Malgré Bild, le Bundestag devrait valider la prolongation du financement à la Grèce

Par Romaric Godin  |   |  652  mots
La page deux de Bild Zeitung ce jeudi 26 février.
"Bild Zeitung" s'est lancé ce jeudi dans une campagne d'opinion pour bloquer tout versement d'argent "allemand" à la Grèce. Mais le Bundestag devrait demain valider l'accord du 20 février.

Bild Zeitung ne décolère pas ! Le tabloïd allemand, qui tire à quelque 3 millions d'exemplaires chaque jour, a publié une page "2" barré d'un immense « NEIN » en lettres blanches sur fond bleu évoquant les couleurs nationales de la Grèce. Car ce « non » catégorique s'adresse évidemment, à la veille du vote au Bundestag sur la prolongation du soutien financier à la République hellénique, aux « Grecs avides », comme le précise le texte qui suit ce refus : «Pas de nouveaux milliards pour les Grecs avides. »

Campagne d'opinion

Cette page spectaculaire a un but : organiser une vaste campagne d'opinion. Aussi Bild Zeitung lance-t-il une "action":

"Vous êtes contre de nouveaux milliards à la Grèce ? Alors, participez : portez bien haut cette page de Bild avec le « nein ! » et faites une photo que vous enverrez à Bild par e-mail."

Du nombre de photos reçues, le journal du groupe Axel Springer entend faire un moyen d'agir contre ce que Julian Reichelt, l'éditorialiste du tabloïd, appelle un "scandale" : "que Schäuble & Compagnie croient encore les Grecs."

Les arguments de Bild

L'argumentation de Bild n'est guère développée : elle mélange les promesses non tenues des précédents gouvernements et les demandes du nouvel exécutif hellénique, elle ne voit dans les « milliards » versés à la Grèce qu'un moyen d'engraisser des Grecs « avides », elle ne dit pas un mot de la situation en Grèce et des effets de la politique menée jusqu'ici.

Quant au « sage économiste » Lars Feld, interviewé dans la page, il limite sa critique de la Grèce à la « rupture des règles de la zone euro » - que l'Allemagne ne respecte pas non plus et n'a pas respecté dans le passé, notamment durant son « ajustement » de la période Schröder.

La Commission européenne a ainsi souligné le besoin qu'avait la république fédérale de "prendre des actions décisives » pour réduire ses déséquilibres et réduire les « négatifs effets de ces déséquilibres sur la zone euro". En réalité, il faut attendre la fin de l'interview de Lars Feld pour comprendre les vraies motivations de Bild. Ce dernier en effet estime que "d'autres partis radicaux pourraient se sentir encouragés à réclamer la fin à l'austérité..." Comme le constate le titre choisi par Bild : "L'insolence ne doit pas payer !"

Bild du côté de l'aile droite de la majorité

Bild a donc choisi de défendre une politique d'austérité sans limite, que les Grecs doivent accepter sans broncher (au risque de passer pour des "insolents"). Rien d'étonnant pour un journal qui a attaqué les Grecs régulièrement depuis 2010.

Le tabloïd prend ainsi le parti de l'aile droite de la CDU et de la CSU bavaroise qui, sur ce terrain, est aussi assez proche, dans les faits, du parti eurosceptique Alternative für Deutschland. C'était, jusqu'à vendredi 20 janvier, la position défendue par Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, qui a dû depuis revenir sur sa politique de fermeté. Preuve, s'il en est, qu'en réalité, Angela Merkel a arbitré contre son ministre.

Vote acquis au Bundestag

Du coup, et malgré la campagne de Bild, le nouveau financement à la Grèce devrait être approuvé vendredi par le Bundestag. Comme souvent, la CSU bavaroise menace beaucoup, mais ne s'oppose jamais réellement à la chancellerie. Seuls 22 députés conservateurs sur 311 ont finalement décidé de ne pas voter cette prolongation du financement grec. Comme les 193 députés sociaux-démocrates devraient voter également cette prolongation, la majorité sera sans doute immense.

Alors que le parlement néerlandais a validé l'accord ce jeudi, le problème pourrait plutôt venir de la Finlande, où le paysage politique est très éclaté et où les partis sont en campagne électorale, et de la Slovaquie, qui, en 2011, avait refusé de participer à l'aide grecque.