Croissance : comment Hollande va tenter de convaincre Merkel

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  722  mots
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L'initiative du président français pourrait s'avérer moins consensuelle que ne le laisse penser le débat résurgent en Europe sur la nécessité de définir une nouvelle politique de croissance. La méthode de négociation sera décisive. Les confidences de Catherine Trautmann, la député européenne socialiste, l'une des chevilles ouvrières du mémorandum qui sera proposé par Paris à Berlin.

Qu'il y a-t-il donc dans ce fameux mémorandum européen annoncé fin avril par le candidat socialiste? Les détails du texte restent pour l'instant un secret bien gardé. Seule certitude : le président François Hollande le présentera dans les prochaines semaines à ses homologues européens. « Le dîner informel entre les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept (qui se tiendra le 23 mai comme l'a indiqué le président du conseil européen Herman Van Rompuy) sera l'occasion d'examiner la proposition française », a expliqué à la Tribune Catherine Trautmann, la député européenne socialiste, dont le « pôle Europe » a nourri le discours européen du candidat Hollande. La chancelière allemande aura la primeur. « Sinon sur l'intégralité, au moins sur certains points, il y aura une discussion préalable avec Angela Merkel », confirme la député européenne. François Hollande se rendra rapidement à Berlin après sa prise de fonction.

Un contexte favorable à une initiative en faveur de la croissance

Pour remplir ses engagements de campagne, le président nouvellement élu court le risque de faire tanguer l'édifice laborieusement construit depuis deux ans, même si le contexte n'a jamais été aussi favorable à une initiative de croissance. « Il y a eu un renversement politique qui lui donne une grande marge de man?uvre », assure Catherine Trautman, pour qui le retour du thème de la croissance « ouvre un espace de discussion qui s'était refermé avec "Merkozy" ».

D'abord la rigueur budgétaire et la juste manière d'analyser les déficits structurels. Ce débat rouvert récemment par le président du Conseil italien, Mario Monti, reste pour l'instant tabou à la Commission européenne, pourtant chargée du contrôle des comptes publics et désormais investie d'un pouvoir de sanction, sinon de censure. Encore plus tabous, « les déséquilibres macro-économiques Nord-Sud » et particulièrement les excédents allemands qui restent un non-sujet, malgré les nouveaux pouvoirs de Bruxelles en la matière.

Une valeur contraigante en faveur de la croissance

Le memorandum doit avoir « un impact sur l'interprétation » du pacte fiscal existant, sur « son complément et l'explicitation » de celui-ci, explique Catherine Trauman. La forme que prendront les mesures de croissance annoncées comme celle de l'engagement de rigueur français n'est pas arrêtée. Martin Schulz, le président socialiste du Parlement européen, plaide pour que ce qui concerne la croissance ait la même valeur contraignante que ce qui a trait à la consolidation budgétaire.

« C'est une discussion ouverte », note la députée. Le « processus » de transposition de la stratégie de croissance « ne sera pas clos en juin », pour le sommet formel des chefs d'Etat et de gouvernement. Mais il est nécessaire que « les sujets soient clairs pour que François Hollande puisse avancer sur la ratification ». « Nous avons aujourd'hui un traité budgétaire, ce qui concerne la croissance doit avoir la même importance et être traité sur le même plan », dit-elle. Quant à l'inscription de l'équilibre budgétaire - la fameuse règle d'or - dans une loi organique, elle pourrait exiger une révision constitutionnelle.

Monétisation de la dette

Jusqu'où ira-t-il sur la substance des ajustements à opérer ? Plusieurs ténors socialiste ont annoncé que la question d'un adossement du Mécanisme européen de stabilité (MES) à la Banque centrale européenne (BCE), ce qui revient à rouvrir le débat de la monétisation de la dette, devrait revenir sur le tapis. Une ligne rouge allemande, sur laquelle l'Elysée s'est cassée les dents l'an dernier. De même, s'agissant des euro-obligations, on est encore loin d'une proposition précise.

Sur le rôle joué par le Banque européenne d'investissement, dont le besoin en capitaux frais est désormais unanimement reconnu et fera l'objet mardi d'une proposition de la Commission européenne, « plusieurs voies restent ouvertes », explique la députée. Enfin, la taxe sur les transactions financières sera aussi sur la table. Sous la forme proposée par la Commission européenne, elle a pourtant été rejetée en avril par le ministre fédéral allemand des Finances comme infaisable même au niveau de l'eurozone. Voilà qui promet de vifs débats à Berlin et Bruxelles pour le nouveau président.