Davos fête l'année du Draghi

Par Philippe Mabille  |   |  1023  mots
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Quand Davos ressemble à un sommet de crise sur la zone euro... Les informations de notre envoyé spécial au Forum économique mondial, qui réunit les plus grands décideurs de la planète.

Christine Lagarde, patronne du FMI, Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE, Mario Draghi, le nouveau, plus quelques-uns des principaux ministres des finances de la zone euro (Wolfgang Schaüble, François Baroin, le seul à parler en français..., et l'espagnol Luis de Guindos Jurado), il y avait ce vendredi à Davos de quoi réunir un sommet de crise sur la zone euro... qui n'a pas eu lieu. "Nous ne sommes pas ici à une réunion de l'Eurogroupe", a prévenu d'emblée le ministre français des finances, qui a tenu un discours en tout point conforme à celui de son homologue allemand. Pas une feuille de papier de cigarette entre les positions des deux ministres sur ce qu'il convient de faire : en résumé 1/ régler le "cas" grec, qui est et restera une "exception" ; 2/ ratifier le nouveau traité d'union budgétaire (ce sera fait en principe fin février) ; 3/ renforcer la solidarité financière à l'intérieur de la zone euro, avec le FESF qui pourrait s'additionner au nouveau mécanisme européen de stabilité pour concrétiser le fonds monétaire européen destiné à protéger les pays les plus fragile des excès de la spéculation sur leurs dettes. Voilà le programme.

A deux jours de la réunion du conseil européen lundi où seront adoptés les deux projets de traité, celui sur la discipline financière (le "fiscal compact", rien de moins qu'un traité de Maastricht bis incluant cette fois les sanctions en cas de dérapage budgétaire), et celui qui permettra d'anticiper de six mois la création du mécanisme européen de stabilité (MES, appelé ici le "Firewall", ou pare-feu), l'orchestre joue une musique plutôt bien coordonnée. Pas de couac. Tout le monde est d'accord pour dire que la situation est en voie de stabilisation. Une façon de répondre par une apparente sérénité à la présentation faite par la chaîne CNBC, organisatrice du débat "The future of the eurozone", qui a accueilli ses invités de marque, Baroin et Schaüble, par un film apocalyptique sur la crise européenne, avec vidéo de manifestants, de villes en flammes et de chômeurs en colère.

Pourtant, tout ne va pas si mal ont dit de concert les deux ministres. La Grèce ? Un accord avec les créanciers est espéré avant la fin du week-end, a dit le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Olli Rehn et ce même si les banques ont un peu le sentiment de s'être fait avoir... Le pare feu : il faudra peut être augmenter sa force de frappe, avec l'aide du FMI, mais l'essentiel est d'enclencher un processus vertueux de rétablissement de la confiance.
Pour cela il faudra du temps. Et c'est un peu le message qu' a voulu adresser le président de la BCE. Le recevant à la tribune d'honneur, le très sérieux président du WEF, Klaus Schwab a osé un jeu de mot, parlant de l'année du Draghi (qui veut dire dragon en italien) par référence au calendrier chinois qui a fêté son nouvel an mardi. Pour Mario Draghi, donc, l'Europe a fait des progrès spectaculaires. "Si on compare avec la situation d'il y a cinq mois, le visage de l'union européenne a complètement changé. Notamment parce que l'idée de transferts de souveraineté n'est plus tabou".

Petit à petit, grâce aux réformes mises en oeuvre en Italie et en Espagne, la confiance se rétablit, a reconnu Wolfgang Schauble, qui a adressé une pique à David Cameron. Mercredi, le Premier ministre britannique avait attaqué bille en tête la zone euro, rappelant ce que doit être selon lui une union monétaire. Citant l'exemple de celle existant entre la Grande-Bretagne et l'Ecosse, il a rappelé que pour fonctionner, une union monétaire doit avoir une banque centrale capable de soutenir la monnaie et le système financier, une émission de dette commune et prévoir une solidarité fiscale entre ses membres. Or, a rappelé Cameron, la zone euro ne réunit actuellement aucune de ces conditions.

Pour Schaüble, les marchés doivent intégrer le temps long dans leur analyse de la situation. "L'intégration européenne est un processus progressif qui a fait d'immenses progrès depuis la signature du Traité de Rome"... Interrogé sur le risque d'une "décennie perdue", l'austérité budgétaire sans fin condamnant l'Europe à la déflation, le ministre des finances allemand a récité son credo orthodoxe. "A ce niveau de dettes et de déficits, la dépense budgétaire ne soutient plus la demande intérieure, mais nuit à la croissance de long terme. Seul le retour à un niveau de dette soutenable pourra restaurer la confiance."

Même tonalité chez Mario Draghi : la consolidation budgétaire est "inévitable". Cela provoquera à court terme une contraction de l'activité. Mais, a-t-il fait remarquer, "où a-t-on vu que le creusement des déficits a soutenu la croissance en Europe ces dernières année ?". Selon lui "la croissance ne reviendra que lorsque chaque pays européen aura fait les réformes structurelles nécessaires. Chacun a sa liste", a conclu le dragon de la BCE. Et, de fait, on a vu, en Italie avec la libéralisation de l'économie, et en Espagne, avec les réformes annoncées du marché du travail, que les pays les plus menacés par la crise de la dette sont engagés dans ce processus. Angela Merkel avait estimé mercredi à Davos que la leçon de la crise n'avait pas encore été assez bien bien apprise. Visiblement, la "leçon allemande" commence à porter ses fruits...

Assez curieusement, personne n'a posé à François Baroin la même question pour la France... Le rendez-vous est fixé, mais pour l'après-élection présidentielle. A moins que, dimanche soir dans son interview télévisée, Nicolas Sarkozy n'annonce aux Français qu'il fera campagne en 2012 sur un agenda 2020 inspiré des réformes de Gerardt Schröder !