Le débat sur la transition énergétique : une occasion ratée

Par Jean Fluchère  |   |  1015  mots
Le débat sur la transition énergétique, déjà enterré par le manque de pédagogie des politique (c) Reuters
Au moment où se clôt par une conférence environnementale les 20 et 21 septembre prochains le débat national sur la transition énergétique (et où le calendrier de fermeture de Fessenheim paraît retardé ), un dirigeant d'EDF Jean Fluchère, ancien directeur de la centrale du Bugey (après avoir contribué à la construction de Fessenheim) revient sur les non-dits et les ratés de ce processus. Un avis autorisé, alors que, dans la sociologie interne d'EDF Bugey, est une centrale mythique, la première historiquement où EDF a fait l'apprentissage du nucléaire : son équipe de constructeurs, unis par l'aventure commune, dits le "clan du Bugey" a longtemps été le coeur de la direction de l'entreprise.

Le gouvernement a décidé de faire débattre les Français sur la transition énergétique, sujet complexe à défaut d'être compliqué. Mais a-t-il crée les conditions de réussite de ce débat dont il a fixé la « liturgie » sans parler du fond ? A-t-on préalablement dit aux Français que l'énergie est vitale pour l'économie d'un pays ?

Des volumes dérisoires

Qu'aucun pays au monde ne connaît de croissance de son PIB sans croissance de sa consommation énergétique ? Que la France importe la moitié de son énergie primaire sous forme de pétrole, gaz et charbon ? Que cela coute 68 milliards d'euros soit le déficit de la balance du commerce extérieur et que ces énergies sont responsables de la quasi-totalité des émissions de gaz carbonique ? Que les importations d'uranium naturel représentent 41 % du total de notre énergie primaire et nous coûte seulement 0,7 milliard d'€ sans générer de gaz carbonique ?

Que l'éolien et le photovoltaïque représentent moins de 0,5% de notre consommation et occasionnent un surcoût de 5 milliards d'€, soit près de 7 fois plus que le total de l'uranium naturel qui représente 80 fois plus en énergie primaire ? Que la politique en « zig zag » sur les EnR est hautement préjudiciable à l'émergence d'une filière industrielle digne de ce nom? Qu'en France, les EnR n'économisent pas les rejets de gaz carbonique ?

Le vrai prix des EnR

Que les sommes englouties par les EnR ne sont plus disponibles pour un programme ambitieux de rénovation thermique de 500 000 logements par an qui génèrerait des économies d'énergie supérieure à la production EnR tout en faisant appel à des emplois non délocalisables ?

Leur a-t-on dit que l'arrêt prématuré d'une centrale comme Fessenheim, en parfait état de marche et produisant l'électricité la moins chère du parc, allait coûter 1 milliard d'€ par an à la collectivité pour l'énergie de remplacement et supprimer inutilement 2 200 emplois directs et indirects hautement qualifiés pour les remplacer par 100 emplois dans la déconstruction ?

Que les sommes investies pour détruire de la valeur industrielle n'ont pas le même effet sur l'économie nationale que les mêmes sommes employées à créer des outils productifs ?

Que l'électronucléaire rapporte autour de 8 milliards d'€/an en exportations d'électricité, d'équipements et de services ?

Débat en 2003

Leur a-t-on rappelé que le précédent grand débat avait eu lieu en 2003 et avait débouché sur la remarquable loi fixant les orientations en matière de politique énergétique dite loi POPE de 2005 ? Que l'énergie s'inscrit dans la durée, il faut 8 ans entre la décision de construire un outil de production dans le pétrole, le charbon, le gaz ou l'électricité, et le moment où il commence à la livrer ? Que cet outil va fonctionner ensuite pendant 60 ans ?

Le ministre en charge de l'énergie déclare : « Il est temps que les responsables politiques reprennent la main sur les décisions énergétiques de la France ». Soit ! L'avait-il perdue ? Pas que l'on sache. Et nul n'a jamais contesté le pouvoir au politique ! La loi POPE de 2005 est toujours de pleine application! L'a-t-il simplement relue pour voir à quel point elle est encore d'actualité !

Un choix de long-terme

Mais précisément la noblesse du rôle du politique n'est-elle pas de faire de la pédagogie auprès des citoyens afin de légitimer ensuite les orientations qui seront adoptées dans les Assemblées parlementaires ? N'est-elle pas de prendre en compte les éléments de comparaisons donnés par les organismes compétents et d'écarter les purs idéologues. La lecture du rapport « Energies 2050 », réalisé en 2012 par le Centre d'Analyse Stratégique, aurait permis au politique d'écarter les 4 scénarii idéologiques qui n'ont eu de cesse de propager des idées fausses dans ce débat. Les remarquables rapports de la Cour des Comptes de 2012 sur les coûts du nucléaire et de 2013 sur les coûts des EnR ne sont l'œuvre d'aucun groupe d'influence !

La noblesse du politique n'est-elle pas de faire prendre conscience que l'énergie s'inscrit dans le long terme et que les choix, ou les non-choix, de demain auront des conséquences à partir de 2020 et jusqu'en 2060 voire plus ? N'est-elle pas de dire qu'en matière d'énergie, il est impossible d'avoir une politique « girouette » comme l'illustrent les errements que l'on connaît sur certaines EnR.

Gouverner, c'est prévoir

La noblesse du politique n'est-elle pas enfin de travailler pour l'intérêt général et non pour essayer de déplacer quelques misérables voix sur l'échiquier électoraliste ?

La noblesse du politique ne consiste-t-elle pas à définir des orientations robustes aux alternances du pouvoir et de transcender les prochaines élections? Parce que gouverner, c'est prévoir.

Enfin, la noblesse du rôle du politique, soucieux de l'intérêt général à long terme de son pays, n'est-elle pas de lui donner des orientations qui lui permettront de réduire les consommations de combustibles fossiles pour, à la fois, desserrer l'étreinte économique insupportable subie par la France, lui assurer un approvisionnement sans risques et au moindre coût pour la collectivité et réduire les émissions de gaz à effet de serre qui font courir un risque environnemental planétaire ?

Propositions fumeuses

Les orientations de synthèse données en fin de débat montrent à quel point le fait de n'avoir pas donné aux français les éléments de base sérieux et nécessaires à leur réflexion non seulement les a découragés à venir débattre mais a conduit à faire émerger des propositions « fumeuses », œuvres d'idéologues, dont beaucoup sont contraires à l'intérêt général.

Débattre de l'énergie tous les 10 ans est une idée normale à condition que l'on respecte la déontologie du débat et la capacité des citoyens à s'y investir. Voilà une occasion manquée qui va rendre difficiles les débats parlementaires.