DSK : "la zone euro est un radeau sur le point de sombrer"

Par latribune.fr, avec AFP  |   |  1033  mots
Copyright Reuters (Crédits : (c) Copyright Thomson Reuters 2011)
Pour son retour à la vie publique, sur un ton docte d'expert au-dessus de la mêlée, l'ex-patron du FMI a distribué bons et mauvais points. Des déclarations qui ont crée des remous en France. Christine Lagarde a estimé de son côté que la crise européenne était un risque pour "toutes les économies du monde".

L'ex-chef du FMI Dominique Strauss-Kahn a effectué lundi à Pékin son retour à la vie publique dans un forum économique au cours duquel il a comparé la zone euro à un "radeau sur le point de sombrer", en refusant de commenter ses propres déboires. Il a également fustigé les intérêts divergents d'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy : "je ne suis pas sûr qu'ils se comprennent". Retrouvez l'intégralité du discours de DSK, en anglais, en cliquant ici.

Après plus de sept mois de turbulences personnelles, le Français a souhaité retrouver dans la capitale chinoise son statut de spécialiste en macro-économie, fort de son expérience à la tête du Fonds.

Aux journalistes étrangers qui tentaient de l'interroger sur son actualité judiciaire, sur son état d'esprit ou sur son choix de la Chine pour revenir sur le devant de la scène, DSK a systématiquement opposé: "Aucun commentaire".

L'ex-chef du FMI avait brutalement du quitter son poste après avoir été accusé de tentative de viol par Nafissatou Diallo, femme de chambre de l'hôtel Sofitel de Manhattan.

Il a depuis bénéficié de l'abandon des poursuites pénales concernant ces faits présumés, mais reste poursuivi au civil, et son nom a été depuis cité notamment dans une affaire de prostitution en France, mais à l'époque où il occupait ses fonctions au FMI, et ces affaires l'avaient conduit jusqu'à ce lundi à s'effacer largement de la vie publique.

Costume sombre et cravate rose, simplement équipé d'une tablette tactile, il s'est assis aux côtés d'économistes majoritairement chinois, qu'il a salués comme s'il retrouvait de vieilles connaissances et comme si l'affaire du Sofitel de New York n'avait jamais éclaté.

Invité par le groupe NetEase, l'un des géants de l'internet en Chine, Dominique Strauss-Kahn a prononcé un discours en anglais de 45 minutes.
Il est vraisemblable que DSK et NetEase avaient des intérêts communs dans cette opération: le premier en retrouvant une posture digne dans un pays où les questions gênantes sont très rarement posées, le second en s'offrant pour son forum annuel une tête d'affiche mondialement connue.

Sur un ton docte d'expert au-dessus de la mêlée, l'ex-patron du FMI a distribué bons et mauvais points, se montrant très critique des mesures de sauvetage prises à Bruxelles et plutôt tendre avec ses hôtes chinois.

"Nous voyons les pays européens passer d'un plan (de sauvetage) à un autre, d'un sommet de la dernière chance à un autre, toujours sans admettre les pertes, toujours sans permettre une reprise de la croissance et toujours en échouant à restaurer la confiance", a déclaré M. Strauss-Kahn.

Il a ensuite répondu à des interrogations d'internautes transmises par le biais d'un animateur.

"Avec la récente tempête, le radeau semble ne plus être assez résistant", a-t-il affirmé en parlant de l'eurozone. "Le fait que l'euro soit encore au milieu de la rivière et que l'union budgétaire ne soit pas réalisée le rend très très vulnérable et le radeau semble sur le point de sombrer".

"Je ne suis pas persuadé que (le président français) M. Sarkozy et (la chancelière allemande) Mme Merkel se comprennent bien entre eux et c'est probablement une des raisons pour lesquelles le système européen a des problèmes pour avancer", a-t-il confié.

Il a estimé en revanche que le gouvernement chinois avait "particulièrement bien tiré son épingle du jeu" lors de la crise de 2008-2009. Les 500 millions d'euros du Mécanisme européen de stabilité (MES), futur fonds de sauvetage permanent de la zone euro, "ne seront pas réels avant six mois, ce qui est bien trop tard. C'est une question de semaines, ce n'est pas une question de mois", a souligné l'ex-favori de la présidentielle française.

Concernant les autres mesures sur lesquelles planchent les leaders européens, qui se retrouveront en sommet début 2012, DSK a assuré: "Franchement je ne suis pas vraiment sûr que ce qu'ils vont préparer sera suffisamment solide pour être efficace".

Réactions en France

Les déclarations de Dominique Strauss-Kahn en Chine ont fait quelques vagues lundi en France, où le Parti socialiste a assuré qu'il n'était pas en mission pour François Hollande tandis que Marine Le Pen fustigeait l'"arrogance" de l'ancien chef du FMI.

Ce retour à la vie publique ne saurait annoncer un regain d'activité de Dominique Strauss-Kahn dans la vie politique française, en particulier auprès du candidat PS pour la présidentielle François Hollande, prévient le Parti socialiste.

"Non, il n'est pas émissaire de François Hollande auprès des autorités chinoises. Si François Hollande veut engager des discussions avec les autorités chinoises, il le fera lui-même", a déclaré Benoît Hamon, le porte-parole du PS. Dominique Strauss-Kahn "n'est plus un acteur de la vie politique nationale", a-t-il ajouté lors de point de presse hebdomadaire.

Interrogée sur son voyage en Chine, la présidente du Front national Marine Le Pen a dénoncé l'"arrogance" de l'ancien patron du FMI. "A chaque fois qu'on voit Dominique Strauss-Kahn quelque part, on voit qu'un Français de haut niveau, qui a failli être candidat à l'élection présidentielle, soutenu par tous les partis de gauche quand même, continue avec arrogance à se promener alors même qu'il est une marque d'humiliation pour tous les Français", a-t-elle déclaré à la presse lors d'une visite sur le marché de Noël de l'avenue des Champs-Elysées, à Paris.

Christine Lagarde également inquiète pour l'Europe

"Ce qui se passe dans les économies avancées, en particulier en Europe, est évidemment une source d'inquiétude pour tout le monde actuellement", a affirmé la directrice générale de Fonds monétaire international lors d'un entretien avec le président du Sénat nigérian, David Mark. "En raison de la gravité de la crise et des difficultés des Européens à y faire face, la crise aura des répercussions dans toutes les économies du monde", a mis en garde Christine Lagarde.