Comment la Grèce a basculé en une semaine dans le chaos politique

Par Sylvain Rolland (@sylvrolland)  |   |  780  mots
Des militants du parti conservateur "Nouvelles démocratie" réunis pour un meeting pre-électoral le 3 mai 2012 - Copyright AFP
La Grèce se retrouve dans une impasse politique qui fait paniquer les marchés et menace le pays d'une sortie de la zone euro. Retour sur une folle semaine de crise et de rebondissements inédits dans l'histoire récente de l'Europe.

Etranglée par des déficits abyssaux et des plans d'austérité successifs qui alimentent la spirale de la récession, la Grèce est sur le fil du rasoir depuis des mois. Les élections législatives du dimanche 6 mai ont ajouté à l'asphyxie économique une crise politique. Depuis plus d'une semaine, la classe politique grecque planche -sans succès- sur la création d'un gouvernement. Le dernier espoir d'une coalition gouvernementale repose sur le président de la République, Carolos Papoulias, qui ne dispose que de peu de temps pour trouver une impossible majorité. En cas d'échec, le pays devra réorganiser, en juin, de nouvelles élections législatives à haut risque.

Dimanche 6 mai : percée historique des partis anti-austérité
Alors qu'en France, François Hollande bat logiquement le président sortant Nicolas Sarkozy, les élections sont beaucoup moins prévisibles en Grèce. Les deux partis qui dominent la vie politique et formaient la coalition gouvernementale, la Nouvelle Démocratie (droite, 18,8%) et le Pasok (gauche, 13,2%), subissent une cinglante défaite. Les élections sont marquées par la montée de la gauche radicale, Syriza, qui termine en deuxième position avec 16,7% des suffrages, et du parti néonazi Chryssi Avghi, en sixième place derrière le parti communiste KKE. Nouvelle-Démocratie termine bel et bien en tête, mais ses 108 députés (58 grâce à ses 18,8% auxquels s'ajoutent 50 sièges automatiquement attribués au parti qui sort en tête des élections) ne lui permettent pas d'obtenir la majorité absolue, fixée à 151 sièges (sur 300). Pour la première fois, la majorité est composée de partis qui rejettent l'application de l'autorité drastique telle qu'imposée par la Troïka. Sur les 300 sièges, seuls 149 (Nouvelle Démocratie et Pasok) sont favorables à la poursuite de l'austérité dictée par les créanciers internationaux. Sur les 151 sièges restants, on trouve 97 députés de gauche ou d'extrême-gauche (Syriza, gauche démocratique Dimar et parti communiste KKE) et 54 d'extrême-droite (les Grecs indépendants et Aube dorée (XA) aux relans néonazis).

Mardi 8 mai : nouvelle Démocratie jette l'éponge, au tour de Syriza
Antonis Samaras, à la tête du parti Nouvelle-Démocratie, jette l'éponge : il n'a pas réussi à composer une coalition gouvernementale dans laquelle il serait le leader. C'est donc Syriza, le parti de la gauche radicale et viscéralement contre les politiques de rigueur imposées par Bruxelles et les créanciers internationaux, qui se voit remettre la patate chaude. Alexis Tsipras, son leader, tente de former un gouvernement de gauche pour renégocier le plan d'assainissement de l'économie du pays avec le FMI et l'UE, et demande qu'une partie de la dette grecque soit annulée. Sur le papier, un compromis est possible. Syriza fait partie du bloc hétéroclite anti-rigueur qui détient la majorité arithmétique au parlement face aux 149 sièges détenus par le Pakos et la Nouvelle-Démocratie. Mais le parti communiste KKE, arrivé 5è avec 8,5% des voix, refuse de s'allier avec lui.

Vendredi 11 mai : le Pasok échoue à son tour
Après les échecs des deux premiers partis issus des élections pour former une coalition, le parti socialiste (Pasok), arrivé troisième, tente sa chance... sans succès. Evangelos Venizelos, le chef de file du Pasok, espérait convaincre Syriza et/ou le Dimar, la gauche démocratique, de participer à son gouvernement. Mais Alexis Tsipras, le leader de Syriza, est resté intransigeant. « Ce n'est pas Syriza qui rejette cette proposition, c'est le peuple grec qui l'a fait en votant dimanche ». Le Dimar a également décliné l'offre. Soucieux de ne pas apparaître comme la « rustine » d'une alliance Pasok-Nouvelle Démocratie, le parti de gauche modérée s'en est tenue à sa position anti-austérité.

Lundi 14 mai : l'impasse est totale, de nouvelles élections semblent inévitables
Dernière chance pour la Grèce : le président de la République a jusqu'à ce soir pour tenter de former un gouvernement de coalition. Mais le chef de la Gauche démocratique annonce d'ores et déjà l'échec de ces négociations. Un gouvernement d'unité nationale ne peut pas être formé en Grèce, a-t-il ce lundi matin. "Aucun gouvernement d'unité ne peut voir le jour," a affirmé Fotis Kouvelis, leader du petit parti de la Gauche démocratique pro-europén (Dimar) sur la télévision Antenna ce lundi matin. Le dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, a pour sa part déjà annoncé qu'il ne se joindrait pas aux discussions sous la houlette du président grec prévues dans l'après-midi. Statu quo. De nouvelles élections seront certainement convoquées pour juin.