La Croatie, en récession, rejoint l'Union européenne ce lundi

Par Hélène Haus  |   |  920  mots
Le président croate, Ivo Josipović, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lors d'une rencontre à Bruxelles, en juin 2011 / Reuters
La Croatie fera son entrée dans l'Union européenne ce lundi 1er juillet 2013. Si le pays a connu une période de forte croissance économique après son indépendance en 1991, il affronte, depuis 2009, une grave période de récession. Malgré son arrivée à Bruxelles, son économie reste gangrénée par la corruption.

Un nouveau venu fera son entrée à Bruxelles, ce lundi 1er juillet. La Croatie deviendra ainsi le 28ème Etat à rejoindre l'Union européenne. Après dix ans de négociations, ce petit pays de 4,2 millions d'habitants, situé au bord de la mer Adriatique, pénètre à son tour dans la "cour des grands"... dans une quasi-totale indifférence nationale.

Si l'ancien président, Stjepan Mesic (2000/10), qui a ?uvré pour le rattachement de sa nation à Bruxelles, a déclaré que cette date marquait "la fin d'un long voyage", les Croates restent plutôt insensibles à cet événement.

Seuls 45% des Croates convaincus des bienfaits d'entrée dans l'UE 

Lors du référendum national de janvier 2012 sur l'entrée de la Croatie dans l'Europe, seuls 44% des citoyens s'étaient déplacés dans les bureaux de vote. Et selon un sondage réalisé dans le pays, en mars dernier, rapporté par lemonde.fr, seuls 45% des Croates voyaient leur arrivée dans l'UE comme une bonne chose.

La crise économique a freiné leur engouement. Le gouvernement croate en est bien conscient. Dans une récente interview donnée à l'AFP, le président de la République, Ivo Josipovic (parti social-démocrate) l'a d'ailleurs reconnu : "Oui, la crise est là, mais je crois que nous sommes plus forts unis", a-t-il déclaré.

Si, comme ses voisins européens, le pays traverse actuellement une grave crise économique, sa situation n'a pas toujours été aussi mauvaise.

  • L'âge d'or....

Après la Slovénie en 2004, la Croatie est le second pays d'Ex-Yougoslavie à rejoindre l'Union européenne. Suite à la déclaration d'indépendance de l'Etat croate en 1991 et à la guerre de 1991/95, la Croatie a connu un mini âge d'or économique.

Entre 1994 et 2007, le pays affiche un taux de croissance annuel de 4%. "La croissance d'avant crise, comme dans la plupart des pays d'Europe centrale, a été liée au dynamisme de la consommation, alimentée par le crédit et financé par l'afflux massif de capitaux extérieurs", remarque, ce mois de juin 2013, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans sa note "La Croatie dans l'Union européenen : une entrée sans fanfare".

Les flux d'investissements directs à l'étranger (IDE) ont ainsi cumulé à 4,2 milliards d'euros en 2008, soit 9% du PIB. "Son PIB par tête atteint 60% de la moyenne des pays de l'UE. La Roumanie plafonnait à 40% à son entrée", rappelle Alexandre Vincent, économiste du service "risques pays" à la BNP Paribas. L'économie croate reste boostée par le tourisme, qui représentait 15,4% de son PIB en 2012.

La monnaie locale, la kuna (1 ? = 7,4 kunas), a montré sa stabilité ces dernières années. "Le taux de change est resté stable grâce à la surveillance assidue de la Banque centrale", note Alexandre Vincent.

  • ... Avant la crise

Malgré cela, la crise n'a pas épargné le pays. Depuis 2009, la Croatie est en récession. Le gouvernement table sur une croissance de 0,7% pour 2013. Son économie, fragile, a atteint ses limites. La consommation a fortement chuté et le nombre de chômeurs s'est envolé. Selon Eurostat, le taux de chômage s'élevait à 18,1%, en avril dernier, et grimpait même à 51,8% chez les moins de 25 ans. Un chiffre deux fois plus élevé que la moyenne européenne (23,5%).

La dette publique s'est également creusée, passant de 30% du PIB en 2009 à 51% en 2011. Selon l'agence Fitch, l'endettedement de la Croatie devrait même dépasser 60% du PIB (niveau maximum autorisé par l'UE) d'ici 2018. "L'entrée dans l'Union ne va pas leur apporter des bénéfices à court terme, mais sur les moyen et long termes, ils en tiront forcément des points positifs. Pour cela, il faudra que la Croatie améliore son attractivité et sa compétitivité", précise Alexandre Vincent.

Après Standard & Poor's en décembre 2012, l'agence Moody's a rabaissé la note du pays de Baa3 à Ba1 en février dernier. L'agence avait  justifié sa décision par "l'absence de reprise économique (...) et de consolidation budgétaire".

De son côté, S&P avait critiqué des réformes structurelles et budgétaires "insuffisantes pour favoriser la croissance économique et placer les finances publiques sur une trajectoire plus soutenable".

Pour rentrer dans l'UE, la Croatie a pourtant été obligée de privatiser certaines de ses entreprises publiques comme ses chantiers navals. L'Union européenne va maintenant lui donner un coup de pouce budgétaire en lui apportant une aide de 11,7 milliards d'euros d'ici à 2020.

  • Une économie gangrénée par la corruption

Le pays fait partie des Etats les plus corrompus d'Europe et le gouvernement ne fait pas grand-chose pour endiguer la corruption.  D'après l'ONG Transparency International, la Croatie était, en 2012, placée à la 62ème place en matière de lutte contre la corruption. Loin derrière le Danemark (1ère place) et la France (22ème), mais devant l'Italie (72ème) et la Grèce (94ème).

Pour l'OFCE, la corruption reste "trop présente" pour construire l'économie du pays sur des "bases saines". "Pour se développer, l'investissement nécessite un climat des affaires sain, sécurisé, respectant le droit de propriété et permettant l'éxécution des contrats, ce dont semble encore manquer la Croatie", explique-t-il ainsi dans son rapport.

Dans le classement Doing Business 2013 de la Banque mondiale - qui mesure la réglementation des affaires - la Croatie n'emporte seulement que la 84ème place. Son entrée dans l'Union européenne rassurera peut-être les investisseurs...

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