Quand Sa Majesté la Reine donne des leçons d'économie

Par Romaric Godin  |   |  536  mots
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Lors d'une visite à la Banque d'Angleterre, Élisabeth II a rejeté les justifications d'un économiste sur la crise. Et le Duc d'Édimbourg a même menacé...

Après 60 ans de règne, Sa Majesté la Reine d'Angleterre n'est pas du genre à s'en laisser conter. Jeudi, alors qu'elle visitait l'autre vénérable vieille dame londonienne, la Banque d'Angleterre, elle s'est lancée - avec l'appui bienvenu de son époux le Duc d'Edimbourg - dans une joute verbale avec un des économistes de l'institution.

Réponse à Sa Majesté

Il faut avouer que cet économiste, Sujit Kapadia, a tendu les verges pour se faire fouetter par ses Royaux visiteurs. Au début de la visite, il a rappelé à Sa Majesté son discours de 2008 à la London School of Economics. Un discours où elle demandait des comptes aux économistes sur la crise financière et où elle posait cette question : «Comment se fait-il que personne n'ait rien vu ?» Sujit Kapadia a voulu, trois ans plus tard, répondre à cette auguste question.

«Relâchés?»

Sujit Kapadia a un peu pris Sa Majesté pour une Béotienne en lui affirmant que les crises financières, c'était un peu comme les épidémies de grippe et les tremblements de terre: imprévisible. L'économiste de la Vieille Dame de Threadneedle Street a multiplié les justifications: on pensait que les risques étaient mieux maîtrisés, le monde est plus interdépendant, etc. Mais la Reine en a vu d'autres. Elle a alors rétorqué que «les gens avaient tout de même été un peu relâchés, n'est-ce pas?» Cette réplique a, selon le Daily Mail, été accompagnée d'une «grimace» qui pourrait bien avoir valeur de désaveu. D'autant, souligne le tabloïd, qu'«à l'accoutumée, la Reine est notoirement discrète sur les sujets internationaux. »

«Ne refaites pas ça !»

Et ce n'est pas tout. Ayant balayé les piètres justifications de Sujit Kapadia, elle a contre-attaqué en visant la FSA, l'équivalent britannique de l'AMF en des termes peu amènes: «ils n'ont pas de dents». Trop inoffensifs donc, les régulateurs de la City aux yeux de Sa Royale Majesté. C'est alors que le Duc d'Edimbourg a porté l'estocade, évoquant non pas la crise passée, mais l'avenir: «Il y en a une autre qui vient, n'est-ce pas?», a-t-il interrogé. Et fixant le malheureux Sujit Kapadia et ses acolytes «avec un œil perçant», précise le Daily Mail, il a menacé: «Ne refaites pas ça !»

Un billet d'un million de livres

Autant dire que pour sa neuvième visite à la Banque, la Reine et Monsieur semblait passablement agacés par les dérives du capitalisme financier. Et Sujit Kapadia en a été pour ses frais. Il a insisté sur les efforts que faisait l'institution pour que «cela» ne se reproduise plus. Mais ce même jour l'agence S&P envoyait une menace au "triple A" du Royaume-Uni, donnant raison aux craintes du Duc. Quant au couple royal, il a achevé sa visite en signant un billet de banque symbolique d'un million de livres. Lors de sa première visite à Threadneedle Street, en 1937, la Reine, alors seulement princesse de Galles, avait signé un billet de 10.000 livres. Moment qui, mieux que tout autre, symbolisait la dernière chance du Royaume-Uni: l'usage de la planche à billet pour éponger les dettes de son gouvernement.