Croissance : dialogue de sourds entre Paris et Berlin

Par latribune.fr  |   |  660  mots
L'Allemagne s'inquiète des dérapages budgétaires, de l'économie à la peine et des difficultés à réformer de la France, son premier partenaire commercial
Les ministres français et allemands de l'Economie et des Finances se retrouvent lundi pour parler croissance. Paris et Berlin semblent très éloignés sur les moyens pour la relancer.

Les ministres français et allemands de l'Economie et des Finances se retrouvent lundi pour parler croissance alors que Paris et Berlin semblent très éloignés sur les moyens pour la relancer. Les ministres français des Finances Michel Sapin et de l'Economie Emmanuel Macron viennent à Berlin rendre visite à Wolfgang Schäuble, le grand argentier allemand, et son collègue à l'Economie Sigmar Gabriel. Emmanuel Macron a beau n'être en poste que depuis fin août, "cela fait plusieurs mois" que les quatre ministères essayaient de mettre sur pied cette réunion, a indiqué une de ses porte-parole.

La date trouvée tombe à pic, en pleines turbulences sur des marchés profondément inquiets des perspectives économiques de la zone euro, en plein débat politique sur les moyens de relancer la croissance, et alors que Paris lutte à Bruxelles pour faire passer son projet de budget 2015. La rencontre de lundi précédera aussi de quelques jours un conseil européen et un sommet de la zone euro à Bruxelles. "Les gouvernement ont trois sujets à traiter", a expliqué à la presse jeudi Michel Sapin, "le redressement budgétaire, les réformes structurelles et l'investissement". "Il faut que sur tous ces points là, ça bouge", a-t-il ajouté.

L'Allemagne inquiète de la situation en France

Pourtant, même si capitales européennes et salles de marché bruissent d'une agitation qui n'est pas sans rappeler celle des années de crise 2010 et 2011, les lignes de fracture ne bougent pas beaucoup. Paris, qui ne prévoit de renouer avec les règles budgétaires européennes qu'en 2017 au plus tôt, voudrait que l'Europe - et surtout l'Allemagne - se préoccupe plus de croissance que de discipline des finances publiques.

Pour Berlin, la clé de la guérison de la zone euro, c'est la confiance, et celle-ci passe par le respect des règles et des réformes structurelles. Wolfgang Schäuble veut ramener le budget fédéral allemand à l'équilibre l'an prochain. Le changement de gouvernement à Berlin, où les sociaux-démocrates de Sigmar Gabriel sont depuis décembre aux manettes avec les conservateurs d'Angela Merkel, n'a pas amené l'inflexion que semblaient espérer les socialistes français. L'assainissement des finances publiques est toujours la priorité numéro un.

L'Allemagne s'inquiète des dérapages budgétaires, de l'économie à la peine et des difficultés à réformer de son premier partenaire commercial. Mais elle a évité d'intervenir publiquement dans les discussions sur le budget français et a affirmé sa foi dans la capacité de la France à mener ses réformes.

Berlin ne veut pas de dépenses

La volonté est manifeste côté allemand de ne pas enfoncer encore plus le partenaire français. Et même dans la mesure du possible de l'assister, sans paraître lui faire la leçon. Côté français, fini le temps des sorties anti-allemandes d'un Arnaud Montebourg. La visite de son successeur, Emmanuel Macron sera sa deuxième en un mois: il était déjà là fin septembre avec le Premier ministre Manuel Valls.

Les deux capitales ont mandaté deux économistes pour établir un catalogue de pistes qui permettraient de redynamiser la croissance, et qui doivent s'adresser aussi bien à l'Allemagne qu'à la France. Au niveau des ministres des Finances, des propositions communes sur l'investissement sont aussi à l'étude. "Tout le monde travaille à des solutions et des idées pour faire repartir l'investissement en Allemagne et en Europe", indique-t-on au ministère allemand des Finances.

Sachant que pour Berlin, les idées en question ne doivent idéalement pas coûter un sou à la puissance publique. Michel Sapin, de son côté, réfute l'hypothèse d'un "deal" qui verrait la France s'atteler à ses réformes en échange de dépense publique allemande. "Tous ces sujets sont abordés ensemble, mais ce n'est pas parce que des sujets sont abordés ensemble qu'ils donnent lieu à des compromis ou des marchandages", a-t-il dit.