Le Forum de Davos s'ouvre : et si le monde appuyait sur “reset” ?

Par Philippe Mabille  |   |  1220  mots
« The reshaping of the world » (remodeler le monde). En 2014, les organisateurs du Forum économique mondial de Davos aimeraient bien pouvoir appuyer sur le bouton “réinitiatilisation”. Six ans après le début de la crise, un optimisme mesuré, raisonnable et sans illusion va souffler sur la petite station des Grisons suisses qui s’apprête à accueillir les 2.500 participants inscrits pour cette 44e édition.

Le conflit en Syrie, le changement climatique, la santé, mais aussi les interrogations sur la vigueur de la reprise économique seront au centre des débats du Forum économique mondial (WEF) qui ouvre ce mercredi en Suisse à Davos. Cette 44e édition du Forum, du 22 au 25 janvier, réunira comme chaque année le gotha de la politique et du monde des affaires dans cette petite station de ski huppée des Alpes.

Plus de quarante chefs d'État et de gouvernement seront présents à Davos, dont le Premier ministre australien Tony Abbott, qui assure la présidence du G20, la présidente du Brésil Dilma Rousseff (qui organise en juin la coupe du Monde de Football), le Premier Ministre japonais Shinzo Abe et son homologue britannique David Cameron.

La situation diplomatique du Proche-Orient discutée

L'événement coïncidera avec la Grande Histoire alors que les discussions commencent à Montreux, à l'autre bout de la Suisse, pour trouver une solution au conflit syrien dans le cadre de la réunion dite Genève II. Certains acteurs majeurs de la crise syrienne seront présents à Davos comme le président iranien Hassan Rohani, dont la participation aux négociations de Genève 2 est peu probable. La situation au Proche-Orient sera un des points forts de la partie diplomatique du Forum avec l'intervention d'un dirigeant de l'opposition syrienne, George Sabra. Autre invité de marque de la région, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu interviendra sur les perspectives économiques et politiques de l'Etat hébreu.

Comme chaque année, la très efficace armée suisse assurera la sécurité de la station de Davos, bouclée comme un camp militaire cette année encore plus que les autres.


Laurent Fabius, Pierre Moscovici et Fleur Pellerin comme ambassadeurs

Plus de 2.500 participants prendront part à l'Annual Meeting qui rassemblera des décideurs économiques, des lauréats du prix Nobel, mais aussi des chefs religieux, des représentants syndicaux et d'organisations non gouvernementales, qui pourront se croiser et échanger de manière très informelle dans les couloirs du forum.

Pour la France, Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, Pierre Moscovici (Economie et Finances) et Fleur Pellerin (PME et économie numérique) représenteront le gouvernement alors que François Hollande a une nouvelle fois décliné l'invitation. Mais d'après les rumeurs, ce pourrait être pour 2015, alors que Paris sera l'organisateur de la prochaine conférence sur le climat. Un changement climatique considéré comme l'un des dix principaux risques globaux et sur lequel s'exprimera à Davos Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies.



Les cadors de la tech au rendez-vous

La technologie sera aussi à l'honneur, des acteurs majeurs du secteur faisant le déplacement depuis la Silicon Valley comme la patronne de Yahoo! Marissa Meyer, ou encore celui de Google Eric Schmidt, présent mais qui n'est pas prévu au programme officiel.

La santé, enfin, notamment les progrès de la médecine connectée ou de la recherche sur le génome humain sera LE sujet référent de cette édition 2014, avec de nombreuses sessions et même un concours pour les participants, invités à tester leur (bonne) santé en portant des objets connectés dont les règles de la publicité nous interdisent de citer le nom ici…

 

Une plateforme de networking

Les entreprises françaises seront représentées par des habitués : Christophe de Margerie, le PDG du géant pétrolier français Total, organise un diner en présence du ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, autour de l'avenir de l'Europe. Il y aura aussi Christopher Viehbacher, le directeur général de Sanofi, Carlos Ghosn (Renault-Nissan), ou encore Maurice Levy, le président et directeur général de Publicis Groupe.

Fondé au lendemain de la rupture des accords de Bretton Woods en 1971, la force du Forum de Davos est de savoir se réinventer sans cesse. Cette belle mécanique bien huilée, toujours dirigée par son fondateur, le professeur Klaus Schwab, l'homme qui sans doute a serré la main au plus grand nombre de dirigeants mondiaux, ouvre sa 44 édition avec toujours la même ambition : offrir aux quelques 2500 participants, dont 1500 « business leaders » envoyés par les 1000 entreprises membres en provenance du monde entier, une plateforme de networking et d'échanges pour comprendre et si possible anticiper les tendances à venir.

 

Un nouveau départ

Le thème de l'année, choisi depuis l'été, "the reshaping of the world" (remodeler le monde) traduit l'optimisme mesuré qui souffle sur le monde avec une reprise économique en ordre dispersé, mais une reprise tout de même. Pour 2014, Klaus Schwab aimerait bien que les participants au Forum profitent de cette semaine de brainstorming au cœur des Grisons suisses pour " appuyer sur le bouton réinitialisation" a-t-il lancé lors d'une conférence de presse à Genève la semaine dernière

"Reset", voilà le ton donné à cette édition 2014, comme si, six ans après la crise, le monde continuait de ne pas tourner rond et nécessitait un nouveau départ sur de meilleures bases. En 2012 et 2013, la crise de la zone euro et les séquelles de celle des subprimes restaient au centre des préoccupations. Le mot clef était alors "résilience", et l'enjeu était la capacité du monde à surmonter ses déséquilibres. L'entrée en 2014 montre un monde qui certes, a survécu au pire, mais, dont personne ne sait si au bout du tunnel dont il semble sortir, "il n'y a pas un autre tunnel à l'horizon", souligne Klaus Schwab…

 

Demandez le programme ! 

Quatre questions clef sont donc au menu du Forum de Davos cette année, qui reflètent l'apparition de nouvelles menaces globales.

-        Comment rendre la croissance plus inclusive, qui crée des emplois pour les jeunes ? Selon de récentes projections de l'Organisation internationale du Travail, le nombre des chômeurs pourrait encore exploser au niveau mondial et passer de 206 millions de personnes en 2014 à 215 millions en 2018. A l'image de François Hollande en France, le monde est loin d'avoir réussi à inverser la courbe du chômage.

-        Comment mieux maîtriser les effets disruptifs des innovations ? Si elle fait miroiter bien des espoirs d'activités nouvelles, au risque d'un renoncement à la vie privée, la révolution internet a dans certains secteurs traditionnels des conséquences négatives sur l'emploi. De nombreuses conférences y seront consacrées.

-        Comment répondre aux nouvelles attentes de la société civile ? Alors que la crise a érodé, voire ruiné la confiance des populations dans les élites et les gouvernants, dans le monde entier, les crises sociales font progresser le populisme, le protectionnisme et le nationalisme, ce qui est le contraire du credo de Davos, qui a toujours défendu les vertus d'un monde ouvert, mais régulé.

-        Comment se préparer à un monde peuplé de 9 milliards d'habitants ? L'accès aux ressources en eau potable sera l'un des thèmes clefs de cette édition, avec en guest star l'acteur Matt Damon, qui anime une initiative philanthropique intitulée Water.org qui aide les populations dans les pays en développement. Que les fans de U2 se rassure, le chanteur Bono, l'un des habitués de Davos, sera présent cette année encore…