"L'euro est fort, peut-être trop fort" selon Moscovici

Par Ivan Best  |   |  752  mots
Maro Draghi, président de la BCE Copyright Reuters
A 1,36 dollar, l'euro a atteint son plus haut niveau depuis septembre 2011. Paris s'en inquiète et souligne timidement la frilosité de la Banque centrale européenne (BCE) dont les marges de manoeuvre apparaissent pourtant limitées.

Le thème de l'euro fort et de ses conséquences revient dans le débat public, alors que la monnaie européenne, dépassant 1,36 dollar a rejoint son plus haut niveau depuis septembre 2011. "L'euro est trop haut par rapport à ce que l'économie européenne, pas seulement française, est en droit d'attendre", a affirmé récemment Arnaud Montebourg. Selon lui, "une hausse de dix centimes d'euro, c'est un milliard de chiffre d'affaires en moins pour EADS", le géant européen de l'aéronautique.

Déjà, la semaine dernière à Davos, son collègue de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici avait estimé que le niveau de l'euro était "élevé", ce qui crée "quelques problèmes". Dimanche sur France 2, il a récidivé, s'inquiétant que leuro soit "fort, peut-être trop fort".

Au ministère des Finances, si on se réjouit d'une appréciation qui "témoigne de la confiance retrouvée" dans la zone euro, on souligne le "désavantage" qu'elle représente pour les exportations françaises. Cela tombe mal au moment où la France, qui a enregistré en 2011 un déficit commercial record de plus de 70 milliards d'euros, tente par tous les moyens de doper sa compétitivité. Dans d'autres zones de la planète, on a des politiques monétaires plus offensives qu'en Europe", constate-t-on à Bercy, dans une allusion à la Réserve fédérale américaine ou à la banque centrale japonaise, qui vient de céder aux pressions du gouvernement nippon pour s'attaquer notamment à la cherté du yen qui mine les exportations nippones.

La BCE ne fait rien contre la montéée de l'euro

De fait la Banque centrale européenne, parfois accusée Outre-Rhin de conduire une politique trop laxiste, ne fait rien pour enrayer la montée de l'euro. Mieux (ou pire, c'est selon) : contrairement aux apparences, la politique monétaire qu'elle conduit ne contribue en rien à soutenir l'activité et l'emploi. C'est ce que souligne le directeur des études économiques de Natixis, dans une note qu'il vient de publier.

Il relève que la politique monétaire semble expansionniste, si l'on s'en tient aux critères habituels : les taux d'intérêt auxquels la BCE prête aux banques sont très faibles (0,75%) et la liquidité qui leur est offerte est abondante. Mais, estime Patrick Artus - et certains de ses confrères, tel Anton Brender (Dexia Asset Management), approuvent- , il faut prendre en compte d'autres critères, si l'on veut vraiment apprécier la réalité de cette politique. Des critères comme les taux d'intérêt à long terme, le taux de change de l'euro, ou les coûts de financement des entreprises. Or, à les considérer, on perçoit à quel point les conditions du financement de l'économie apparaissent aujourd'hui comme un frein à la croissance dans la zone euro.

Au mieux, une politique monétaire neutre pour la croissance

Les taux à long terme ? Proches de 3% en moyenne, ils sont sensiblement supérieurs à la croissance du PIB en valeur, qui tangente le zéro. Ce n'est pas le cas aux Etats-Unis où ils sont inférieurs. Le change ? Même avant son appréciation récente, son passage de 1,31 à 1,36 dollar en un seul mois, l'euro était surévalué, en termes réels (compte tenu de l'inflation). L'évolution de ces derniers jours accroît le problème. Enfin, les taux d'intérêt exigés des entreprises restent élevés, au dessus de 4%, en regard de la hausse des prix et de l'activité économique. Au mieux, la politique monétaire, considérée globalement, a un effet neutre sur la croissance dans la zone euro conclut Artus.

Des marges de manoeuvre limitées

« D'accord avec cette analyse, mais pourrait-il en être autrement ? » s'interroge Anton Brender. « La BCE fait le maximum dans le cadre des textes qui définissent son rôle. Elle ne peut guère aller au-delà dans le soutien à la croissance, sauf à modifier les traités européens ». Pourrait-elle au moins intervenir sur le marché des changes ? « Cela reviendrait à déclencher une guerre des changes avec les Américains ». En fait, « c'est parce que nous sortons progressivement de la crise budgétaire, alors qu'elle n'est en rien résolue aux Etats-Unis que l'euro monte » souligne Brender. « Pour qu'il redescende il faudrait soit que la crise financière (tensions sur les taux obligataires) reparte au sud de l'Europe, soit que les Américains résorbent leur problème de déficit budgétaire... ».
On n'y est pas...