Zone euro : la Grèce et la France veulent changer l'austérité

Par Robert Jules  |   |  781  mots
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L'instabilité politique de la Grèce va obliger à nouveau les leaders européens à se montrer inventifs. Un défaut sur la dette de la république hellénique ruinerait tous les efforts de la gestion "Merkozy". Mais la volonté de François Hollande d'inclure un volet "croissance" tombe à point nommé pour Bruxelles et Berlin afin de donner un deuxième souffle à la politique d'assainissement des finances publiques dans la zone euro. Mais jusqu'à quand?

Les résultats des élections dimanche en Grèce (législatives) et en France (présidentielle) sont de nature à modifier durablement la gestion de la crise dans la zone euro, ce qui était déjà induit par la fin de « Merkozy ». Ainsi pour la Grèce, la nouvelle composition du parlement grec où les représentants de dix formations vont se côtoyer - depuis les néonazis de l'Aube dorée aux marxistes-léninistes du KKE en passant par un Pasok qui a perdu deux tiers de ses sièges ! - rend de plus en plus improbable la possibilité d'établir un gouvernement stable susceptible de poursuivre l'austérité imposée par Bruxelles sous l'?il sourcilleux de Berlin.

Echec des partis de gouvernement

Les deux partis - Pasok (socialiste) et Nouvelle Démocratie (conservateur) - qui ont accepté les conditions drastiques liées à l'aide de l'Europe et du Fonds monétaire international (FMI) n'obtiennent pas la majorité. Ils totalisent respectivement 41 et 108 sièges, soit ensemble seulement 149 des 300 sièges que compte le parlement. Du reste, il n'est même pas sûr qu'ils souhaitent gouverner ensemble !

Ce que les Grecs ont rejeté, c'est le régime de rigueur drastique qui leur a été imposé. Ce ne sont pas tant les réformes qu'ils ont repoussées que la méthode qui aboutit à les appauvrir et à les plonger dans une grave dépression sociale. Certains leaders souhaiteraient donc une modification du calendrier des objectifs de déficit public. Ils ne sont pas seuls sur cette longueur d'onde. Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol, qui veut économiser 27 milliards d'euros d'argent public, souhaite aussi desserrer l'étau budgétaire imposé par Bruxelles.

Vers de nouvelles élections

En Grèce, on verra dans les prochains jours si les différentes tentatives de coalition aboutissent à une solution. Si tel n'est pas le cas, la dernière option sera de revenir devant les électeurs. Mais qui dit que cela ne conduirait pas à une situation encore pire? Détail piquant, la troïka des experts du FMI de la BCE et de la Commission débarquent à Athènes ce mardi pour leur traditionnelle mission trimestrielle consistant à vérifier que les mesures d'assainissement des finances publiques sont bien appliquées avant de donner leur feu vert à une nouvelle tranche d'aide. Cette fois-ci, ils risquent de conclure que la situation vire au scénario noire, et que, décidément, rien n'est possible en Grèce.

Dans le cas où Bruxelles et le FMI suspendraient leur aide, la Grèce fera défaut rapidement sur sa dette, et les investisseurs privés et les Etats qui ont aidé la Grèce perdront leur argent. Les « efforts » de « Merkozy » auront abouti à ce que plusieurs milliards d'euros d'aide publique partent en fumée. Les contribuables.  européens apprécieront.

Discuter de ce qu'il faut mettre derrière les mots

La balle pourrait alors se retrouver dans le camp de « Merkollande ». Dans ces conditions, le mémorandum sur la croissance que le candidat socialiste a concocté  tomberait à point nommé pour être intégré au nouveau pacte budgétaire ou pour être accepté "en parallèle". Angela Merkel et José Manuel Barroso ont d'ailleurs abondé dans ce sens. Ils sont ouverts au principe, reste à s'accorder sur ce qu'il faut mettre derrière les mots.

Les suggestions de François Hollande devraient donc être rapidement discutées : travaux d'infrastructures, eurobonds, recours aux fonds structurels, assouplissement de la politique de la Banque centrale européenne (BCE)...  On verra ce qui sera finalement retenu, le tout étant de transformer le chemin de croix de l'austérité en course de fond à un rythme plus soutenable. L'objectif restant le même : revenir à 3% du PIB pour le déficit public, et renouer avec la compétitivité. Voire assouplir les calendrier des amelioration des finances publics des états membres ce que l'Espagne demande implictement depuis quelques jours.

 

Le succès des partis anti-euro

Mais il n'est pas sûr que cela suffise. La mise en oeuvre d'une telle décision nécessite un certain temps. Et la crise européenne a montré que le temps des politiques n'est pas le même que celui des marchés ou des peuples. Au fil des élections, les partis ouvertement anti-euro connaissent un succès croissant. C'est le cas de la Grèce aujourd'hui.

C'est, paradoxalement, un des résultats positifs des scrutins de dimanche : la zone euro semble condamnée à repenser son approche de la crise. Ainsi accroître l'austérité n'a pas eu l'effet escompté puisque même des pays comme les Pays-Bas et l'Autriche sont aujourd'hui en difficulté. Mais le mode d'emploi est encore loin d'être rédigé.