Angela Merkel se rapproche du SPD pour mieux l'éloigner de François Hollande

Par Romaric Godin  |   |  666  mots
Les trois dirigeants du SPD, Frank-Walter Steinmeier, Peer Steinbrück et Sigmar Gabriel. Copyright AFP
Le sommet entre l'opposition et la majorité allemande à la chancellerie a débouché sur un accord de principe sur la taxe "Tobin". Mais il faudra un second sommet le 21 juin pour trouver un accord, le temps pour le SPD de définir sa relation avec François Hollande.

Angela Merkel a-t-elle réussi à débloquer la situation sur le pacte budgétaire ? Ce mercredi, le sommet entre majorité et opposition à la chancellerie a débouché sur un accord de principe entre les deux parties concernant l?impôt sur les transactions financières. La chancelière s?est engagée à lancer dès la semaine prochaine ce projet, ce qui était une demande des Sociaux-démocrates du SPD et des Verts. Mais il faudra encore un nouveau sommet, le 21 juin, pour mettre au point les détails de cet impôt, et notamment sa base et son taux, deux points qui séparent encore les deux camps.

Accord nécessaire

Un accord sur ce point est hautement nécessaire à Angela Merkel. Elle espère que cette concession faite au centre-gauche conduira cette dernière à adopter le pacte budgétaire avant les vacances parlementaires fin juillet. Elle a besoin pour cela d?une majorité des deux-tiers au Bundestag et au Bundesrat, autrement dit de l?appui de l?opposition. On semble proche d?un accord sur ce point. Frank-Walter Steinmeier, l?ancien ministre des Affaires étrangères, vice-chancelier et candidat SPD aux élections de 2009, aujourd?hui chef du groupe parlementaire de son parti, a déclaré à l?issue du sommet qu?il « n?excluait pas une adoption du pacte budgétaire avant l?été » et que « le SPD ne fera pas échouer » ce plan. « Nous sommes sur la bonne voie », s?est, de son côté, réjoui le chef du groupe parlementaire CDU, Volker Kauder.

Risque d?une alliance PS-SPD

Reste évidemment que cet accord peut s?écrouler rapidement. Tout dépendra des exigences du SPD et des Verts sur la relance économique. Sigmar Gabriel, l?actuel président du SPD, a précisé qu?il fallait « que l?on parle plus précisément du pacte de croissance ». Les Sociaux-démocrates vont-ils se mettre d?accord avec le premier ministre français sur une stratégie commune sur ce point ? Sigmar Gabriel, Frank-Walter Steinmeier et l?ancien ministre des Finances Peer Steinbrück, se sont rendu dans la foulée à Paris pour rencontrer Jean-Marc Ayrault. La rencontre est importante : si le SPD réclame, comme François Hollande, une relance keynésienne en Europe, Angela Merkel, isolée en Europe, sera en position difficile.

Le SPD pas unanime

Le mouvement semble cependant peu probable. Pour plusieurs raisons. D?abord, le SPD est loin d?être unanimement favorable à une relance. Son aile droite, Peer Steinbrück en tête, est favorable à des investissements dans l?éducation et la recherche, mais reste fondamentalement attachée au retour à l?équilibre budgétaire. Ensuite, on voit mal ce que le SPD aurait à gagner à une alliance ouverte avec les Socialistes français qui dirigerait leur attitude en Allemagne. Angela Merkel pourrait en jouer contre eux. Enfin, la chancelière menacerait, dans ce cas, de ne pas appliquer la taxe « Tobin ». On entrerait alors dans une bipolarisation dure outre-Rhin qui est peu probable, car peu coutumière des habitudes politiques allemandes. SPD et CDU ont intérêt à ne pas couper entièrement les ponts avant les élections de 2013, où une grande coalition pourrait être une issue possible. Du reste, le communiqué publié à l'issue de la rencontre de Paris n'a été qu'un catalogue de bonnes intentions où l'on veut à la fois ménager le chou de la croissance et la chèvre de la "stabilité monétaire"

« Chiffon rouge » français

En réalité, le SPD agite le chiffon rouge français pour peser sur la chancelière. Mais en réalité, il ne fait pas l?ombre d?un doute qu?un compromis sera trouvé le 21 juin : le SPD se contentera de quelques mesures de croissance symboliques et la chancelière cèdera sur la Taxe Tobin. Et Paris sera alors le dindon de la farce. Car lors du sommet européen des 28 et 29 juin, elle pourra arriver en position de force face au président français.