C'est quoi être riche ?

Par Sophie Péters  |   |  720  mots
Liliane Bettencourt, l'une des plus grosses fortunes de France
A l'heure où s'ouvre en France la chasse aux riches, sait-on encore ce qu'être riche signifie ?

On ne sait pas où commence la richesse, comme on ne sait pas où débute la vieillesse. C'est en substance ce qu'énonçait le sociologue économiste Vilfredo Pareto au tournant du XXe siècle. Plus de cent ans plus tard, essayer de cerner le « sentiment » de richesse aujourd'hui en France se heurte toujours au même problème. Être riche, c'est quoi, c'est qui ? Définir la richesse, finalement ce serait comme définir la minceur, la beauté, ou la qualité d'un plat, c'est très subjectif puisque cela dépend de sa culture, de son niveau social, de son histoire, de ses traditions. Pour certains, on est riche à 2.000 euros par mois, pour d'autres, on est rien à moins de 12.000 euros.

Selon nos revenus, on établira son propre barème de richesse. L'Insee nous dit : c'est à partir d'un revenu annuel déclaré de 84.500 euros, soit 1% de la population française concernée. L'homme et la femme de la rue jugeront, eux, la richesse à la marque de la voiture ou du sac à mains. Pour vous et moi, claquer 3.500 euros dans un sac à mains peut être scandaleux, pour d'autres comme les stars, à moins de 10.000 euros t'as rien de bien. Nous n'avons pas les mêmes valeurs, comme on dit...

La richesse, une aptitude

Mais, pour paraphraser Beauvoir, on ne naît pas riche on le devient. Et pas seulement par l'argent justement. Mais par un milieu, par une éducation, par des codes. "La richesse est une aptitude. La pauvreté de même", disait Cocteau. Prenez l'aristocratie anglaise. Ne s'improvise pas duc ou duchesse qui veut! Là-bas plus qu'ailleurs, il y a une subtilité des codes qui trahit votre appartenance au premier coup d'oeil. Port de tête altier, absence d'accent, courtoisie à toute épreuve, couleur de vos chaussures et de vos chaussettes, forme de votre chapeau et longueur de la robe en disent beaucoup plus long que votre compte en banque. Comme disent les aristos désargentés de chez nous : "Passe encore d'être pauvre mais si faut se priver de caviar"...

A l'inverse, saviez-vous que la Française des jeux mandatent des psys venus expliquer aux gagnants ahuris les chausse-trappes qui les attendent une fois le chèque encaissé... Ils seront tenus de s'exiler à cause de leurs voisins jaloux, de leurs collègues envieux, de retisser des liens sociaux dans un monde dont ils ne possèdent pas les codes... "Quand t'es pauvre, même riche tu restes pauvre et moins heureux qu'avant", me disait une psy de la Française des jeux.

...Mais aussi une arrogance

Ce n'est pas Grégoire Delacourt l'auteur du roman à succès de cet été "La liste de mes envies", qui la contredira. Jocelyne, son héroïne, mercière à Arras, gagne 18 millions au loto et va cacher son chèque à son mari et ses amies, consciente qu'elle aime profondément sa vie et ne veut pas renoncer au monde dans lequel elle se sent bien. "Je possédais ce que l'argent ne pouvait acheter mais juste détruire, en conclut-elle. Mon bonheur avec ses défauts, ses banalités ses petitesses mais le mien." Jocelyne réalise alors qu'"être riche, c'est voir tout ce qui est laid puisqu'on a l'arrogance de penser qu'on peut changer les choses. Qu'il suffit de payer pour ça."

Ce roman qui cartonne à plus de 150.000 exemplaires et 80 traductions n'est pas le fruit du hasard. En nous disant que "l'argent ne fait pas l'amour", Grégoire Delacourt accompagne notre mutation des valeurs d'un quinquennat à un autre. Car en Hollandie, la richesse n'est plus monnaie courante. Si notre ex-président Nicolas Sarkozy, avec un Y comme yacht, avait fait de son thème de campagne le "travailler plus pour gagner plus", le nouvel hôte de l'Elysée, François Hollande, avec un H comme Hypocrite, nous l'a dit sans ambages : il n'aime pas les riches. Pour preuve : ils seront taxés. Une mesure approuvée par 60% des Français, selon le dernier sondage Ifop pour Sud-Ouest.

De fait, les riches sont toujours et encore un sujet politique. Cela n'avait d'ailleurs pas échappé à Coluche qui professait : "Il paraît que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c'est une crise. Depuis que je suis petit, c'est comme ça."