Taxe sur les transactions financières : les esprits s'échauffent

Par latribune.fr  |   |  712  mots
Le ministre des Finances Pierre Moscovici se dit partisan d'une taxe "ambitieuse" mais qui ne favorise pas "la fuite des capitaux".
La France et l'Allemagne doivent se rencontrer mercredi pour adopter une position commune sur la taxe Tobin. En attendant, Bercy essuie de violentes critiques de la part des opposants au projet... et de ses partisans.

Plus que 24 heures avant de connaître le verdict. Mercredi, à l'occasion du conseil des ministres franco-allemand, François Hollande et Angela Merkel devront décider d'une position commune sur le projet européen de taxe sur les transactions financières (TTF) proposé par la Commission. Pendant que les esprits s'échauffent, Bercy s'impatiente.

Urgence d'un compromis

"Il faut qu'il y ait sur la table avant les élections européennes une proposition qui soit consistante", a déclaré ce matin le ministre des Finances Pierre Moscovici, en amont d'une réunion informelle avec ses homologues des 11 pays concernés par la TTF.

Ce projet d'une taxe Tobin "à l'européenne", auquel adhèrent entre autres la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique et l'Espagne, a en effet pris du retard sur son calendrier initial, faute d'accord sur son champ d'application et son assiette. "Il faut encore travailler pour bâtir un compromis", reconnaît le ministre, conscient de l'exercice délicat que vont représenter les négociations mercredi.

Dans sa proposition, la Commission préconisait à l'origine une taxe de 0,1 % sur les actions et obligations, dés lors que l'une des parties concernées par l'opération est domiciliée dans l'un des pays signataires, et de 0,01 % sur l'ensemble des produits dérivés.

Mais les contours de la TTF ont bien évolué depuis, et ils dépendent de considérations éminemment politiques. Car si Berlin souhaite un accord large qui englobe l'ensemble des produits dérivés, Paris le veut beaucoup plus restrictif - pour ne pas pénaliser outre mesure les banques françaises très à la pointe sur ces produits. Et tandis que Berlin aimerait diriger le produit de la taxe vers les budgets nationaux, Paris préférerait l'allouer à l'aide publique au développement.

"Distorsion de concurrence et délocalisation"

"La France souhaite une taxe qui soit ambitieuse" mais qui ne favorise pas pour autant "la fuite des capitaux", a également plaidé Pierre Moscovici. Une position mesurée qui est loin de plaire à tous et, à la veille de la rencontre Hollande-Merkel, les mécontents s'expriment sans détour.

D'un côté, il y a ceux bien connus qui s'insurgent d'un équilibre de concurrence violé. Interrogée ce matin sur Radio Classique, la directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), Marie-Anne Barbat-Layani, n'a ainsi pas hésité à marteler son désaccord avec une taxe qui risque de "peser sur le financement des entreprises". Traduisant l'esprit des milieux financiers, elle dénonce notamment un "problème de distorsion de concurrence et de délocalisation potentielle puisque ce ne sont pas tous les pays de l'Union européenne qui veulent mettre en place cette taxe et notamment la plus grande place financière, Londres".

Thèse d'une entente entre Bercy et le "lobby bancaire"

De l'autre côté de l'échiquier, il y a ceux qui estiment à l'inverse que Bercy est "de mèche" avec les banquiers. C'est le cas notamment du collectif Roosevelt qui a publié ce matin une note intitulée "Sauvons la taxe sur la finance". Le mouvement, fondé en 2012 autour de principes de justice sociale et de relance keynésienne, accuse Pierre Moscovici et ses négociateurs de reprendre "à leur compte les arguments des banquiers et financiers français".

Le mouvement reproche par exemple au gouvernement Français de ne vouloir appliquer que le principe d'émission, qui consiste à taxer tout instrument financier émis par une société de la zone TTF même si les parties de la transaction sont d'une nationalité non-concernées. L'application de ce seul principe permettrait à de nombreux produits dérivés d'échapper à la taxation. Le collectif Roosevelt préconise ainsi que soit adopté en complément un principe de résidence, qui permettrait de systématiquement taxer les banques françaises même lorsqu'elles réalisent une transaction hors Union Européenne.

Déjà le 11 février, l'association ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'aide aux citoyens) avait exprimé une colère similaire, dans une tribune intitulée "Alerte : la France sabote la taxation des transactions financières !", publiée dans le Monde. Le porte-parole Dominique Plihon y accusait sans détour Bercy d'avoir "rallié le camp des adversaires de la taxe".