« Nous ne voulons plus que les contribuables payent pour les banques"

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  657  mots
Michel Barnier, le commissaire en charge des services financiers Copyright AFP
En pleine débâcle espagnole, Bruxelles lance le débat sur la gestion des crises bancaires. Michel Barnier, le commissaire en charge des services financiers, voudrait éviter que les contribuables soient à nouveau mis à contribution. Mais il reconnaît travailler pour le long terme...

Au moment où l'Espagne menace de succomber sous les centaines de milliards d'euros de mauvaises créances de ses banques, il y avait quelque chose d'irréel à entendre mercredi Michel Barnier esquissé ses plans sur la gestion des crises bancaires à un horizon de... cinq à dix ans. Le commissaire en charge des services financiers n'est pas dupe du décalage saisissant entre une réalité marquée par l'urgence et ses projets législatifs qu'en commanditaire du G20, il égraine depuis 2009 avec une régularité métronomique.

Il l'assume même. Lui « prépare l'avenir », dit-il. A son confrère Olli Rehn, le vice-président en charge des affaires économiques et monétaires, au président de la Banque centrale européenne et aux chefs de gouvernements incombe la gestion de l'urgence. « Nous sommes dans un contexte difficile, il faut garder son sang froid », a dit mercredi notre commissaire devant un parterre de journalistes qui brûlait d'en apprendre plus sur les travaux d'endiguement.

Faire payer les banques pour les banques

Le commissaire français, toutefois, estime que ses propositions sont cohérentes avec les réflexions menées depuis quelques semaines autour d'une « union bancaire ». Celle-ci « doit être constituée d'actions immédiates et de long terme », a-t-il insisté. Pour le long terme, son objectif est de limiter l'impact fiscal de la gestion des crises bancaires. « Nous ne voulons plus que les contribuables payent pour les banques. Les banques doivent payer pour les banques », a-t-il dit. Comment ? En faisant de la prévention et, lorsque celle-ci n'a pas suffi, en préparant la liquidation des banques qui ont failli ou leur restructuration profonde, dans le cas des établissements systémiques. Devront être alors à la man?uvre des « autorités de résolution », distinctes des superviseurs, et disposant de pouvoir étendus pour intervenir de façon précoce comme celui de remplacer un management qui aurait été défaillant.

Un matelas pour amortir les pertes

Les deux clous du projet législatif résident dans l'élargissement du matelas disponible pour amortir les pertes, d'une part, et dans le renforcement des fonds permettant de garantir les dépôts et de financer la résolution, de l'autre.

Du côté du matelas, Bruxelles est allée au bout de son idée de faire participer les créanciers aux pertes, à l'exception des déposants, des porteurs d'obligations garanties, des salariés ou des titulaires de droits de retraite. Ce « bail-in », toutefois, n'entrerait en vigueur qu'au 1er janvier 2018. L'industrie bancaire admet l'utilité du bail-in, à condition toutefois qu'il soit introduit « une fois les marchés revenus à des conditions de fonctionnement normales ». « Nous sommes confiants dans le fait que ce sera le cas » à la date prévue, note la Fédération bancaire européenne. La Commission ne fixe pas de seuil de passif appelable mais laisse le soin aux autorités nationales de les fixer au cas par cas. Mais elle évoque toutefois le chiffre de 10% du bilan.

Fonds de garantie dérisoire

Du côté des fonds de garantie, elle fixe un objectif général de 1% des dépôts disponibles dans ces fonds, à fois pour la garantie des dépôts et le financement de la résolution, à l'horizon 2023, soit environ 100 milliards d'euros à l'échelle des Vingt-Sept. Comparés aux besoins immédiats de recapitalisation des banques espagnoles, cela semble dérisoire.

Base de discussions

Ces propositions ne sont qu'une base de discussion dont les députés européens et les ministres ne vont pas tarder à s'emparer. Le projet d'union bancaire évoqué entre chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur rencontre du 23 mai va plus loin. Elle prévoit notamment un fonds paneuropéen de résolution quand les propositions ne prévoient qu'une solidarité limitée entre ces fonds. Elle comprend aussi une centralisation de la supervision et des décisions sur les besoins de recapitalisations, une idée absente du projet de directive.