Comment la Bundesbank balkanise progressivement la zone euro

Par Romaric Godin  |   |  502  mots
Jan Weidmann, président de la Bundesbank/Copyright Reuters
La "Buba" a annoncé qu'elle n'accepterait plus comme collatéraux pour le refinancement des banques les obligations bancaires garanties par les pays en crise de la zone euro. Un signe supplémentaire de l'éclatement progressif de l'Eurosystème.

La Bundesbank continue son cavalier seul. Vendredi, une porte-parole de la banque centrale allemande a confirmé que l'institution n'acceptera plus à partir de mai les obligations bancaires garanties par des pays membres de la zone euro bénéficiant de l'aide européenne comme collatéral pour les opérations de refinancement. Concrètement, cela signifie qu'une banque qui souhaiterait obtenir des liquidités auprès de la Bundesbank ne pourra pas déposer comme gage à ce prêt des emprunts bancaires portant la garantie de l'Etat grec, portugais et irlandais. C'est la première banque centrale nationale à prendre cette décision.

Montants concernés

Les conséquences de ce choix seront assez faibles sur le plan concret. "Le refinancement des banques allemandes ne sera pas influencé par cette décision", précise-t-on à Francfort. Jusqu'ici, la Bundesbank n'aurait, si l'on en croit la Frankfurter Allgemeine Zeitung, que 500 millions d'euros de ce type de titres dans son bilan. Mais il y aurait, en tout, sur le marché, près de 90 milliards d'euros d'obligations de ce genre. A Paris, la Banque de France se refuse à tout commentaire concernant son attitude future sur le sujet. Mais de sources financières, on assure que le volume de ces titres est "infinitésimal" en France.

Décision du 21 mars

Comment la Bundesbank, membre de l'Eurosystème, le système qui regroupe les banques centrales nationales des pays membres de la zone euro et la BCE, peut-elle refuser comme collatéral des titres que les autres banques centrales nationales acceptent encore ? En vertu d'une décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 21 mars dernier qui autorisait chaque banque centrale à choisir si elle acceptait ou non ce type de collatéraux. La « Buba », on le voit, n'a pas perdu de temps.

Balkanisation

L'attitude de la Bundesbank est la concrétisation de son opposition à la politique de la BCE et de son inquiétude vis-à-vis de la qualité et de la taille du bilan de l'Eurosystème. Son président, Jens Weidmann, ne cache pas qu'il juge sévèrement la politique de rachat de titres des pays en difficulté, la politique généreuse de la BCE en termes de liquidités accordées aux banques ainsi que les déséquilibres du système de paiement intraeuropéen Target 2. Du reste, la Buba avait refusé d'élargir sa politique de collatéral sur les titres d'Etat, à la différence de la Banque de France ou de la Banque nationale autrichienne, par exemple. Ce qui se dessine clairement, c'est une véritable "balkanisation" de l'Eurosystème où les banques centrales nationales auraient de plus en plus d'autonomie. Or, en théorie, ces dernières ne doivent être que le bras armé de la BCE. La différence est de taille : la BCE est censée réfléchir à l'intérêt de l'ensemble de la zone euro, et non au niveau national. Progressivement, c'est donc l'existence même de la zone euro qui est mise en question.