Le burn out, maladie professionnelle ou pas ?

Par Sophie Péters  |   |  905  mots
Une étude du cabinet Technologia relance le débat sur le burn out. Et réclame sa reconnaissance au tableau des maladies professionnelles. Et si, plutôt que de stigmatiser la souffrance, on apprenait aux individus à moins s'y exposer, et à l'organisation à s'interroger sur son mode de management ?

La dernière étude du cabinet Technologia braque les projecteurs sur le burn out. Plus de trois millions de salariés en seraient victimes. Face à la recrudescence des cas se pose la question d'un tableau des maladies professionnelles consacré au syndrome d'épuisement professionnel. Mais avec le risque de stigmatiser ceux qui tombent au champ du travail alors même que les critères qui mènent à cet état sont très variés, voire inclassables. Sans compter qu'il faut trouver le lien direct et essentiel entre la dépression d'épuisement, ou l'épuisement professionnel et les contraintes de travail.

"Si les enquêtes rétrospectives sur des patients qui présentaient des épuisements montrent qu'à chaque fois la maladie est liée à une surcharge de travail, il reste éminemment difficile de l'évaluer. Même chose s'agissant du déséquilibre vie professionnelle/vie personnelle ou du questionnement autour du conflit des valeurs, ou encore autour du sentiment d'injustice par rapport au travail. Tous sont des signes révélateurs de l'épuisement", précise Marie-Christine Soula, praticienne attachée à l'hôpital Cochin en pathologie professionnelle, ancien médecin inspecteur du travail en Île-de -France et dirigeante du cabinet Management Conseil Santé.

Entre l'histoire d'un individu et la culture d'une entreprise se joue un scénario très singulier. D'autant plus singulier qu'on aurait tort de croire que les individus concernés sont "fragiles". C'est tout le contraire. Au point que le burn out est définit aujourd'hui par les spécialistes comme "la maladie du battant". Le "burn out" ne frappe pas au hasard. Et s'attaque en priorité à ceux qui ne le sentent pas arriver. Pire : à ceux qui s'en croient radicalement éloignés, et placent leur travail dans une telle estime qu'ils se donnent sans compter, à l'instar d'un cadre habitué à toujours surmonter les surcharges de travail en tirant sur la corde. Il en va ainsi de leur vie...jusqu'à la mettre parfois en péril.

Pris en étau entre ce qu'il pense qu'il fallait faire et ce qu'il était tenu d'accomplir

Pour eux, le stress est perçu comme vecteur de performance et l'accomplissement professionnel comme essentiel. "Or si le stress n'est pas une maladie en soi, une exposition prolongée au stress fait le lit du burn out", souligne Bruno Lefebvre, psychologue clinicien et fondateur d'AlterAlliance spécialisé dans les Risques psycho-sociaux. Comme le définit l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail "un état de stress survient lorsqu'il y a déséquilibre entre la perception qu'une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu'elle a de ses propres ressources pour y faire face".

Résultat : l'individu implose parce qu'il s'est trouvé pris en étau entre ce qu'il pense qu'il fallait faire et ce qu'il était tenu d'accomplir. Entre le "il faut" et "j'ai les moyens de". Il s'est usé, grillé, et éteint comme l'indique le terme anglais de "burn out". Et n'a sûrement pas prêté attention aux premiers signaux d'alerte. Ceux du corps d'abord : maux de têtes, insomnies, troubles intestinaux, crampes, fatigue chronique physique et mentale.

Un sentiment de honte chez le perfectionniste stressé

Ensuite, les pensées envahissantes du type "je n'y arriverai jamais", "comment faire", "c'est impossible mais je dois tenir", "je vais perdre mon client", "je ne suis pas à la hauteur", qui provoquent un sentiment de honte chez le perfectionniste stressé au point de s'isoler sans pouvoir confier à quiconque son mal être grandissant. Pour peu que s'y ajoute une surcharge de travail, des rythmes effrénés, des horaires imprévisibles, des objectifs contradictoires, une mutation technologique, des mails à n'en plus finir, une peur du licenciement, ou encore un manque de reconnaissance... et c'est le gouffre.

Le hamster dans la roue

Si la variable organisationnelle joue son rôle, la dimension relationnelle du management est toute aussi déterminante. «Un chef tyrannique qui s'emploie à casser les liens de solidarité court le risque de voir ses collaborateurs souffrir de burn-out», affirme Bruno Lefebvre, coauteur de «Stress et risques psychosociaux au travail» (Masson). Reste à retrouver une marge de manœuvre pour baisser la pression. En premier lieu : identifier et prendre du recul par rapport aux logiques de pensées destructrices. Vous savez... le hamster dans la roue !

Essentiel également : savoir demander de l'aide et en parler, même si parfois ce sera la plus grande difficulté du candidat au burn out, certain de ne pouvoir, malheureusement, compter que sur lui. Avec les indicateurs de performance fixés de plus en plus haut et le manque de moyens pour y parvenir, il faut savoir raison garder. Et se souvenir, comme au besoin le faire valoir à sa hiérarchie, que le bien être est indissociable du bien faire. Ça tombe bien : le sujet de la qualité de vie au travail commence à prendre de l'ampleur au point de compenser le pessimisme ambiant autour de la souffrance au travail et des Cassandre qui lui prédisent une amplification.

S'attaquer au problème de fond

En matière de réparation plus qu'une reconnaissance avec tampon officiel pour maladie professionnelle, mieux vaudrait s'attaquer au problème de fond. Et à organiser le retour des salariés post-burn out à leur poste de travail avec un véritable accompagnement qui prenne soin de ces "battants" prêts à s'investir à nouveau avec un sens accru de leur mission et un nouveau regard sur la vie.