L'Espagne veut liquider sa gigantesque dette commerciale publique

Par Gaëlle Lucas, à Madrid  |   |  524  mots
Le gouvernement de Mariano Rajoy veut régler plus de 40 milliards d'euros de factures en retard qui grèvent la situation financière de nombre d'entreprises espagnoles. Copyright Reuters
Les organisations patronales accueillent favorablement ce ballon d'oxygène alors que nombre d'entreprises sont sur la corde raide à cause des impayés publics.

Le conseil des Ministres du gouvernement de Mariano Rajoy adoptera ce vendredi 24 février un mécanisme permettant de liquider une fois pour toutes la dette des administrations publiques à l?égard de leurs fournisseurs. Il compte ainsi régler plus de 40 milliards d?euros de factures en retard qui grèvent la situation financière de nombre d?entreprises espagnoles. Le prédécesseur de Rajoy, José Luis Rodriguez Zapatero, avait aussi tenté de remédier à cette situation via une loi de 2010 réduisant les délais de paiement à 50 jours en 2011 et 30 jours en 2013.

« Alors que depuis l?adoption de ce texte, le secteur privé paye de plus en plus rapidement, les administrations publiques accumulent de plus en plus de retard », constate Celia Ferrero, vice-présidente de la Fédération d?Associations d?Auto-entrepreneurs (ATA). De fait, la moyenne est de 157 jours dans le public, d?après la Plateforme Multisectorielle contre les créances douteuses. Les régions et les mairies sont les débitrices les moins ponctuelles.

Les banques à contribution

Ces retards entraînent, notamment pour les PME, des problèmes de liquidité d?autant plus dramatiques que « le crédit pour financer le capital circulant est pratiquement inexistant actuellement », regrette un porte-parole de la Confédération Nationale de la Construction (CNT). « En 2011, 350.000 auto-entrepreneurs ont disparu à cause des impayés publics », affirme Celia Ferrero. Cette réalité est telle que certains en ont fait un business. Des plateformes sur Internet permettent ainsi aux créanciers de vendre leur dette. Le site Mercadeuda propose ainsi plus de 350 millions d?euros de « dette de mairies, de régions et d?entreprises ».

Pour régler la note dans un délai de « quelques semaines », le gouvernement conservateur mettra à contribution les banques selon un mécanisme qu?il ne dévoilera que vendredi. Il ne peut en effet pas compter sur les régions et mairies pour effacer seules leurs dettes dans un laps de temps aussi court, compte tenu de l?état de leur bilan. « De cette façon, on injecte de la liquidité dans l?économie » explique une source officielle.

Une dette de travaux publics de 22.3 milliards d'euros

 L?annonce a été accueillie avec optimisme par les organisations patronales. « Avec cet argent dans les caisses, les auto-entrepreneurs vont pouvoir se refaire », prédit Celia Ferrero. De même les marchés voient la mesure d?un bon ?il. Mercredi, les titres des grands groupes de BTP, comme FCC, ont enregistré de fortes hausses grâce à la perspective du recouvrement de leurs dettes. Ce secteur est certes l?une des premières victimes des débiteurs publics défaillants. L?association du secteur SEOPAN estime que fin 2010, la dette en matière de travaux publics était de 22,3 milliards d?euros, dont près de 16 milliards hors délai. Les services aussi sont particulièrement concernés. Reste à savoir si, une fois leur dette réglée, les administrations publiques respecteront les délais de paiement imposés par la loi ou si ce ballon d?oxygène n?est qu?une bouffée d?air avant une nouvelle plongée en apnée.