CDG Express : bientôt Paris à 20 minutes de Roissy

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  915  mots
Une fois l’atterissage à Roissy-Charles de Gaulle réussi, reste à gagner le centre de Paris. C’est là que le voyage se complique… car l’aéroport est l’un des plus mal desservis d’Europe. / DR
Si tout se passe bien, les travaux commenceront en 2017 et, en 2023, le « Charles de Gaulle Express » sera en service, après 28 ans d’attente ! Pour ADP, porteur du projet, deux objectifs : faire oublier la très mauvaise image de la desserte de Roissy et aider à l’absorption de 20 millions de passagers supplémentaires.

Le 10 janvier 2014, Cécile Duflot, alors ministre du Logement, s'est énervée. Peu après 9 heures, une panne a bloqué le RER B pendant un quart d'heure. Habituel. Sauf que, à peine réparée, la ligne est tombée en rade à cause de caténaires défectueuses.

Plus possible de quitter Roissy par le rail (le trafic sera bloqué jusqu'à 19 heures). Et cela s'est compliqué encore car le préfet de Seine-Saint-Denis a, de son côté, entrepris l'évacuation d'un camp de Roms.

En quelques minutes, l'A1 s'est retrouvée totalement paralysée par les mouvements croisés de Roms et de forces de l'ordre d'une part, et de l'autre par l'incendie qui se déclenche dans le camp juste sous les piles de l'autoroute. Roissy est alors totalement coupé du monde pendant des heures.

Certes, les forces de l'ordre ne bloquent pas l'A1 tous les jours. Mais accéder à Roissy par l'autoroute ou par le RER s'apparente souvent à un cauchemar. Le RER B - quand il marche - est irrégulier, lent, inconfortable, et totalement inadapté au transport de voyageurs avec bagages.

L'A1, elle, est l'autoroute la plus fréquentée d'Europe. Aux heures creuses, si l'on est béni des Dieux, il faut compter 40 minutes pour accéder à l'aéroport à partir du centre de Paris. Mais, au plus petit bouchon, au moindre froissement de tôles, c'est 2 heures. Un camion en travers de la voie, et c'est la matinée.

Les Parisiens le savent. Les Chinois aussi, c'est ça l'ennui !

« Nous avons deux points noirs identifiés par les investisseurs et les passagers du monde entier : la détaxe et l'accès à Paris, concède Edward Arkwright, directeur général adjoint finances et stratégie d'Aéroports de Paris.

C'est d'autant plus sensible que Roissy a un fort potentiel de croissance en Europe et que le trafic aérien va augmenter avec la Chine et l'Asie. Or, les Asiatiques ont le choix entre quatre aéroports pour atterrir et commencer leurs voyages en Europe : Heathrow, Schiphol [Amsterdam], Francfort et Roissy. Aujourd'hui, nous voulons que les tour operators asiatiques nous privilégient. »

Un visiteur un peu futé et avide de tranquillité peut même atterrir à Schiphol (plébiscité dans toutes les enquêtes pour la qualité de sa desserte) et s'asseoir dans un Thalys, direction la gare du Nord. Il est sûr d'arriver tranquillement, et ne mettra guère plus de temps.

Une liaison mal aimée

Le vieux projet du CDG Express est donc devenu essentiel pour Aéroports de Paris. L'idée a déjà vingt ans, mais tout le monde a été contre à un moment ou à un autre de l'histoire. Peu aimé par la gauche qui, de Bertrand Delanoë à Jean-Paul Huchon, y a souvent vu un « train pour les riches » réalisé au détriment des « trains du quotidien » et de la rénovation du RER B, longtemps refusé par les riverains, pas franchement défendu par la droite à cause de son coût assez faramineux et de sa trop faible rentabilité (Vinci a jeté l'éponge officiellement pour ce motif ), le projet a même parfois été oublié par Aéroports de Paris qui, bien que client privilégié, a longtemps refusé de le financer.

Un dossier beaucoup trop compliqué, dans lequel trop de parties prenantes avaient leur mot à dire. Jusqu'au jour où Guillaume Pépy, comprenant enfin que la SNCF était un boulet dans cette histoire, s'est retiré. Dans la foulée, Augustin de Romanet, nouveau président d'ADP, annonçait son intention de mettre la main au portefeuille.

« Nous pouvons nous engager car ce projet correspond à un enjeu stratégique tout en respectant notre exigence minimale de rentabilité, analyse Edward Arkwright.

Par exemple, celle-ci évolue selon le taux de remplissage et la manière dont nous, Aéroports de Paris, allons aiguiller les passagers sortant de l'avion vers le CDG Express. Le fait qu'ADP et RFF s'associent - d'une manière ou d'une autre - dans ce projet permet à tous les intérêts de s'aligner et cela peut fonctionner. »

Dit autrement, seul ADP peut assurer la cohérence de l'ensemble : ce sera donc un projet ADP qui ne desservira que Roissy. Un train toutes les 15 minutes entre la gare de l'Est et l'aéroport, un parcours de 20 minutes, avec du confort et aucun arrêt. L'idée, un peu comme à Hongkong, est que le passager soit dans un environnement aéroportuaire dès qu'il met le pied sur le parvis de la gare de l'Est.

Quant au financement, c'est clair, il va falloir trouver près de 2 milliards d'euros pour le projet sur les marchés. Après, pour l'exploitation, il va falloir faire payer les 7 millions de passagers annuels attendus mais aussi, probablement, une « taxe » d'un euro pour les passagers de Roissy, sauf ceux qui ne sont qu'en transit. ADP, contrairement à ce que lui suggèrent certains, n'augmentera pas le prix des parkings à Roissy :

« Ce serait étonnant qu'en 2023, on hésite entre 1 h 20 de voiture et 20 minutes de métro, sourit Edward Arkwright.

Si on hésite, le prix du parking n'y changera rien ! Et puis on n'est pas là pour faire du malthusianisme. ADP veut accueillir 20 millions de passagers supplémentaires et le CDG Express est pensé avec les autres projets du Grand Paris pour absorber cette croissance. »

Retrouvez les analyses des intervenants du forum de l'aéronautique civil et militaire, le Paris Air Forum, qui se déroulera le 11 juillet prochain.