Angela Merkel prête à endosser l'accusation de machisme sur la BCE

Par Romaric Godin  |   |  448  mots
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Berlin entend soutenir la candidature d'Yves Mersch, malgré le refus du parlement européen qui voudrait une femme. La chancelière préfère un « faucon », même mâle, à toute « colombe ».

Mais où est donc passée la solidarité féminine ? Selon le Financial Times Deutschland, Angela Merkel, la seule femme chef d'Etat en Europe, est décidée à soutenir mordicus la prédominance masculine au directoire de la Banque Centrale Européenne (BCE) via la candidature du président de la banque centrale du Luxembourg, Yves Mersch. Cette candidature a été repoussée hier par le parlement européen sur le prétexte qu'elle exclurait la présence féminine de l'instance de direction de la BCE pour les six années à venir.

« Examen minutieux »

Selon le FTD, Berlin estime que la candidature du Luxembourgeois a été proposée par le conseil des ministres des finances européens après « un examen minutieux. » Il serait donc logique à présent que le conseil des chefs d'Etats et de gouvernements confirme ce choix. Autrement dit : l'Allemagne est prête à passer outre l'avis du parlement.

« Orienté vers la stabilité »

Ce soutien n'est guère une surprise : les députés conservateurs allemands se sont montrés très solidaires d'Yves Mersch. Pourquoi ? Parce que ce dernier est « orienté vers la stabilité ». Autrement dit, c'est un « faucon », proche des thèses de la Bundesbank. Et l'Allemagne compte beaucoup sur lui pour freiner les ardeurs des trois représentants des « pays du sud » : l'Italien Mario Draghi, le Portugais Vitor Constancio et le Français Benoît Coeuré. D'autant que le représentant allemand Jörg Asmussen s'est montré jusqu'ici très « modéré. » Les conservateurs allemands comptent donc beaucoup sur Yves Mersch pour faire preuve de résistance aux ardeurs « inflationnistes » de ses collègues.

« Leurre »

Selon le député européen CDU Bukhard Balz, la question de la représentation féminine est un « leurre » qui est utilisé à d'autres fins. « Il importe surtout aux adversaires d'Yves Mersch d'empêcher qu'un homme qui a une vision orientée vers la stabilité monétaire prenne place au directoire de la BCE », affirme-t-il. Angela Merkel voudra également sans aucun doute en faire une question de principe : elle a dû céder en 2011 la présidence de la BCE à Mario Monti après l'abandon de « son » candidat Axel Weber. Or, pour ce dernier, elle avait déjà dû sacrifier Yves Mersch en 2010 sur la vice-présidence. Dans un contexte où beaucoup d'observateurs allemands critiquent le fonctionnement de la BCE et le manque d'influence des Allemands en son sein, la chancelière, qui a entamé sa campagne électorale ne peut se permettre une nouvelle défaite.

Reste à savoir si ses partenaires européens la suivront dans une négation des droits du parlement qui attisera sans doute les critiques concernant le « déficit démocratique » de l'Europe.