poursuivie, avec un taux d'intérêt de 2%, le plus bas en Asie du sud-est après Singapour.

Voyez-vous par ailleurs des risques peser sur l'économie thaïlandaise à moyen et long terme?

Les données économiques étant bonnes, le seul risque sérieux est de nature politique. Nous verrons si le gouvernement est capable de redonner confiance aux investisseurs sur le long terme.

La Thaïlande est de plus en plus concurrencée par le Vietnam et l'Indonésie pour attirer les investissements étrangers. Sa place de locomotive de l'Asie du sud-est est-elle menacée?

La Thaïlande reste un pays très attractif pour les investisseurs étrangers, notamment asiatiques. D'autre part le différentiel de coût du travail entre la Thaïlande et l'Indonésie par exemple, qui jouait en faveur de cette dernière il y a encore quelques années, est en train de se réduire.

Enfin, la Thaïlande est la porte d'entrée des investisseurs qui souhaitent se positionner en Birmanie, pays qui suscite un vif intérêt actuellement. A titre d'exemple, la plupart des vols internationaux vers Rangoon, la capitale économique birmane, passent par Bangkok.