Salaire minimum : Bruxelles prise en flagrant délit de double langage

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  473  mots
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La "révolution copernicienne" de la Commission sur les salaires minima est remarquable. D'autant qu'en 2010, Bruxelles aurait réclamé une baisse de 12 % du SMIC irlandais, avant de revenir en arrière.

« Nous ne pensons pas que la diminution des salaires est la seule solution pour augmenter la compétitivité.... Les salaires minima jouent un rôle très important dans la lutte contre la pauvreté ». Mardi, la porte-parole du commissaire européen Lazslo Andor répondait en ces termes aux attaques venues de France contre son « paquet emploi ». Dont acte. Les mesures proposées comportent des inflexions remarquables, en plaidant notamment pour une augmentation des salaires en fonction de la productivité. Une critique subliminale de la stratégie compétitive de l'Allemagne depuis 10 ans.

Coupes prévues dans les SMIC grecs et portugais

Mais entre cette doctrine sociale et la pratique, il y a un pas. En Grèce et au Portugal, les programmes de réforme mis en place par Bruxelles, avec le FMI et la Banque centrale européenne, prévoient des coupes sévères dans le salaire minimum. « Situation particulière », plaide la Commission car les déboires des deux pays s'expliquent par un décrochage de la compétitivité prix. Ce remède n'a pas été réservée à ces jouisseurs méridionaux. L'Irlande a du aussi avaler sa potion, elle dont la crise avait tout à voir avec la bulle immobilière et bien peu avec un manque de compétitivité.

Tentative ratée en Irlande

En 2010, quand elle s'est portée au chevet de l'île, la Commission européenne a immédiatement visé le salaire minimum irlandais, nettement supérieur, il est vrai, à la moyenne européenne. D'après Paul Sweeney, économiste de la confédération syndicale irlandaise ICTU, elle l'a même fait contre l'avis du Fonds monétaire international. « Le premier mémorandum (de 2010) prévoyait une baisse de 12% », explique-t-il à la Tribune. A l'époque, « j'ai interrogé le représentant du FMI : vous avez demandé cette baisse? Il m'a dit 'non' sans hésiter », raconte l'économiste. La demande venait bien de Bruxelles, selon lui. Il « est matériellement impossible. Les mesures sont présentées par la Troika comme une unité, pas de façon dispersée », dément un porte-parole de la Commission européenne.La mesure a été biffée du programme après les élections législatives de fin 2010, à la demande du nouveau gouvernement. Le salaire minimum irlandais, mis en place au début des années 2000, est relativement élevé mais « le coût de la vie est 17% supérieur à la moyenne européenne », insiste Paul Sweeney pour qui le problème irlandais réside avant tout dans la faiblisse de la demande. Il sent une inflexion dans la ligne des représentants de la tutelle européenne. « Ils insistent moins fortement sur un message d'économie de l'offre. J'ai l'impression qu'ils mettent la pédale douce », disait-il mercredi à la sortie d'une énième réunion avec la troïka.