Résoudre la crise grecque ? Un jeu d'enfant

Par Romaric Godin  |   |  786  mots
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Un Néerlandais de onze ans a présenté sa solution pour sortir la Grèce de la zone euro. Pas très convaincant, mais il aura gagné 100 euros dans l'affaire.

Lord Simon Wolfson n?aime pas l?euro. Ce conservateur britannique, membre à vie de la Chambre des Lords britannique, s?est donc réjoui lorsqu?il a vu la malheureuse zone euro se débattre dans la crise de la dette souveraine. Mais comme Lord Simon est aussi un homme d?affaires ? il préside le groupe de distribution de textiles Next ? et un homme de c?ur ? il préside l?association caritative Charles Wolfson Charitable Funds fondée par son père ?, il a décidé d?aider les malheureux Continentaux à se sortir de leurs peines. Il a donc lancé un concours pour déterminer les meilleures façons de dissoudre la zone euro sans trop de dommage. A la clé, pour motiver les candidats : 250.000 livres (environ 300.000 euros).

Un enfant de onze ans

Le résultat du concours sera connu le 5 juillet prochain. Mais dès mardi, le jury a retenu 5 propositions. On les trouvera résumées ici. Leurs auteurs recevront, pour les récompenser de leurs peines, au moins 100.000 livres (près de 121.000 euros) chacun. Mais la sensation de la journée était la récompense d?un Néerlandais de 11 ans, Jurre Hermans, qui s?est lui aussi fendu d?une proposition centrée sur la Grèce. A priori, ce petit Néerlandais est un enfant comme un autre : il avoue "aimer les animaux", avoir "un chien et un oiseau" et disposer de "cinq amis avec lesquels [il] joue toute la journée, la plupart du temps à l?extérieur".

Angoisse

Mais Jurre n?est pas un enfant ordinaire. La crise de l?euro "l?angoisse", il a ancré en lui l?amour de l?orthodoxie financière et la détestation de ces Grecs dépensiers et indisciplinés. Il se devait donc de soumettre à Lord Wolfson son "idée" pour éjecter les Hellènes de la zone euro. Il part donc dans son exposé de cette évidence : "la Grèce devrait sortir de l?euro".

Machine à drachmes

Que propose donc Jurre, qui a écrit son projet en néerlandais et que son papa a gentiment traduit en anglais pour Lord Wolfson qui n?entend pas le langage des Pays-Bas ? D?abord contraindre "tous les Grecs à apporter leurs euros à la banque". Ces euros seront placés dans une "machine de change" qui fournira aux incorrigibles Hellènes les drachmes qu?ils n?auraient jamais dû cesser d?utiliser. Les euros ainsi récupérés forment, souligne Jurre avec un sens de la métaphore très précoce, une "pizza". Chaque créancier floué par les Grecs pourront ainsi récupéré leur part du gâteau grâce à cette pizza. Un schéma de la main de Jurre rend ce phénomène complexe fort clair. Jurre note, non sans une certaine cruauté infantile, que le Grec qui dépose ses euros "n?est pas content". Bien fait pour lui.

Fortes amendes

Mais Jurre a prévu la critique. Evidemment, l?agent économique grec, quoique irrémédiablement indiscipliné, n?est pas fou. Il sait bien que ces drachmes seront de la monnaie de singe. Il voudra donc "garder ou cacher" ses euros. Jurre est donc pour la manière forte : si on prend encore un Grec avec des euros, on lui infligera une amende double ou triple du montant dissimulé. Voilà qui devrait leur apprendre. Du reste, Jurre "assure" Lord Simon que, de cette manière, "tous les Grecs rendront leurs euros". Pour finir, dans sa grande magnanimité, l?enfant de la Hollande concède le droit aux pays qui ont remboursé "toutes leurs dettes" de revenir dans la zone euro.

Consolation

Evidemment, l?idée du petit Jurre n?est pas très libérale et sans doute son papa a-t-il oublié de lui répondre que la Grèce est une démocratie et que le régime des Colonels est tombé 27 ans avant sa naissance. Et que les pièces et billets qu?utilisent Jurre pour payer la pâté de son chien ou ses joujoux qui lui permettent de jouer avec ses amis dehors ne représentent pas l?essentiel de la masse monétaire.

Lord Simon a été cependant ému aux larmes par une telle précocité hellénophobe. Il n?a certes pas retenu Jurre parmi les finalistes, mais il lui a accordé un "chèque-cadeau" de 100 euros. De quoi gaver son toutou des plus délectables friandises. En attendant, on notera que Jurre ne défend pas la même ligne que le populiste Geert Wilders qui, lui, préconise le retour au florin. Décidément, les Pays-Bas sont le vrai laboratoire d?idées de l?Europe.