Le président catalan veut préparer l'Etat régional à l'indépendance

Par Romaric Godin  |   |  1028  mots
Artiur Mas, président de la région catalane, veut préparer l'indépendance.
Avant les élections du 27 septembre qui doivent décider de l'indépendance de la Catalogne, le président de la Generalitat Artur Mas prépare déjà la transition.

Le président de la Generalitat, le gouvernement régional catalan, Artur Mas, a annoncé mardi 17 février, un plan pour « déconnecter » la région de l'Espagne. Ce plan s'inscrit dans le cadre de la convocation, le 27 septembre prochain, des comices électoraux catalans. Cette élection sera très particulière puisque les partis indépendantistes veulent en faire un scrutin « plébiscitaire », autrement dit une sorte de référendum de fait sur l'indépendance de la Catalogne. Les listes favorables à la séparation d'avec l'Espagne partageront donc une « feuille de route commune », sorte de programme devant conduire à l'indépendance au bout de 18 mois.

Artur Mas, qui dirige la coalition Convergencia i Uniò (CiU), actuellement au pouvoir en Catalogne, a donc annoncé qu'il fallait « utiliser le temps restant » dans la législature pour préparer les conditions du divorce et pouvoir réaliser au mieux ce dernier si les électeurs catalans en décidaient ainsi. D'où ce projet en dix points qui a évidemment des allures de programme électoral.

Mettre en place l'indépendance fiscale

Parmi ces projets, le plus symbolique est sans doute celui de mettre en place les conditions d'une administration fiscale propre à la Catalogne. Il s'agit là d'une vieille revendication catalane que le Statut d'autonomie (« Estatut ») voté en 2006 et bloqué par le tribunal constitutionnel espagnol en 2010 avait prévu. Une agence fiscale catalane a, du reste, été créée en 2008, mais son rôle est encore mineur. Artur Mas promet donc de préparer l'administration fiscale régionale à évoluer en dehors du cadre espagnol. Actuellement, la Catalogne est très liée à Madrid, ces revenus fiscaux sont répartis au niveau national. Le « déficit fiscal » catalan, autrement dit la différence entre ce que représentent les recettes réelles catalanes et ce qui lui revient est de 8 % de son PIB, le niveau le plus élevé d'Europe.

Construire un Etat social catalan

Deuxième point essentiel des projets d'Artur Mas : l'Etat providence. Le président de la Generalitat marque clairement sa volonté de faire de la future Catalogne indépendante un Etat protecteur et social, qui, évidemment, se démarque d'un Etat espagnol qui, depuis 2011, a engagé une politique sévère de « dévaluation interne » par les « réformes » du droit du travail et par la baisse des salaires. Artur Mas entend ainsi mettre en place avant les élections du 27 septembre un système de sécurité sociale catalan. La lutte contre la pauvreté devra par ailleurs faire partie des structures du nouvel Etat. Artur Mas a placé comme objectif de ramener le niveau de pauvreté en Catalogne à la moyenne européenne. Et pour cela, Barcelone doit pouvoir agir sans Madrid. Même constat pour l'emploi. Artur Mas a insisté sur la nécessité, non seulement de créer des emplois « mais des emplois meilleurs et plus stables. » Bref, là encore, le contraste avec le modèle promu par le gouvernement espagnol est frappant.

Développer la représentation à l'étranger de la Catalogne

Autre objectif important : la représentation à l'étranger de la Catalogne. La région entretient depuis plusieurs années des « délégations » à l'étranger et ces dernières pourraient devenir des embryons d'ambassades. Elles devront aussi, pendant la période de transition, défendre la cause indépendantiste auprès des gouvernements étrangers, particulièrement européen. Car l'Union européenne, en cas de vote catalan favorable à l'indépendance, aura un rôle important à jouer dans les négociations avec Madrid. Ainsi, deux nouvelles délégations seront ouvertes, en Italie et en Autriche, et la délégation auprès de l'UE sera renforcée.

Préparer les infrastructures et les structures de l'État

Enfin, des études vont être mises en place pour permettre aux infrastructures, notamment les réseaux d'eau et d'électricité, d'évoluer dans un cadre catalan propre. Enfin, le futur État catalan devra être transparent et efficace. C'est déjà, selon les ONG, le cas puisque la Catalogne est la plus transparente des communautés autonomes (régions) espagnoles, mais il conviendra de maintenir ce « haut niveau d'exigence et de l'améliorer », a indiqué Artur Mas. Il faudra aussi l'adapter aux cadres exigeants d'un Etat.

Dessiner les traits du futur État catalan

Avec ce plan, le président du gouvernement catalan ne se contente pas de préparer la région à l'indépendance. Il dessine les traits du futur Etat catalan qu'il voudrait moderne, social et intégré dans l'Europe. Il entend aussi montrer qu'il est le vrai leader du camp indépendantiste, alors que la CiU, divisée sur le sujet entre ses deux composantes, est souvent devancée dans les sondages par la gauche républicaine catalane (ERC) d'Oriol Junqueras. Ce dernier ne veut donc pas rater la marche. Mercredi, il a loué les projets d'Artur Mas et a proposé d'entrer dans le gouvernement pour mettre en place ces projets. Mais Artur Mas s'est bien gardé de donner suite. Le combat pour l'indépendance n'éteint pas la lutte traditionnelle entre ERC et CiU...

Affaire Pujol

Pour Artur Mas, il s'agit aussi de détourner l'attention de l'affaire Jordi Pujol, le fondateur de CiU et ancien président de la Generalitat de 1980 à 2003. Ce dernier a reconnu en juillet 2014 une évasion fiscale colossale de près de 100 millions d'euros et l'affaire ne cesse de rebondir, en touchant la famille de l'ancien président. Son fils, Jordi Pujol Ferruosola, vient d'être convoqué devant un juge de Barcelone. Tout ceci est du pain béni pour les adversaires de l'indépendance, notamment le parti de la Citoyenneté (Ciutadans), qui lie le besoin de régénération morale et le centralisme espagnol et qui, actuellement a le vent en poupe dans les sondages en profitant de l'effondrement dans la région du Parti Populaire de Mariano Rajoy.

Il s'agit aussi de relancer le mouvement en faveur de l'indépendance, plutôt essouflé depuis le référendum informel du 9 novembre qui avait été un succès avec près de 1,9 million de "oui". En janvier, un sondage montrait que les partisans de l'indépendance était devancés par les opposants (44 % contre 45 %).