Infiniti M35h : La super limousine hybride de Nissan, l'allié de Renault

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1824  mots
Infiniti M 35h Copyright Infiniti
Une belle berline luxueuse et ultra-puissante hybride? Fomidable, pour assurer d'excellentes performances tout en en limitant consommations et émissions de C02. La marque de prestige de l'Alliance Renault-Nissan frappe un grand coup. Mais, les prestations idéales sur le papier ne se vérifient pas au quotidien.

L'Infiniti M35h ? Sûrement, ça ne vous dit rien, sauf à quelques connaisseurs voyageant beaucoup aux Etats-Unis. Voilà la super limousine hybride de la marque de prestige du japonais Nissan, l'allié japonais de Renault.  Une voiture, essentiellement destinée au marché américain, qui concilie très hautes performances, grand luxe et rejets de C02 contenus. Cette très belle voiture, aux lignes sensuelles inspirées par Jaguar ou Maserati (il y a pire comme références) et à la planche de bord toute en courbes rappelant là aussi les magnifiques anglaises ou italiennes, est propulsée par une grosse motorisation V6 à essence de 3,5 litres de cylindrée et un moteur électrique de 68 chevaux, générant au total 364 purs sang sous le long capot. Avec des batteries dernier cri lithium-ion et une boîte auto à sept rapports. Les émissions de gaz à effets de serre sont réduites à 159 grammes au kilomètre. Tout ça constitue une jolie prouesse pour une berline de près de 5 mètres de long capable d'atteindre les 250 à l'heure.

L'électrique à la rescousse

Contact : il ne passe rien. Car, évidemment, on démarre en électrique dans le silence le plus total. Très (trop) vite, toutefois, le V6 se met en marche. Mais c'est  un plaisir de suivre sur le graphique devant les yeux les coupures du moteur thermique dès que l'on relâche la pédale, même à 100 à l'heure. En fait, durant notre essai, nous avons roulé à maintes reprises en électrique, notamment dans les descentes. Certes, ça dure très peu, mais c'est une satisfaction de voir que tout cela fonctionne sans que le conducteur s'en aperçoive autrement que par le graphique. Souvent, aussi, le moteur électrique vient fournir un surcroît de puissance au V6.

Boîte pas assez réactive

Mais, voilà, au fur et à mesure des kilomètres, l'enthousiasme généré par ce système hybride retombe. Tout d'abord, si le son rauque du V6 envoûte, on a du mal à utiliser la puissance. La voiture est pesante et cette lourdeur se ressent en accélérations. La transmission automatique, même en position « Sport », n'est pas suffisamment réactive à l'entrée d'un virage. Elle est certes douce mais ne permet pas les performances que l'on attendrait des 364 chevaux. Et, si on essaye de force la cadence, la boîte transmet des à-coups, comme si elle semblait un peu dépassée par les événements. Sur route sinueuse, il fait donc recourir au mode manuel.

Comportement pataud

Cette grosse voiture n'apprécie que modérément nos petites départementales étroites à multiples virages et au revêtement médiocre. L'agilité n'est pas le fort de ce vaisseau, pataud et paresseux à virer. Les chicanes sont encore moins sa tasse de thé. Les rivales européennes sont plus précises et agiles. En ligne droite, à haute vitesse sur autoroute, la relative inconsistance de la direction à assistance variable oblige aussi à faire des rectifications de trajectoire. Certes, on s'y habitue, mais ce léger flou surprend au début. Le freinage, en revanche, se révèle à la hauteur. Terminons par une autre déception, à savoir une motricité médiocre sur revêtement humide. Si l'on accélère un peu fort, cette propulsion voit son train arrière débordé par la puissance. Celui-ci manifeste alors son mécontentement, enclenchant un peu trop souvent l'anti-patinage. Sur des pavés gras et mouillés, il est nécessaire d'avoir le pied léger. Ca fait désordre.

Pas si confortable que ça

Des suspensions aussi souples, à l'américaine, doivent au moins générer un fantastique confort, non ? Ah ben non ! Car, l'amortissement n'est pas terrible et les petites inégalités de la chaussée entraînent des trépidations assez sèches. Notons aussi que les sièges plutôt plats maintiennent mal le corps en virage, d'autant plus que le cuir lisse est du genre glissant. Quant on vous disait que tout ça était bien américain... La conduite n'est certes pas désagréable. Loin de là. Mais, les concurrentes allemandes ou la rivale nippone Lexus GS 450h, essayée récemment, procurent davantage d'agrément. A ce niveau de prix, on devient légitimement exigeant. La Lexus nous avait aussi semblé plus confortable.

Habitacle un peu limité

A l'image de toutes les Infiniti, le « généreux » gabarit extérieur de la M35h ne se retrouve pas à l'intérieur, à l'habitabilité limitée. Quant au coffre, encombré par les batteries, il est riquiqui, du niveau d'une... citadine. Insuffisant ! Les portières, lourdes, sont aussi d'un maniement malaisé. Si on ouvre doucement, l'angle d'ouverture reste faible. Si on ouvre fort, la porte risque de revenir brutalement se fermer. Gare si vous avez, en sortant, mis déjà un tibia dehors ! L'absence de poignée de coffre ne permet pas non plus d'ouvrir et fermer sans se salir. Des détails qui mériteraient plus de soin.

Arsenal sécuritaire

A bord, tout un arsenal sécuritaire veille : surveillance de l'angle mort avec intervention ; régulateur de vitesse dit intelligent ; alerte anticollision ; alerte et prévention des écarts... Formidable. Oui, mais pas dans la réalité. Tout ça est effectivement beaucoup trop intrusif, avec des bips-bips stressants et exaspérants. On a du coup coupé tout ce qu'on a pu. A moins de sortir d'une retraite dans un monastère zen japonais, c'est la crise de nerfs en ville. Impossible toutefois de mettre durablement hors service l'aide au parking, qui ne se contente pas de couiner dans les man?uvres, mais aussi à basse vitesse quand elle détecte un obstacle. On peut le couper momentanément à l'aide d'un bouton caché sous la planche de bord et dissimulé par le volant, que l'on cherche à tâtons. Mais, dès qu'on remet la marche arrière, hop, c'est reparti ! Grrr. Déjà que toutes les voitures émettent aujourd'hui un insupportable bip-bip de ceinture obligeant à man?uvrer ligoté sur son siège... Mais, là, c'est de pire en pire.

Affichage du GPS agaçant

Agacement garanti aussi quand on veut faire figurer la carte ou mettre le GPS sur l'écran central. Refus. Une page de littérature du genre « je m'engage à conduire prudemment, etcetera » s'affiche. Et, tant qu'on n'a pas appuyé sur la touche « OK », rien ne marche. A chaque remise en route, ça recommence. C'est d'autant plus ubuesque que, pour trouver la touche « OK » au milieu de la planche de bord, on quitte la route des yeux ! A quand, chez soi, un bip-bip quand on saisit un couteau, avec sur votre téléphone portable une mise en garde du style « attention : ceci est un objet tranchant » et l'obligation d'appuyer sur « OK » pour que votre tiroir libère le couteau ? On nage en pleine absurdité. Pour finir, signalons une voix qui signale les radars fixes. Utile, mais pourquoi est-elle si tonitruante ?

Quelques « bugs »

Si la qualité des matériaux et des assemblages est de bon niveau, elle n'égale pas celle d'Audi. L'ambiance se révèle luxueuse, mais les alignements de la planche de bord et des contre-portes ne sont pas parfaitement en phase. L'accoudoir central non réglable revêtu de skaï (!) fait également tache. Notre modèle, qui affichait 22.000 kilomètres au compteur, souffrait aussi de quelques dysfonctionnements : la montre à aiguilles sur la planche de bord (comme chez Maserati) ne marchait pas, la ceinture de sécurité côté conducteur s'enroulait mal, l'essuie-glace en position automatique fonctionnait en continu même avec le pare-brise sec. Enfin, l'aide au stationnement, qui nous a tant agacés pendant deux jours, s'est tout d'un coup éteinte toute seule...

Consommations moins basses que prévu

Mais, tout cela est accessoire, nous rétorquera-t-on. Une voiture hybride, c'est d'abord des consommations basses et des rejets de gaz à effets de serre tout aussi réduits. Mmmouais. Justement, la consommation mixte de 7 litres aux cents, selon les calculs d'homologation, est impossible à obtenir dans la vie réelle. Le cycle d'homologation européen favorise exagérément les hybrides. Du coup, l'écart entre la consommation théorique et celle effectivement relevée dans la réalité est très important. Nous avons consommé pour notre part 11 litres aux cents lors d'un essai mêlant ville-route-autoroute. Evidemment, on peut conduire beaucoup plus mollement que nous. Mais, un client de M35h n'achète pas une telle motorisation pour conduire comme s'il avait acquis une simple Toyota Prius... Du coup, les rejets réels de C02, corrélés aux consommations, sont aussi bien plus élevés dans la pratique que dans les calculs officiels... Finalement, sans remettre en cause les bienfaits de l'hybride, disons que les avantages en termes de C02 sont moindres que ce qu'on veut bien nous raconter ! Soulignons néanmoins que 11 litres aux cents, pour une telle puissance et un gabarit similaire, c'est quand même pas mal dans l'absolu. Mais une BMW 535d avalera moins de carburant que l'Infiniti, pour une puissance autrement plus démonstrative, même si, officiellement, elle a moins de chevaux... Reste que le diesel - moins cher à la pompe que l'essence en France - est intrinsèquement plus polluant que l'essence au niveau des oxydes d'azote.

Prix coquet mais contenu

La M35h est une voiture exclusive, entendez onéreuse. La version « GT » à 55.090 euros comprend les sièges en cuir ventilés et chauffants, la direction réglable électriquement et le siège conducteur qui se recule pour mieux laisser sortir, l'éclairage bi-xénon adaptatif (efficace), le GPS, le toit ouvrant électrique. La « GT Premium » de notre essai coûte 61.090 euros. Elle offre en plus de série notamment l'arsenal sécuritaire mentionné et le système audio Bose « Premium Surround Sound » à seize haut-parleurs d'une belle sonorité. L'Infiniti est un démonstrateur du savoir-faire technologique de la marque. Cette jolie auto de prestige, moins chère que ses plus proches concurrentes, n'est toutefois pas complètement convaincante pour un européen. Ses rivales BMW 535d (diesel)) ou Lexus GS 450h (hybride) sont plus agréables, mieux adaptées à nos routes et émettent encore moins de C02. Quant au réseau de distribution en France d'Infiniti, les points de vente et de service se comptent sur les doigts d'une seule main...
Alain-Gabriel Verdevoye

Modèle d'essai : Infiniti M35h GT Premium : 61.090 euros (+1.500 euros de malus)

Puissance du moteur : 364 chevaux (essence+électrique)

Dimensions : 4,95 mètres (longueur) x 1,85 (largeur) x 1,50 (hauteur)

Concurrentes : BMW 535d X-Drive Excellis : 64.450 euros ; Lexus GS 450h Luxe: 66. 900 euros

Qualités : Ligne raffinée, équipements nombreux, belle sonorité du système audio, bon éclairage bi-xénon directionnel, fonctionnement hybride efficace, freinage puissant, gros moteur aux rejets de CO2 limités...

Défauts : ... mais supérieurs aux rivales, boîte peu réactive, comportement pataud, trépidations sur mauvaises routes, motricité médiocre sur le mouillé, sièges trop plats, bips-bips agaçants, coffre riquiqui, réseau insuffisant

Note : 12,5 sur 20