La Catalogne vote dans un mois sur son indépendance... ou pas.

Par Romaric Godin  |   |  831  mots
Les Catalans ne sont pas sûrs de voter le 9 novembre sur leur indépendance.
La consultation sur l'indépendance de la Catalogne est toujours programmée pour le 9 novembre, mais il y a peu de chance qu'elle ait effectivement lieu. Est-ce une bonne nouvelle pour Madrid ? Pas sûr.

Dans un mois, jour pour jour, le 9 novembre, devrait se tenir la consultation sur l'indépendance de la Catalogne. Mais l'on ignore toujours si ce vote se tiendra effectivement ou non. Dans une interview accordée mercredi au New York Times, le président du gouvernement (Generalitat) catalan Artur Mas assure qu'il fait tout pour que cette consultation puisse se tenir et qu'il « n'a pas de plan B. » Dans les faits, la situation est beaucoup plus complexe.

Un décret suspendu

Rappelons la situation actuelle. Artur Mas a signé le 28 septembre le décret de convocation de la consultation. Le gouvernement espagnol a immédiatement porté l'affaire devant le Tribunal constitutionnel (TC) espagnol. Ce recours a, de facto, suspendu le décret ainsi que la loi de consultation catalane votée par le Parlement régional. En attendant, en droit espagnol, la consultation est illégale et ne peut donc se tenir.

Attente

La position d'Artur Mas est donc une position d'attente. La Generalitat se prépare officiellement au vote. Mais cette préparation ne débouchera sur un vote concret que dans le cas où le TC donne son avis avant le 9 novembre et valide et la loi et le décret. Or, ces deux options sont pratiquement impossibles. Il paraît évident que le TC va censurer ces deux textes. Et il n'est pas sûr que cette décision intervienne rapidement. Le recours en constitutionnalité peut prendre jusqu'à cinq mois.

Dialogue de sourds

Et dans ce cas, que se passera-t-il ? Le président de la Generalitat a encore une fois insisté sur sa volonté de respecter la légalité. Mais Barcelone et Madrid sont engagées dans un dialogue de sourd. D'un côté, le gouvernement espagnol affirme vouloir « négocier » avec la Generalitat, mais après le retrait du projet de consultation. De l'autre, Barcelone insiste sur la nécessité de cette consultation comme préalable aux discussions afin de connaître la volonté du « peuple catalan. »

Le scénario « à l'écossaise » pour la Catalogne, qui consisterait à organiser un référendum avec l'accord de l'Etat central semble donc désormais exclu. Artur Mas affirme vouloir « trouver une nouvelle voie » pour organiser une consultation, mais on voit mal comment les Catalans pourraient contourner l'obstacle constitutionnel. La dernière option - évoquée par Artur Mas dans son interview - est donc celle de l'élection régionale anticipée.

Elections « plébiscitaires » ?

L'idée du président de la Generalitat serait alors de remplacer la consultation par une élection « plébiscitaire. » Il s'agirait alors de former un bloc hétérogène sur le plan politique, mais ayant un seul programme : la négociation avec Madrid de l'indépendance. Ce bloc comporterait l'ensemble des partis « souverainistes » et cela irait du parti d'Artur Mas, la Convergence démocratique (qui alors devrait quitter sa vieille alliance avec l'Union démocratique, ce serait la fin de CiU) aux trotskystes de la CUP en passant par la gauche républicaine (ERC). En cas de majorité absolue, ce bloc engagerait donc un rapport de force avec Madrid soit pour négocier l'indépendance, soit pour organiser une consultation. Auquel cas ce bloc pourrait obtenir le soutien de partis qui ne sont pas ouvertement pour l'indépendance, mais qui sont favorables à la consultation comme Podemos (issu des Indignados) et ICV (gauche écolo-communiste).

Radicalisation de Madrid ou de la Catalogne ?

Cette option est jugée extrême par Artur Mas qui précise qu'il n'y a pas encore de consensus sur le sujet parmi les partis catalans. Mais l'option est clairement sur la table désormais. Et elle est inquiétante pour Madrid qui pourrait alors faire face à un gouvernement catalan «  de combat. » La stratégie de Mariano Rajoy semble donc de plus en plus un échec. Le refus de Madrid de prendre la voie « écossaise » peut certes se comprendre compte tenu du poids de la Catalogne dans l'économie espagnole. Mais rappelons que la « consultation » du 9 novembre n'était pas un référendum sur l'indépendance. Il s'agissait de donner mandat au gouvernement de Barcelone pour déposer une modification de la constitution espagnole. C'était donc, en cas de « oui » (et dans ce cas seulement), une porte ouverte à la négociation. Par ailleurs, la consultation comporte deux questions. La première : la Catalogne doit-elle être un Etat ? La seconde : Si oui, cet Etat doit-il être indépendant ? Bref, la porte n'était pas fermée à une modification « fédérale » de l'Etat espagnol.

Le refus de principe de Madrid risque donc d'amener une radicalisation des positions catalanes. Le danger, ce serait un blocage de la situation catalane qui s'éternise. Peut-être le premier ministre espagnol y voit-il une façon de fermer l'affaire. Mais compte tenu de l'attente de la majorité des Catalans sur le sujet (58  % d'entre eux seraient favorables à l'indépendance), ce serait très risqué, même si, pour le moment, une dérive violente semble absolument exclue.