Ce livre qui dénonce le "chantage" européen sur l'Allemagne

Par latribune.fr  |   |  649  mots
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Le président de l'Ifo, Hans-Werner Sinn publie un livre où il dénonce le piège du système Target 2 pour l'Allemagne. Une thèse contestée outre-Rhin.

L?homme au collier de barbe frappe encore. Hans-Werner Sinn, le patron de l?institut Ifo de Munich, est devenu une icône des eurosceptiques allemands par ses critiques répétées contre la gestion de la crise par les dirigeants européens. Lundi, il a sorti un livre qui, une nouvelle fois, crée la polémique outre-Rhin.

«L?affaire Target»

Baptisé, «le piège Target» (Die Target Falle), cet ouvrage reprend l?essentiel d?une argumentation développée par Hans-Werner Sinn depuis 2010: le système de règlement des paiements au sein de la zone euro, baptisé «Target 2» est une forme déguisée d?aide aux pays les moins compétitifs de la zone euro. Et d?égrener les chiffres: au sein de ce système, la Bundesbank affiche un crédit de 727 milliards d?euros, tandis que Grèce, Irlande, Portugal, Espagne et Chypre accusent ensemble un déficit de 692 milliards d?euros. Conclusion du patron de l?Ifo: l?argent allemand finance les déficits courants de ces cinq pays, ce qui assure leur maintien dans la zone euro.

Dévaluation interne inexistante

Pour Hans-Werner Sinn, ces divergences au sein de la zone euro sont intenables. Pour réduire ce déséquilibre, il faudrait que les pays «du sud» réduisent leurs déficits externes en améliorant drastiquement leur compétitivité. Or, pour Hans-Werner Sinn, le seul moyen d?améliorer réellement cette compétitivité, c?est que l?inflation soit durablement inférieure dans ces pays à celle de l?Allemagne. C?est la logique de la «dévaluation interne compétitive»: par les prix, on joue sur les salaires et sur la compétitivité du pays. Or, souligne Hans-Werner Sinn, l?inflation reste plus forte dans les pays en crise qu?en Allemagne (ce n?est plus le cas en Grèce, ndlr). Les pays en crise ne font donc pas suffisamment d?efforts et le déséquilibre au sein de Target va se creuser. Jusqu?au jour où il faudra le régler par une sortie des pays en crise de la zone euro qui entraînera l?annulation de leurs dettes au sein de Target et, partant, des pertes pour les créanciers. Target, affirme Hans-Werner Sinn est «un danger pour notre argent et nos enfants.»

« Chantage »

Du coup, Hans-Werner Sinn en tire une conclusion politique: l?Allemagne est soumise au «chantage» de la zone euro. Car si elle cesse de payer pour soutenir les pays en crise, elle devra payer pour l?effondrement du système Target. Elle doit donc payer, et payer pour des pays qui refusent de faire les «vrais efforts» d?ajustement. La république fédérale doit donc continuer d?entretenir à ses frais la «paresse» des pays à faible compétitivité et leurs déficits jumeaux.

Polémique

La publication de ce livre a entraîné une vive réaction au sein des économistes allemands. L?économiste en chef de l?institut IMK, proche des syndicats, parle d?une vision «nationaliste-chauvine», tandis que beaucoup évoque la soif de renommée du président de l?Ifo. Le spécialiste budgétaire du SPD, Cartsen Schneider évoque «une campagne de peur».
Plus généralement, les économistes soulignent que le système Target n?est qu?un symptôme de la crise qui reflète la fuite des capitaux des pays du sud. «Le système Target est comme un thermomètre qui mesure la fièvre des déséquilibres croissants au sein de la zone euro», estime ainsi Thomas Mayer, le chef économiste de la Deutsche Bank au quotidien FAZ. On notera cependant qu?en deux ans, l?argument de Sinn a gagné en portée outre-Rhin, il a même été repris par le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, dans sa guérilla contre la BCE.