De plus en plus de pays veulent attirer les riches migrants chinois

Par François Roche  |   |  844  mots
Jusqu'à ces derniers mois, les deux destinations préférées des émigrants de l'Empire du milieu étaient les États-Unis et le Canada. Mais l'Australie, le Royaume-Uni et même la Grèce s'efforcent de plus en plus d'attirer les millionnaires rouges.
On peut être la première puissance économique du monde et manquer d'attractivité aux yeux de certains de ses ressortissants. Selon une étude de la banque Barclays, 47 % des Chinois disposant d'une fortune supérieure à 1,5 million de dollars envisagent de s'installer à l'étranger au cours des cinq prochaines années.

Les principales raisons invoquées par ces candidats à l'émigration ne sont pas de nature politique, mais concernent l'éducation des enfants, les risques sur la santé que fait peser sur les Chinois le mauvais état de l'air, de l'eau et de la sécurité alimentaire. Mais il est probable que la campagne anti-corruption lancée par Xi Jinping depuis deux ans, et dont l'ampleur ne cesse de s'étendre, est une motivation supplémentaire pour certains riches Chinois de mettre un peu de distance entre eux et Pékin.

Jusqu'à ces derniers mois, les deux destinations préférées des émigrants de l'Empire du milieu étaient les États-Unis et le Canada. Dans ces deux pays, il existe des conditions favorables à l'obtention d'un titre de résident pourvu qu'on en ait les moyens. Une carte verte de résident américain peut s'obtenir au moyen d'un investissement de 1 million de dollars, générant la création de dix emplois pendant au moins deux ans, au titre d'un programme baptisé EB-5, et intégré à l'Immigration Act de 1990. Entre 2008 et 2013, le nombre de bénéficiaires de ce programme est passé de 1.842 à 8.567, pour atteindre les 10.000 en 2014, dont 80 % accordés à des ressortissants chinois. Mais la liste d'attente s'allonge sérieusement et les délais d'instruction des dossiers peuvent atteindre quatre ans en moyenne.

L'autre destination phare en Amérique du Nord, le Canada, est devenue difficilement atteignable. En avril dernier, le gouvernement a pris la décision d'arrêter un programme analogue à celui de son voisin (permis de résidence contre un engagement d'investissement de 700.000 dollars), dont 90 % des bénéficiaires étaient des investisseurs chinois.

On déroule le tapis pour les millionnaires rouges

Du coup, d'autres pays sont devenus des cibles de choix, dont le Royaume-Uni et l'Australie. Pour limiter un peu le nombre de candidats, le gouvernement britannique a décidé de porter à 2 millions de livres le montant minimum d'investissement dans les entreprises britanniques et les bons d'État pour que les étrangers et leur famille bénéficient d'un titre de résidence.

Là encore, les ressortissants chinois sont les plus nombreux à en faire la demande, devant les Russes. Il faut un délai de trois mois pour instruire le visa qui, en cas d'accord, s'obtient en trois semaines...

En payant 6.000 livres d'honoraires, on peut bénéficier du « superpremium service» et le visa ainsi obtenu permet de résider au Royaume-Uni trois ans et quatre mois, et peut être renouvelé une fois pour une période de deux ans. Mais moyennant un engagement d'investissement de 10 millions de livres, il est possible, au bout de deux ans, de devenir résident permanent... En Australie, la procédure est encore plus simple. Depuis le début 2015, un étranger peut obtenir le droit de résidence permanent en moins d'un an pour peu qu'il s'engage à investir 13 millions de dollars américains dans l'économie locale. Cela ne peut qu'accroître encore l'attrait de ce pays aux yeux des riches hommes d'affaires chinois, qui y ont investi beaucoup d'argent, notamment dans l'immobilier. Les autorités chinoises considèrent d'ailleurs que l'Australie est le refuge privilégié de l'argent de la corruption.

Une récente affaire l'a démontré de façon spectaculaire, lorsque la presse australienne a découvert que le fils de Su Shunhu, un ancien dirigeant des chemins de fers chinois, condamné en octobre 2014 à la prison à vie pour faits de corruption, disposait en Australie où il réside, de biens immobiliers valant plusieurs millions de dollars...

Bien qu'il existe un accord d'entraide judiciaire entre la Chine et l'Australie, les dirigeants chinois ont demandé que la Commission de discipline du Parti, qui enquête sur les affaires de corruption, ait la possibilité d'aller interroger sur place des ressortissants chinois, même s'ils bénéficient de la nationalité australienne... Canberra fait la sourde oreille pour l'instant, mais c'est un sujet épineux pour les Australiens qui ne souhaitent pas voir mises en danger les relations économiques entre les deux pays, notamment dans le domaine des matières premières.

Bien des pays veulent leur part de ces riches exilés

Mais d'autres pays ne sont pas en reste pour attirer les investisseurs et résidents chinois.

La Grèce, par exemple, octroie ainsi un visa permanent, pour trois générations, en contrepartie d'un engagement d'investissement de 250.000 dollars dans l'immobilier. Cette mesure, prise avant l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, a fait l'objet d'une large publicité en Asie, et notamment en Chine. Le Portugal et l'Espagne ont mis en place des programmes de même nature qui ont permis l'attribution de 750 visas à des familles chinoises au cours des douze derniers mois.

La Bulgarie, Malte et Chypre proposent même la citoyenneté accélérée, tout comme St Kitts et Nevis, Antigua ou la Dominique. Dans ce dernier pays, la Chine a d'ailleurs conclu un accord d'investissement massif de 300 millions de dollars (l'équivalent du tiers du PIB de l'île) pour construire un hôtel, un nouvel aéroport et un hôpital...