L'Europe signe un traité de la "règle d'or"... qu'elle ne peut appliquer

Par latribune.fr (source AFP)  |   |  676  mots
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Vingt-cinq pays européens ont signé vendredi un nouveau pacte de discipline budgétaire pour empêcher les dérapages mais qui pose déjà de gros problèmes à plusieurs d'entre eux, rattrapés par la crise économique, en premier lieu l'Espagne mais aussi les Pays-Bas.

Exigé par l'Allemagne en échange de sa solidarité financière avec ses partenaires de la zone euro, ce traité a été adopté par 25 des 27 membres de l'Union européenne, le Royaume-Uni et la République tchèque ayant décliné. Il doit être ratifié par au moins 12 d'entre eux pour commencer à entrer en vigueur et tout pays de la zone euro qui ne le fera pas ne pourra plus bénéficier de l'aide financière de ses partenaires. "C'est une étape importante pour renforcer la confiance dans notre Union économique et monétaire", a estimé le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, lors de la cérémonie de signature, au dernier jour d'un sommet européen à Bruxelles. Ce traité prévoit des "règles d'or budgétaires" imposant l'équilibre des comptes publics ainsi que des sanctions plus automatiques contre les pays laxistes.

L'Espagne signe mais son déficit explose

Mais avant même qu'il entre en vigueur, la vertu budgétaire que le pacte entend imposer est mise en question par la conjoncture économique de plus en plus dégradée et la récession en cours en zone euro. Plusieurs pays se retrouvent déjà contraints de faire face à un dérapage de leurs finances publiques. L'Espagne a ainsi annoncé lundi une explosion de son déficit public à 8,51% du PIB en 2011, alors qu'elle s'est engagée à ramener son déficit public à 4,4% du PIB en 2012 et à 3% en 2013, et tente d'obtenir un assouplissement de l'objectif. Madrid "respectera tous ses engagements en matière d'ajustement budgétaire mais les circonstances ont changé", a déclaré le ministre espagnol des Finances, Luis de Guindos, "la situation économique est très différente de celle de l'an dernier".

La mauvaise surprise hollandaise

Mais la véritable surprise est venue des Pays-Bas, prompts à critiquer le laxisme budgétaire de leurs partenaires et qui se retrouvent pourtant à leur tour contraints de faire de nouvelles économies en raison de la détérioration plus importante que prévu de la conjoncture. La Commission européenne a invité fermement jeudi le gouvernement du libéral Mark Rutte à respecter son engagement en la matière après la publication par le Bureau central du Plan néerlandais de prévisions économiques revues à la baisse. L'institut s'attend dorénavant à ce que le déficit public atteigne 4,5% du PIB cette année mais surtout dépasse encore l'an prochain la limite européenne de 3%, ainsi qu'en 2014 (4,1%) et en 2015 (3,3%). "Les Pays-Bas sont un pays qui s'est fait beaucoup entendre lorqu'il s'est agi de renforcer nos règles de surveillance budgétaire" dans la zone euro, "il est donc normal de penser qu'ils vont appliquer la même approche à leur propre politique", a déclaré un porte-parole de la Commission.

La France à la peine

En plus de l'Espagne et des Pays-Bas, d'autres pays risquent bientôt d'avoir du mal à ramener leurs finances publiques dans le droit chemin en temps et en heure, avec la possibilité de se faire rappeler à l'ordre par Bruxelles. C'est le cas de la France. La Cour des comptes a en effet jugé début février que l'objectif visant à ramener le déficit à 4,5% cette année serait "difficile à atteindre" et qu'il serait "encore plus difficile" de revenir à 3% en 2013.

Si les règles devaient être assouplies même légèrement pour les Pays-Bas et l'Espagne, cela pourrait ouvrir une boîte de Pandore, provoquer l'ire des pays comme la Belgique qui se sont vu contraints de boucler dans la douleur des budgets rectificatifs. Et fragiliser le pacte. "Imaginez que l'Espagne emporte le point: cela décrédibilisera tout l'exercice", relève un diplomate européen. A la fermeté de la Commission européenne s'est ajoutée celle d'autres pays membres de l'UE face à l'Espagne jeudi au premier jour du sommet.

Il est "évident que l'Espagne devra tout faire pour prouver à l'extérieur qu'elle reste fermement ancrée dans sa volonté de ne pas quitter le chemin de la consolidation", a ainsi insisté le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker.