Irlande : la commission d'enquête sur la crise bancaire commence ses auditions, la BCE continue à se taire

Par Romaric Godin  |   |  587  mots
L'Irlande cherche à comprendre sa crise bancaire, mais la BCE refuse de collaborer.(Photo: manifestation à Dublin, le samedi 27 novembre 2010, alors que les ministres des Finances des 27 devaient se réunir le lendemain pour débattre du plan d'aide de l'UE à l'Irlande)
La BCE a refusé une nouvelle fois de collaborer avec la commission d'enquête parlementaire irlandaise qui commence ce 17 décembre ses auditions.

La commission d'enquête de l'Oireachtas, le parlement irlandais, a commencé ce mercredi 17 décembre ses auditions... sans la BCE. La demande des parlementaires de l'île verte d'entendre les explications de l'institution de Francfort concernant son rôle dans la crise qui a secoué le pays en 2010-2011 a été une nouvelle fois méprisée. La BCE se considère en effet comme relevant de la seule juridiction européenne. Seul le parlement européen aurait donc le droit de convoquer devant une commission d'enquête les membres passés et actuels de la BCE. Aucun parlement national ne peut jouir de ce droit.

Déception à Dublin

Le président de la Commission, Ciaran Lynch, a affirmé être « déçu » par la réponse de la BCE. Il a promis de lui écrire pour lui demander de revoir sa position et il espère toujours l'assistance de cette institution. Ciaran Lynch semble particulièrement optimiste. La BCE a toujours été très ferme sur son comportement vis-à-vis de ce type de demande. Certes, Mario Draghi a publié récemment les lettres envoyées par son prédécesseur Jean-Claude Trichet au ministre des Finances irlandais durant la crise de 2010. Dans ces lettres, il apparaissait clairement que la BCE avait effectivement exigé une acceptation du « plan de sauvetage » européen en brandissant la menace de cesser de fournir de la liquidité au secteur bancaire irlandais.

Refus de s'expliquer de la BCE

Il semble évident que la BCE, se cachant derrière des arguties juridiques, tentent d'éviter de devoir s'expliquer sur son vrai rôle au cours de ces jours d'automne 2010. L'Irlande, prise dans la tourmente de la contagion de la crise grecque et d'une bulle immobilière, était alors au bord de la faillite. Alors que le gouvernement irlandais envisageait un défaut partiel des banques irlandaises, plusieurs sources, notamment deux journalistes allemands, ont révélé que cette option avait été repoussée par les dirigeants français et allemands et par la BCE. Dublin a, in fine, accepté, non sans pressions, un « plan de sauvetage » incluant 17,5 milliards d'euros (7,8 % du PIB d'alors) de participation irlandaise puisée dans les réserves du trésor et le fonds national des retraites. S'en est suivie une période d'austérité sévère qui a durablement marqué les esprits en Irlande.

Les buts de la commission d'enquête

La commission d'enquête irlandaise vise à faire la lumière sur les conditions dans laquelle est née cette crise. Pour Ciaran Lynch, député travailliste, « les nuages sombres de la crise financière et bancaire continuent de demeurer au-dessus de chaque foyer en Irlande et notre tâche est de faire la lumière sur la façon dont l'effondrement est survenu et de s'assurer que son ombre sombre ne retombe jamais plus sur son pays. » Il est étrange de voir la BCE refuser de collaborer avec le parlement irlandais pour satisfaire cet objectif. Mais les institutions européennes n'ont pas brillé par leur capacité d'autocritique. Rappelons que, à la différence du FMI, la Commission et la BCE n'ont jamais reconnu que les bases de calculs établis dans les plans de sauvetage étaient fausses. Quant au parlement européen, il s'est contenté d'un « rapport d'enquête » sur la troïka qui s'est enlisé dans les marais de la politique bruxelloise. Mais alors, comment espérer que l'UE retienne les leçons des erreurs passées lorsqu'un tel refus d'analyse de l'action passée est si flagrant ?