L'Italie, prochaine cible des marchés ?

Par Romaric Godin  |   |  811  mots
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Une fois l'Espagne aidée, les investisseurs pourraient se tourner vers Rome. Car les sujets d'inquiétude sur l'Italie ne manquent pas.

A présent que l?Espagne a fini par demander l?aide européenne pour recapitaliser les banques, les regards se tournent vers l?Italie. « Le problème de l?Italie, c?est qu?il existe toujours la perception que là où va l?Espagne, l?Italie va suivre », résume Nicholas Spiro, directeur général de la stratégie au fonds londonien Spiro dans une interview à Bloomberg. « Il existe une absence de différenciation au sein des marchés financiers entre l'Italie et l'Espagne », ajoute-t-il. Du reste, hier, l?écart des taux italiens avec les taux allemands s?est envolé à 470 points de base contre 444 points de base vendredi à la clôture. Au-delà de l?« aveuglement » des marchés financiers, plusieurs éléments concrets viennent pourtant alimenter leurs craintes d?une « contagion » de la crise vers la Péninsule.

La mauvaise situation économique

Le premier sujet de préoccupation est la situation économique de l?Italie. Les chiffres du PIB du premier trimestre, connus ce lundi, sont venus rappeler combien cette situation était mauvaise. Entre janvier et mars, la richesse du pays s?est ainsi contractée de 0,8 %. C?est presque trois fois plus que le recul enregistré sur la même période par l?Espagne. La consommation des ménages, notamment, est en chute libre : -2,4 % sur le premier trimestre après le recul de 1 % du dernier trimestre 2011. L?Istat, l?équivalent italien de l?Insee, s?attend désormais à une contraction du PIB en 2012 de 1,4 %, contre -1,3 % jusqu?ici. Cette récession est très inquiétante : l?Italie pourrait être entrée dans une spirale déflationniste. La politique d?austérité a pesé sur les dépenses des ménages, qui ont conduit à une chute de la demande qui alimente le chômage et un nouveau recul de la consommation. D?où un manque à gagner fiscal qui pourrait encore renforcer l?austérité.

Les risques sur le déficit

C?est le deuxième sujet de préoccupation : le déficit public. Avec cette contraction du PIB, réduire le déficit comme entend le faire Mario Monti semble une mission impossible. « Même s?il n?y a pas de choc sur les taux, le déficit du pays rapporté au PIB devrait monter sensiblement dans les prochaines années », affirme le chef économiste de Citigroup, Jürgen Michels pour qui il semble inévitable que « l?Italie aura besoin de l?aide extérieure ». Or, on se souvient que les ennuis de l?Espagne ont recommencé en mars lorsque le gouvernement Rajoy a prévenu qu?il ne remplirait pas l?objectif de déficit promis. Une annonce du même type en Italie pourrait donc être catastrophique.

La dette gigantesque

D?autant que l?Italie a un problème supplémentaire, que n?a pas l?Espagne : un endettement gigantesque. La Commission prévoit une dette équivalente à 123,5 % du PIB en 2012, le deuxième plus fort rapport d?Europe après la Grèce. Les ménages italiens ont longtemps épargné en bons italiens, mais eux aussi sont des investisseurs avertis et les tensions sur la dette italienne pourraient égaler les faire réfléchir. Et comme le déficit ne baissera pas, le stock de dette rapporté au PIB devrait continuer à progresser. Le refinancement italien devrait donc être de plus en plus difficile.

La situation politique

Vient enfin la situation politique. Mario Monti est actuellement sous la pression de ses partenaires politiques. Sa réforme du marché du travail passe mal. Employeurs et syndicats ont réclamé des changements. Et la montée du mouvement « 5 étoiles » de Beppe Grillo, qui a récemment gagné la mairie de Parme, montre que l?opposition à la politique gouvernementale monte. Au point que, comme le note l?économiste de Commerzbank Ralph Solveen, « la volonté de réforme du gouvernement italien semble à nouveau clairement à l?arrêt ». Voici qui est aussi en mesure d?inquiéter les marchés.

La contagion guette encore

Les conditions semblent donc réunies pour que le feu prenne, tôt ou tard, du côté de Rome, même si la situation espagnole est très différente (il n?y a pas de bulle immobilière qui plombe le système bancaire italien, par exemple). En réalité, les marchés testent les uns après les autres tous les Etats de la zone euro depuis le printemps 2010. Mais la différence entre l?Italie et l?Espagne, c?est la taille considérable de l?économie espagnole. Il n?est pas sûr que les « pare-feux » prévus par l?Europe puissent endiguer une attaque contre l?Italie. D?autant que derrière Rome, on mettra sans doute à l?épreuve Paris, Bruxelles et la Haye. Le sauvetage espagnol n?est donc sans doute pas la fin de l?histoire.