Un conseil des ministres franco-allemand sans résultat concret

Par latribune.fr  |   |  1144  mots
Les ONG dénoncent l’absence de volonté de politique concernant la taxation des transactions financières.

Le conseil des ministres franco-allemand, qui a vu la réunion ce mercredi des deux gouvernements à Paris, a débouché sur peu d'annonces concrètes, contrairement à ce qui était attendu initialement. Notamment s'agissant de la taxation des transactions financières: des sources gouvernementales faisaient état d'une possible position commune franco-allemande, sur le sujet. On en est resté aux intentions.

Accord de principe sur la transition énergétique

Les deux gouvernements ont déclaré être en total accord" pour mener ensemble une transition énergétique "avec ambition", a déclaré mercredi François Hollande à l'issue du conseil des ministres franco-allemand à Paris.

"Nous n'avons pas la même situation en France et en Allemagne. Nous n'avons pas fait nécessairement les mêmes choix depuis des années. Et pourtant nous sommes en total accord pour mener une transition énergétique avec ambition", a déclaré le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse commune avec la chancelière Angela Merkel. "Nous allons donner une traduction à cette ambition", a ajouté François Hollande, évoquant le "symbole d'une plateforme qui puisse accélérer l'efficacité énergétique, amplifier encore l'effort pour les énergies renouvelables et stocker l'énergie".

Le président français avait évoqué en janvier l'idée d'"une grande entreprise franco-allemande pour la transition énergétique", un "Airbus de l'énergie".

Mais les deux partenaires européens ont plutôt décidé mercredi de développer des "partenariats industriels et technologiques" dans quatre domaines clés: les réseaux de transport d'électricité, les énergies renouvelables, le stockage de l'électricité et l'efficacité énergétique. Ces partenariats seront mis en oeuvre à travers une plateforme commune s'appuyant sur des coopérations entre les agences de l'énergie française (ADEME) et allemande (Dena), selon le relevé des décisions adoptées mercredi. Les deux capitales défendent une réduction contraignante "d'au moins 40%" des émissions de gaz à effet de serre dans l'Union européenne à cette échéance, et une part de 27% d'énergies renouvelables dans la consommation énergétique européenne, tout en demandant des garanties pour "la compétitivité de l'industrie", notamment les entreprises très consommatrices en énergie.

Taxation des transactions financières: l'attente

François Hollande et Angela Merkel ont promis mercredi de présenter un projet de taxe sur les transactions financières avant les élections européennes, mais sans donner de détails concrets, se voyant reprocher par les ONG de céder au "matraquage" des lobbies.

Le président français a indiqué à l'issue d'un conseil des ministres franco-allemand que la France et l'Allemagne avaient "la volonté d'aboutir avant les élections européennes" quitte à s'entendre sur une taxe "imparfaite". "Je préfère une taxe imparfaite à pas de taxe du tout", a-t-il affirmé.

La chancelière Angela Merkel a fait valoir qu'une telle taxe serait "un signal important", qui "montrerait que les acteurs financiers ont une responsabilité", lors d'une conférence de presse commune à l'Elysée

Les travaux avancent à "un rythme soutenu", selon Angela Merkel

"Ce n'est pas rien" de fixer l'échéance avant les élections européennes, a-t-elle estimé, assurant que les travaux avançaient "à un rythme soutenu". "Si les choses bougent, certains pays pourraient perdre leurs réticences", a-t-elle insisté.

Le relevé de conclusion est pourtant bien imprécis:

Afin d'obtenir un accord des 11 Etats membres, la France et l'Allemagne donneront rapidement une impulsion afin de présenter des propositions conjointes avec leurs partenaires européens de la coopération renforcée en vue d'obtenir le plus large accord si possible avant les élections européennes. Elles examineront conjointement la question de l'affectation des recettes issues de la TTF.

Mais si les deux dirigeants sont restés évasifs sur les détails, côté français, on affirme toutefois que des avancées importantes ont été faites "en souterrain". Le ministre français de l'Economie, Pierre Moscovici, "a convaincu son homologue allemand d'accepter le principe d'une taxation large de tous les produits dérivés", a indiqué une source proche du ministère de l'Economie.

C'était le point le plus épineux des négociations entre les deux pays. La taxation des produits dérivés, actifs complexes pouvant jouer un rôle amplificateur lors de crises financières est un marché très important pour la banque allemande Deutsche Bank et la française BNP Paribas.

Les lobbies des secteurs financiers des deux pays mènent une campagne virulente contre cette taxe, illustrée par de récentes sorties du gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, selon qui elle nuirait à l'octroi de crédits et provoquerait une fuite de capitaux et d'activités bancaires.

Les ONG dénoncent la faiblesse des annonces

Ces promesses ont en revanche laissé sur leur faim les organisations non-gouvernementales, qui attendaient des avancées concrètes. "La France et l'Allemagne prouvent qu'elles n'arrivent toujours pas à mettre leurs intérêts nationaux de côté pour proposer une taxe progressiste et servant l'intérêt général", assène Friederike Röder, directrice de ONE France. "On attendait un leadership et on ressort avec un communiqué qui n'en comporte aucune trace", s'indigne Alexandre Naulot, spécialiste de la question chez Oxfam France, pour qui la France "cède face au matraquage" des lobbies et s'achemine "vers une taxe a minima".

"Reporter toute décision" 

Il regrette aussi l'absence de précisions sur l'affectation des recettes à la lutte contre la pauvreté, le SIDA ou le changement climatique, conformément à des promesses de campagne de M. Hollande.

Paris et Berlin planchent depuis des mois sur une taxe sur les transactions financières (TTF ou "taxe Tobin") qui concernerait d'abord onze pays de l'Union européenne, soit ce que l'on appelle une "coopération renforcée", de manière à contourner les réticences britanniques.

L'objectif est de lever des fonds et de décourager la spéculation, tout en s'affranchissant des initiatives de la Commisison européenne, qui propose elle-même une taxe, jugée bien trop agressive dans les deux pays. Vendredi dernier, les organisations patronales des onze pays concernés avaient rejoint le mouvement, demandant dans un courrier commun aux responsables politiques européens et nationaux de "reporter toute décision" sur la taxe.

Les arguments font en partie mouche en France, où le ministère de l'Economie tente de convaincre les grandes banques d'entrer au capital du groupe gérant la Bourse de Paris, Euronext, de manière à le verrouiller face aux investisseurs étrangers. Mais ces discussions patinent, suscitant un certain agacement côté gouvernemental.

En Allemagne, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble s'est longtemps fait tirer l'oreille pour rejoindre ce projet de TTF. Mais il doit désormais composer avec le parti social-démocrate, qui vient d'entrer au gouvernement de Mme Merkel, et qui s'affiche comme un grand partisan de ce prélèvement.