La pression monte avant le sommet européen

Par latribune.fr  |   |  1462  mots
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Les chefs d'Etat européens se retrouvent ce jeudi soir à Bruxelles pour un sommet censé rétablir la confiance dans la zone euro. "Si vendredi nous n'avons pas un accord, il n'y aura pas de seconde chance", affirme Nicolas Sarkozy.

La France et l'Allemagne, qui se sont entendues lundi sur une série de propositions, ont transmis au Conseil européen une lettre de quatre pages détaillant les réformes jugées nécessaires : une intégration fiscale et un contrôle budgétaire renforcé. Mais l'accord final est encore loin d'être trouvé, comme en témoigne les différentes déclarations des dirigeants européens.

Nicolas Sarkozy : "pas de seconde chance"

A Marseille, à quelques heures du début du Conseil européen à Bruxelles, où la France et l'Allemagne défendront des propositions communes de réforme des traités européens, le président français a dramatisé les enjeux et appelé à "l'esprit de compromis". "Jamais l'Europe (...) n'a été aussi en danger (...) et jamais le risque d'explosion de l'Europe n'a été aussi grand", a-t-il déclaré. "Nous avons quelques semaines pour décider parce que le temps travaille contre nous." "Si vendredi nous n'avons pas un accord, il n'y aura pas de seconde chance".

Angela Merkel : trouver les bonnes solutions

La chancelière allemande s'est dite "convaincue" que les Européens allaient trouver de "bonnes solutions" au sommet de Bruxelles pour faire face à la crise de la dette. "Je suis convaincue que nous allons trouver une solution à toutes les questions", a déclaré Angela Merkel devant le congrès des partis européens de droite (PPE) à Marseille, tout en reconnaissant que les débats "seront difficiles" au sommet européen. 

Selon elle, les dirigeants européens réunis en sommet doivent faire en sorte que l'euro regagne sa "crédibilité" en partie perdue, via un durcissement de la discipline budgétaire commune ancrée dans le traité de l'UE. "Cela veut dire que la Commission (européenne) et la Cour de justice européenne vont avoir davantage de responsabilités" dans le contrôle budgétaire des Etats de l'Union monétaire pour s'assurer qu'ils respectent "véritablement" le pacte de stabilité européen limitant le déficit public et la dette, a ajouté la chancelière.

Merkel a également indiqué ne pas savoir s'il serait possible d'y parvenir via un changement de traité impliquant les 27 pays de l'Union européenne ou via un accord des seuls 17 pays de la zone euro, qui selon elle devraient se retrouver séparément pour une "réunion" dans le cadre du sommet. "L'important pour moi est (de dire) que l'euro ne pourra regagner sa crédibilité que si nous modifions le traité pour évoluer vers une union de stabilité" budgétaire, a-t-elle encore souligné.

José Manuel Barroso : "garantir l'irréversibilité de l'euro"

Le président de la Commission européenne a appelé jeudi les dirigeants de toute l'Union européenne à "tout faire pour garantir l'irréversibilité de l'euro", à quelques heures d'un sommet décisif à Bruxelles. "Je lance un appel aux chefs d'Etat et de gouvernement. Il faut tout faire pour garantir l'irréversibilité de l'euro", a-t-il déclaré à Marseille, à son arrivée à une réunion des dirigeants du Parti populaire européen (PPE), la droite européenne.

Jean-Claude Juncker : "il doit y avoir accord"

Un appel aux bonnes volonté abondé par le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, mais qui se veut plus pragmatique. Juncker a estimé que si les Européens ne pouvaient se mettre d'accord à vingt-sept , un accord devrait être trouvé entre les dix-sept membres de la zone euro.

Il a également décroché quelques flêches à l'égard de l'Allemagne : "je trouve parfois étrange que l'Allemagne se sente entourée de mauvais élèves de la stabilité", a déclaré le Luxembourgeois au quotidien Süddeutsche Zeitung. Il y a toujours eu en zone euro des pays aux finances plus équilibrées que l'Allemagne, a-t-il rappelé. "Il est donc étonnant que les Allemands pensent qu'ils sont les plus vertueux qui doivent payer pour les autres" avant de conclure : "ce n'est pas vrai".

"L'euro lui-même, en ce qui concerne sa valeur interne, en ce qui concerne le régime de change, n'est aucunement menacé", a également affirmé Juncker, avant de renchérir : "nous devons tout faire pour mettre en place des instruments et des mécanismes de pare-feu pour éviter la contagion vers les pays qui relèvent du centre de la zone euro."

Par ailleurs, "en échange d'une réforme à vingt-sept, il ne faut pas donner au Royaume-Uni des espaces de liberté qui lui permettent de faire ce qu'il veut en matière de régulation financière, alors que les autres centres financiers seraient davantage encadrés au sein de la zone euro", a-t-il par ailleurs déclaré jeudi. "Je n'aimerais pas non plus l'idée d'avoir un traité à Vingt-Sept avec des dérogations pour les Britanniques sur les questions sociales", a ajouté le président de l'Eurogroupe.

Jean Leonetti : éviter la paralysie à tout prix

Le pragmatisme de Juncker est partagé par la France. "C'est mieux si c'est à vingt-sept mais si cela ne peut pas être à vingt-sept , cela ne doit pas être un élément de paralysie. Cela veut dire qu'il faut continuer quand même à avancer à dix-sept ou à dix-sept et à quelques autres", a dit Jean Leonetti, ministre français chargé des Affaires européennes. "La situation est grave", a ajouté le ministre français qui juge que "l'euro peut exploser et l'Europe se défaire".

La France doit tenir compte des exigences posées par le Royaume-Uni, qui rejette toute intégration économique et financière supplémentaire, alors que Paris et Berlin ont fait de ce dossier une priorité en même temps que l'accroissement de la discipline budgétaire . 

David Cameron hausse le ton

"Plus les pays de la zone euro feront peser des demandes, plus nous en formulerons en retour", avait déclaré David Cameron. "Ce que nous voulons, particulièrement dans le domaine des services financiers dans lequel notre pays a un énorme intérêt, (c'est) de faire en sorte que nous ayons plus de pouvoirs, ici au Royaume-Uni, sur ces choses-là", avait-il ajouté.

Mardi déjà, il avait menacé de "ne pas signer" un nouveau traité s'il n'obtenait pas de garanties suffisantes pour protéger les intérêts de la City, vache sacrée au Royaume-Uni. Les services financiers britanniques représentent plus de 10% du PIB britannique et un million d'emplois. Mais ces déclarations "bravaches" inquiètent à Bruxelles.

"Il n'est pas acceptable qu'un pays bloque tous les autres", a souligné un responsable européen sous couvert d'anonymat, en jugeant les propos de M. Cameron "à usage purement intérieur". Le Premier ministre britannique "va être tenté, voire obligé, de demander des contreparties", a renchéri un diplomate européen de haut rang pour qui les Britanniques sont "le vrai problème".

Le risque, s'inquiètent des responsables bruxellois, serait que Cameron demande un rapatriement de compétences à Londres en matière de surveillance du secteur financier, alors que tous les efforts de l'UE depuis l'éclatement de la crise financière ont porté sur la création d'instances de supervision paneuropéenne des marchés.

Blocage de Prague ?

Autre épine dans le pied d'un éventuel accord sur l'intégration fiscale et budgétaire : la position de Prague. En effet, si la République tchèque soutiendra toute réforme permettant de stabiliser la zone euro, Prague a fait savoir qu'il serait inacceptable pour elle que les Etats membres soient contraints de soumettre leur projet de budget à Bruxelles avant leur adoption, a déclaré mercredi le Premier ministre tchèque, Petr Necas.

La Pologne et la Roumanie ne veulent pas d'une "Europe à deux vitesses"

Parmi les autres pays qui risque de bloquer les négociations, la Roumanie "ne peut pas accepter une Union européenne avec deux catégories d'Etats membres", a affirmé jeudi le Premier ministre roumain Traian Basescu en référence aux projets envisagés par la France et l'Allemagne pour la zone euro.

Des propos similaires ont également été soutenus par le premier ministre polonais. "La crise scelle notre cercueil si nous choisissons d'aliéner l'Europe à 27", a déclaré Donald Tusk devant le congrès des partis européens de droite (PPE) à Marseille à quelques heures de l'ouverture d'un sommet de l'UE à Bruxelles.

"Il ne suffit pas de répéter constamment que la communauté européenne doit rester unie. Cela doit être suivi de décisions qui n'excluent personne et ne créent pas une Europe à deux vitesses", a-t-il ajouté.

Optimisme grec

Autant dire que l'accord ne va pas être facile à trouver. Venizelos, le ministre grec des finances se veut pourtant rassurant : "je suis sûr que les dirigeants européens vont prendre d'autres décisions et envoyer un message puissant aux partenaires de la zone euro et aux marchés pour dépasser cette crise" et pour que l'Europe reste "une zone de stabilité".