Election du président de la Commission : les scénarios

Par Romaric Godin  |   |  965  mots
Qui succédera à José Manuel Barroso à la tête de la Commission ?
Après les élections européennes de dimanche, la course à la présidence de la Commission européenne pour les cinq prochaines années. Voici des hypothèses pour les prochaines semaines.

Toute la communication de l'administration du parlement européen était fondée sur cette idée que « le citoyen européen » allait, en 2014, « élire » le président de la Commission en faisant le choix de ses députés européens. On pouvait, du coup, l'affirmer : « cette fois, c'est différent ! » Toute la campagne des candidats a tenté d'utiliser cet argument en promettant que le choix des citoyens allait être respecté et en « personnalisant » le débat électoral européen.

Un bulletin dans l'urne et tout redevient possible

Mais une fois son bulletin de vote jeté dans l'urne, tout redevient possible. Rappelons les données du problème. Selon le traité de Lisbonne désormais en vigueur, le Conseil européen doit proposer au parlement européen un candidat pour la présidence de la Commission. Ce dernier, pour être nommé, doit disposer de la majorité absolue, soit 326 voix. Il est évident aujourd'hui qu'aucun parti ne pourra seul disposer d'une telle majorité. Il faudra donc trouver une majorité de coalition pour le nouveau président. Dès lors, plusieurs hypothèses s'ouvrent.

Première hypothèse : le leader du parti en tête devient président de la Commission

La première est la plus « démocratique. » Elle suppose que le Conseil accepte de proposer au parlement le leader du parti arrivé en tête. Ici, Jean-Claude Juncker (PPE) ou Martin Schulz (PSE). Il faudra ensuite que ce candidat dispose d'une majorité. Selon les dernières projections, la seule majorité possible a priori - et si l'on exclut la possibilité d'une alliance entre les eurosceptiques de droite et le centre-droit - sera la « grande coalition » entre les Sociaux-démocrates du PSE et les conservateurs du PPE. Les députés du parti arrivé deuxième acceptent sans broncher de voter pour le candidat de l'autre camp. Actuellement, ce sera précisément aux candidats du PSE de voter pour Jean-Claude Juncker, le « candidat d'Angela Merkel. » Difficile à accepter pour beaucoup, mais leurs candidats s'est engagé à respecter cette règle. Dans ce cas, le plus optimiste, la nomination peut se régler rapidement.

Deuxième hypothèse : le Conseil dicte sa loi

Deuxième hypothèse : le Conseil européen, qui se réunit mardi prochain à Bruxelles pour un « dîner informel » à la demande de Herman van Rompuy estime qu'il doit proposer un autre candidat plus « consensuel. » Les rumeurs vont bon train. On parle de Christine Lagarde, l'actuelle directrice générale du FMI, notamment. Mais, dans ce cas, le Conseil entre dans une guerre ouverte avec le Parlement. Une majorité de députés acceptera-t-elle ce « diktat » du Conseil ? Si les députés craignent d'engager une épreuve de force et si la candidature fait l'unanimité, on peut l'imaginer. Dans ce cas, le nouveau président de la Commission devra principalement sa nomination aux chefs d'Etat et de gouvernement. Inutile de dire que le parlementarisme européen - déjà guère vaillant - ne s'en porterait pas mieux.

Troisième hypothèse : bras de fer et compromis

Et si le Parlement rejetait la proposition du Conseil ? Dans ce cas, le parlement redonnerait la main au Conseil qui devra proposer un autre candidat. Reste à savoir si, alors, le Conseil présentera un des candidats présentés par les partis ou un autre candidat « de compromis. » Compte tenu des délais et des habitudes de l'UE, on peut imaginer que cette crise serait alors dépassée par la deuxième option. Une solution pourrait être alors de « récupérer » un candidat « secondaire » pour trouver une « solution parlementaire », par exemplaire le leader centriste et libéral Guy Verhofstadt qui n'a pas exclu cette hypothèse. Le nouveau président de la Commission sera sans doute un peu plus redevable au Parlement de sa position, mais nul ne pourra dissimuler l'essentiel : les électeurs n'auront alors pas « choisi » et la campagne n'aura été qu'un faux-semblant de plus. Difficile alors pour les partis européens de ne pas donner le sentiment d'avoir floué leurs électeurs…

Quatrième hypothèse : une majorité alternative « clivante »

Quatrième hypothèse : une majorité alternative existe. Actuellement, la seule crédible semble un « bloc des droites » regroupant libéraux, conservateurs et conservateurs dissidents (groupe ECR regroupant les Conservateurs britanniques et la droite polonaise). Selon les dernières estimations, il manquerait huit sièges à cette majorité pour devenue absolue. Mais, pour obtenir un président issu d'une telle majorité excluant le PSE, cette dernière devra engager un bras de fer avec le Conseil où siègent plusieurs dirigeants socialistes. En théorie, une telle option est possible, mais elle supposerait que le Parlement rejette systématiquement les candidats du Conseil jusqu'à ce qu'il cède. De plus, elle n'aurait pas vraiment de sens dans la mesure où le président nommé devra diriger une commission issue des Etats membres, dont certains dépasseront cette majorité « de droite. » L'exécutif européen serait alors difficilement gérable.

Le calendrier

On verra donc dès dimanche soir plus clair dans la probabilité de ces trois scénarios. La réunion informelle du Conseil le 27 mai permettra d'emblée de jauger l'état d'esprit des chefs d'Etats et de gouvernements. Suivra un mois de discussion avant la réunion formelle du Conseil des 27 et 28 juin prochains au cours duquel sera choisi un nom à soumettre le 14 juillet au Parlement. Si la première hypothèse est vérifiée, on disposera alors d'un nouveau président de la Commission qui pourra commencer à constituer sa commission. Laquelle sera soumise collectivement au vote des parlementaires en octobre. En cas de bras de fer entre Conseil et Parlement, les délais pourraient être beaucoup plus longs.

 

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