Le Smic en France pèse-t-il sur l'emploi des moins qualifiés ?

Par FactaMedia  |   |  828  mots
Reuters
Pour surfer sur la vague montante de la data, La Tribune publiera désormais chaque lundi une analyse enrichie par un ou des graphiques animés, en association avec le site internet FactaMedia. Aujourd'hui, le Smic en France et à l’étranger.

Au moment des choix effectués dans le cadre du "Pacte de responsabilité" sur les baisses de charges, le débat sur le salaire minimum, son niveau et les problèmes qu'il peut poser en termes d'emploi et de revenus a pris une nouvelle dimension ces derniers jours.

Un salaire minimum plus élevé qu'ailleurs ?

La première idée souvent véhiculée est celle d'un salaire minimum français plus élevé qu'ailleurs. De fait, la France est bien dans un groupe de pays où le salaire minimum mensuel brut (à temps plein), la donnée de référence la plus récente et la plus partagée, est parmi les plus hauts d'Europe.

Mais pas le plus haut, se situant notamment derrière les pays du Benelux. Dans cet ensemble, le Luxembourg se distingue, mais il n'est pas vraiment comparable aux autres pays étudiés, à plusieurs titres.

Salaire minimum en euros début 2014 (source Eurostat)

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Comme on peut le voir avec le graphique ci-dessous, la "hiérarchie" des minima salariaux n'a pas beaucoup fluctué depuis 2000 s'agissant de la France. Par ailleurs, le même classement se retrouve à peu près si l'on utilise les parités de pouvoir d'achat et non les montants nominaux en euros.

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Une fois ces comparaisons effectuées, il viendra bien sûr immédiatement à l'esprit le fait que le Smic est d'abord défini en niveau horaire - ce qui n'est pas le cas du salaire minimum dans tous les pays européens. Et que la France se distinguant par une durée légale du travail plus faible, le salaire minimum horaire y sera encore plus élevé en termes relatifs. En effet, pour cet indicateur, la France est bien en première position dans ces données de l'OCDE portant sur 2012.

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Rappelons qu'en 2014, le Smic horaire français est de 9,53 euros. A rapprocher du niveau du salaire minimum que vient de décider, après de longues tractations, la coalition CDU-SPD en Allemagne : 8,50 euros de l'heure à compter de 2015.

Le salaire minimum et les autres rémunérations

Lorsque le salaire minimum est plutôt élevé en comparaison internationale, cet écart se retrouve-t-il à d'autres niveaux de salaires ou bien, au contraire, sont-ils davantage concentrés vers ce bas niveau ? Pour mesurer cela, il est utile de comparer salaire minimum et salaire moyen. A nouveau ici, la France est dans le haut du classement, surtout par rapport aux économies les plus comparables.

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L'évolution de ces écarts peut aussi être éclairante. En comparant les écarts interdéciles de rémunération, on peut ainsi observer que les bas salaires ("D1", premier décile, 10 % gagnent moins) se sont légèrement rapprochés de la médiane ("D5") et des salaires plus élevés ("D9", neuvième décile) en France entre 2000 et 2010. Alors que ces écarts ont sensiblement progressé en Allemagne sur la même période.

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Le pouvoir d'achat du salaire minimum

On peut aussi s'intéresser aux gains de pouvoir d'achat du salaire minimum. Car dans beaucoup de pays, leur fixation et leur évolution dépendent de décisions politiques spécifiques et/ou de règles plus automatiques, ce qui peut donner des résultats très différents.

Pour la France, on observe ainsi sur le long terme des périodes où le pouvoir d'achat du salaire minimum a beaucoup progressé, et d'autres, comme sur la période récente, où il stagne davantage.

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Une évolution de long terme qui contraste en tout cas beaucoup avec celle des Etats-Unis, par exemple, où les décisions de revalorisation sont parfois très espacées en l'absence de réévaluation minimale automatique prévue par une disposition légale comme en France.

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Des études économiques approfondies indispensables

Comme souvent, seules des études économiques approfondies peuvent traiter un sujet comme celui-là dans toutes ses dimensions : coût réel du travail pour les entreprises, structure des salaires, taux de chômage selon les niveaux de salaire et de qualification, dispositifs dérogatoires applicables à certaines populations et notamment aux plus jeunes, mesures des impacts des politiques passées de relèvement du salaire minimal et a contrario de modération et/ou de baisses des charges patronales, situations de trappes à bas salaires, de travailleurs pauvres, etc.

Dans leur vaste majorité, à l'instar des derniers travaux de Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, de telles études pointent un problème de salaire minimum trop élevé en France qui pèserait sur l'emploi des moins qualifiés. Et recommandent donc de concentrer les allègements de charges sur les plus bas salaires, pour faire baisser le coût du travail à ce niveau de rémunération et stimuler l'emploi.

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