Quand les gendarmes préviennent les troubles à l'ordre économique

Par Laura Fort  |   |  945  mots
Gendarmes défilant pour le 14 juillet, Copyright Reuters
La Gendarmerie nationale fait partie intégrante de la politique publique d'intelligence économique. Avec son maillage du territoire, elle est à même de sensibiliser les entreprises, de recueillir leurs questions, leurs inquiétudes et leurs plaintes, et de détecter de potentielles menaces à l'encontre de notre tissu économique.

Que la Gendarmerie veille à la sécurité des entreprises, voilà qui peut paraître curieux. Pourtant, la protection des entreprises, de leurs salariés et de leurs savoir-faire fait bien partie de ses attributions.
"La mission de la Gendarmerie est de sécuriser les personnes et les biens. Tous nos gendarmes sont sensibilisés à la sécurité économique, avec un minimum de 20 heures de formation à l'intelligence économique. Nous sommes un service public de proximité. Et notre maillage administratif est mis à profit, de telle sorte que toute entreprise qui a un problème de sécurité économique peut bénéficier de l'aide de nos spécialistes en cybercriminalité, contrefaçon ou délinquance financière", explique Xavier Leonetti, chef d'escadron à la direction générale de la Gendarmerie nationale, en charge de l'intelligence économique.

Trouver une oreille attentive

La Gendarmerie couvre en effet 95% du territoire et 50% de la population, ce qui lui permet d'être un point de contact facile pour les chefs d'entreprise. Et si ces derniers n'ont pas toujours le réflexe de se confier aux gendarmes, l'essentiel est qu'ils trouvent une oreille attentive, auprès de la CGPME, du Medef, des élus, ou des Chambres de commerce et d'industrie, qui sauront les aiguiller vers le bon interlocuteur.
"A titre d'exemple, un chef d'entreprise du fin fonds du Larzac qui fabriquerait des pièces stratégiques pour l'aéronautique, ne connaît pas forcément d'interlocuteurs vers qui se tourner en cas d'agression ou de suspicion d'agression. La Gendarmerie est aussi un relais vers les différents services de l'Etat et nos actions sont complémentaires de celles de la DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur] et de la DPSD [Direction de la protection et de la sécurité de la Défense], ce qui permet au final d'éviter qu'il y ait des trous dans la raquette et de ne pas laisser de demandes sans réponse", ajoute Xavier Leonetti.

Traiter et tracer toutes les failles

Il est également important que toutes les informations remontent bien, que ce soit à la Gendarmerie, à la DCRI, à la DPSD, à Bercy, au ministère de l'Intérieur ou aux ministères de rattachement de l'entreprise, pour que la moindre identification de faille ou d'attaque soit traitée et tracée. Un partage d'informations qui permet notamment de détecter des « signaux faibles » et d'avoir par exemple à l'?il les secteurs d'activité où se concentreraient des investissements étrangers ou des rachats d'entreprises.
Lorsqu'une menace est identifiée, une fiche d'information est transmise aux décideurs publics, qui informent les entreprises concernées.
Entre 20% et 30% de l'activité de la cellule d'intelligence économique de la Gendarmerie est d'ailleurs dédiée aux remontées d'informations "sensibles" et au traitement des attaques ciblées sur des secteurs stratégiques, qui peuvent porter atteinte à la sécurité nationale, en générant entre autres de lourdes pertes de compétences ou des troubles graves à l'ordre public.

Malveillance ou négligence ?

Elle exerce en outre une action importante en matière de sensibilisation, en particulier grâce à un diagnostic effectué auprès des entreprises sur la base d'une centaine de questions. Au premier semestre 2012, la Gendarmerie a ainsi dispensé 4020 conférences de sensibilisation et réalisé 1207 diagnostics.
"Le volume d'entreprise à sensibiliser est gigantesque, sachant que 70% des attaques sont lancées contre des entreprises de moins de 500 salariés. L'objectif est de sensibiliser les chefs d'entreprises, mais aussi les salariés, qui n'ont pas toujours conscience de détenir des informations stratégiques", indique Xavier Leonetti.
Sur le premier semestre, la Gendarmerie et la DCRI observent ainsi que les atteintes constatées se concentrent en particulier sur le secteur de l'énergie, et, dans une moindre mesure, sur les secteurs de l'automobile et de l'aéronautique. "Tous secteurs confondus, les risques les plus courants sont les risques informatiques et les atteintes physiques comme les vols d'ordinateurs. Viennent ensuite les atteintes aux brevets ou encore les "intrusions consenties", du fait par exemple de la présence de stagiaires étrangers. Mais la malveillance est souvent le fait de négligences. Lorsque vous partez de chez vous, vous ne laissez pas la porte ouverte ? Donc n'oubliez pas de fermer celle de votre bureau, de votre entreprise, et de sécuriser vos données informatiques. Ce sont des actes qui devraient être des réflexes", affirme Xavier Leonetti.

Une barrière culturelle

Parmi les atteintes physiques, la Gendarmerie relève également le vol de matériel, de fichiers ou, tout simplement, de clés. Elle veille aussi aux atteintes à la réputation ou encore aux risques financiers. Sachant que, si le risque zéro n'existe pas, la mise en place de politique de prévention et de sécurité peut cependant éviter bien des nuisances.
Aux entreprises qui se trouveraient démunies devant la mise en ?uvre d'une politique de sécurité, Xavier Leonetti conseille de se poser une seule question : "Selon vous, quelle information ne souhaiteriez-vous pas voir diffusée ? Vous saurez ensuite quoi protéger".
Mais il existe une barrière culturelle à la mise en place d'une stratégie de sécurité et de sûreté dans l'entreprise. "Notre principal obstacle est l'acception culturelle de la sécurité. Pour les entreprises, mettre en place une politique de sécurité est considérée comme un coût, et la question récurrente est de savoir combien cela va leur rapporter. Sauf que la sécurité ne fait pas gagner d'argent, elle évite d'en perdre. Il faudrait davantage considérer la sécurité comme une partie prenante de la compétitivité", constate Xavier Leonetti. En somme, ne pas vous croire intouchable, vous rendra toujours plus fort !