Audition du Commissaire Moscovici à Bruxelles : de la communication, avant tout

Par Romaric Godin  |   |  672  mots
Pierre Moscovici veut séduire la gauche et la droite européenne
L'ancien ministre français s'est exprimé devant les parlementaires européens. Le nouveau commissaire a surtout voulu satisfaire tout le monde...

Que retenir de l'audition de Pierre Moscovici devant le parlement européen ? Un cri, d'abord. « Tout ça pour ça. » Tous ces efforts du gouvernement français pour obtenir ce poste tant convoité par l'ancien hôte de Bercy. Le sentiment est celui d'un homme déterminé avant tout à faire de la bonne communication et à se faire accepter dans la nouvelle équipe Juncker. Aussi a-t-il passé l'essentiel de son temps à contenter tout le monde. Oui, il est français « et fier de l'être », oui il est « social-démocrate », mais il ne sera pas « l'ambassadeur d'un parti ou d'un pays. » Oui, il a été ministre des Finances français et il n'a pas pu faire revenir le pays dans les clous du pacte de stabilité. Mais il déteste la dette et les déficits.

Pour la croissance

Pierre Moscovici a arrosé à sa droite et à sa gauche. Pour la gauche, il y a cet engagement pour la croissance : « Nous travaillerons, au sein du collège de commissaires, à relancer la croissance en Europe, en soutenant les investissements. » Et encore mieux, cet engagement devient un vœu : « Je souhaite que le retour de la croissance en Europe, tournée vers les emplois, apporte plus de justice à nos concitoyens. » Voilà pour les Sociaux-démocrates et les Verts.

Orthodoxie financière

Et pour les autres ? Il y avait un Pierre Moscovici d'une orthodoxie financière impeccable, une sorte de Saint-Georges déterminé à terrasser le dragon de la dette. « Je poursuivrai la procédure pour déficit excessif sans faillir », a indiqué le commissaire putatif qui n'a pas hésité à en rajouter : « Je m'engage devant vous à faire respecter, par tous les Etats, nos règles budgétaires. » Mieux même, Pierre Moscovici a démonté son propre discours précédent, en affirmant qu'il n'y a « pas de récession sévère en zone euro » et que, en conséquence, « la France doit respecter les règles sur la réduction des déficits. » Bref, chacun a eu son dû et Pierre Moscovici a passé avec brio son examen d'équilibriste politique que la bureaucratie bruxelloise affectionne tant.

Même musique

Mais sur le fond ? La musique est toujours la même. La relance a droit à des espérances et la sévérité budgétaire au « respect des règles », donc au concret. Rien dans cette audition ne laisse présager que le commissaire français veuille peser sur un changement radical de stratégie de la Commission. Le rejet radical et sans appel des euro-obligations, donc de la mutualisation des engagements, qui serait le vrai pendant des exigences budgétaires, le prouve aisément. Rien de ce que la zone euro a réellement besoin n'a été abordé. Le fond n'a pas été à la hauteur de la forme.

De nouveaux Six-Pack et Two-Pack ?

Un seul élément pourrait laisser entrevoir un peu d'espoir : la volonté affirmer de modifier le Six-Pack et le Two-Pack dans un sens plus « social. » Mais, là encore, cette volonté risque de s'opposer au mur des réalités. Ces deux directives ont été mises en place en 2011 et 2012 avec un seul but : renforcer le rôle de la Commission dans la surveillance budgétaire. Peut-on croire que la Commission accepte de revenir sous l'épée de Damoclès des décisions du Conseil ? Peut-on imaginer que l'Allemagne, premier promoteur de ces directives, baisse si aisément la garde ? N'y a-t-il pas une contradiction entre son engagement de lutter contre les déficits et la volonté de changer ces directives ? Enfin, que signifie un « aspect plus social » à des directives visant à améliorer avant tout les compétitivités externes et à réduire les dépenses publiques ? En réalité, la « cage de fer » que constitue le semestre européen demeurera.

Pierre Moscovici le sait et ne manquera pas de se cacher derrière la « collégialité » pour justifier l'absence ou le manque d'ambition de cette réforme. Bref, il fait avant tout de la communication. L'Europe mérite sans doute mieux.