Qui est le grand perdant du Sommet européen, Hollande ou Cameron ?

Par Romaric Godin  |   |  650  mots
François Hollande est-il sorti vainqueur du sommet européen ?
Le Sommet européen a mis l'accent sur la croissance et a nommé Jean-Claude Juncker. Mais François Hollande est loin d'avoir obtenu la victoire escomptée depuis son alliance avec les socio-démocrates européens

A l'issue du Sommet européen, tout le monde, comme toujours s'est dit vainqueurs. Mais tout le monde n'a pas raison.

Une « flexibilité » pas si souple...

Comme on s'y attendait, le Conseil a reconnu le droit aux États membres à plus de « flexibilité » dans l'application du pacte de stabilité dès lors qu'il réalise les réformes structurelles demandées. Matteo Renzi, le président du Conseil italien, pouvait y voir un accord « très, très bon » et se vanter, affirmant qu'il n'aurait pas voté pour Juncker « s'il n'y avait pas eu d'abord un bon accord politique. » Mais en réalité, rien ne change vraiment et Angela Merkel l'a immédiatement précisé : « la flexibilité, cela signifie que le pacte de stabilité sera appliqué de la meilleure manière possible. » Et d'ajouter que « ce ne sera pas aux Etats de décider eux-mêmes de l'application de cette flexibilité, mais à la Commission. » Angela Merkel a tenu bon.

Une Europe du changement ?

Autrement dit, comme aujourd'hui, c'est bien Bruxelles qui continuera à accorder des délais pour l'application du pacte, moyennant évidemment l'application d'une politique qui, rappelons-le, reste une politique de consolidation budgétaire qui porte en soi des éléments déflationnistes. La victoire de Matteo Renzi est donc d'abord, comme il l'a reconnu lui-même « terminologique » : la croissance est affichée comme la priorité du Conseil. On promet d'utiliser les outils actuels : la BEI, les « project bonds », etc. Mais là encore : rien de plus que l'existant. Pas de montant sur les investissements en œuvre. La BEI, dirigée par l'ancien secrétaire d'Etat aux Finances libéral allemand Werner Hoyer, a prouvé sa frilosité. Les project bonds sont encore dans les limbes. Or, pour relancer la machine économique, il faut de l'ambition. L'existant, même amélioré ne sera sans doute pas suffisant.

La France grande perdante ?

Reste un constat : l'Italie dispose d'une légère marge de manœuvre, étant sortie de la procédure de déficit excessif. Pour Paris, les chaînes du pacte de stabilité demeurent quasiment les mêmes, sans vraie compensation d'envergure. François Hollande devra négocier avec la prochaine commission les modalités de son nouveau délai pour la rdéuction du déficit sous les 3% du PIB et ne gagne pas vraiment de nouvelles marges de manœuvre budgétaire. Le train actuel de la consolidation budgétaire devra simplement se maintenir. Lorsque l'on observe « le plan d'attaque » de l'Elysée publié dans Le Monde du 25 juin, on comprend que, encore une fois, Paris n'a guère pesé et n'a pas obtenu grand-chose. Sa défaite est complète.

David Cameron n'a peut-être pas tout perdu

Dans un sens, elle est plus cuisante encore que celle de David Cameron. Humilié en théorie par sa défaite sur Jean-Claude Juncker, il a pu montrer aux Britanniques sa détermination à refuser l'Europe « à l'ancienne » incarnée par le premier ministre luxembourgeois. « La position de Cameron pourrait avoir été renforcée après cet épisode, étant donné le risque de voir le Royaume-Uni de quitter l'UE et celui de voir Berlin se retrouver seule avec un « bloc Club Med » », souligne le Think Tank eurocritique Open Europe. Les autres postes européens, notamment ceux de la Commission seront déterminants pour mesurer si Londres a perdu ou gagné la partie.

D'ores et déjà, Angela Merkel a répété sa volonté de ne pas abandonner le Royaume-Uni et de le conserver dans l'UE. Elle a ainsi reconnu le droit d'une « Europe à deux-vitesses » pour les Britanniques. Preuve que Londres n'a pas tout perdu. Il n'est donc pas impossible que le Premier ministre britannique s'en sorte bien, avec un Commissaire chargé des dossiers économiques (chargé d'appliquer la "flexibilité" des règles budgétaires et un programme de libéralisation très "Tories") .  Dans ce cas, Paris aura bu sa défaite jusqu'à la lie.