Hollande, en arbitre du match CDU - SPD

Par Florence Autret  |   |  656  mots
Hollande ne veut pas de Juncker à la présidence de la Commission européenne. / Reuters
« Un jour c'est Juncker, un jour ce n'est plus lui... et ça va durer encore quelques semaines», disait l'autre jour le patron d'un important think tank bruxellois.

En principe, trois semaines, puisque les chefs d'État se retrouvent à Bruxelles le 27 juin pour proposer UN nom pour la présidence de la Commission européenne. Les candidats sont nombreux dans la course.

Mais depuis mercredi 4 juin, où l'on a appris qu'Angela Merkel avait demandé à François Hollande s'il soutiendrait Christine Lagarde, le maillot de la directrice générale du Fonds monétaire international a commencé à virer au jaune, ses chances étant sérieuses.

À présent, que va-t-il se passer ?

L'élection désignait Jean-Claude Juncker. Mais l'intéressé laisse courir le bruit qu'il n'a pas de goût pour le job. Et David Cameron, le Britannique, est prêt à réunir une minorité de blocage pour lui faire barrage. En théorie, le leader du deuxième plus important parti, le social-démocrate Martin Schulz, doit à son tour tenter de former une majorité. Mais les Anglais ne veulent pas de lui non plus. Quant au troisième, Guy Verhofstadt, il est seul à croire qu'il a une chance.

Comme en 2005, quand il fut le candidat de Chirac et Schröder, Cameron et Merkel lui barreront la route. D'où l'apparition probable d'un troisième homme (ou femme).

En s'alliant aux chefs des partis européens pour désigner des «Spitzenkandidaten» aux élections européennes, Schulz voulait transformer l'Union européenne en République fédérale. Il ne pouvait totalement y arriver, puisque le traité de Lisbonne partage le pouvoir de nomination à la tête de l'exécutif entre chefs d'État et eurodéputés, mais il a au moins réussi à se placer au centre du jeu. Car qui va décider ? Merkel, qui dispose de deux cartes dans son jeu : la chancellerie et le parti ayant gagné l'élection ? Hollande, que l'hypothèse Lagarde place face au dilemme de choisir entre son parti et son pays ?

Cameron, qui s'est doté de l'arme nucléaire d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (même si cette arme de dissuasion ne lui permet pas de proposer un nom) ?

Ou bien Martin Schulz, qui commande le bataillon de députés sociaux-démocrates dont le ralliement est indispensable au prochain président ?

C'est ce qui s'appelle faire son entrée dans la cour des grands, fût-ce par la petite porte. Si Juncker est donc écarté, Schulz acceptera sans trop se faire prier de passer son tour et usera de son droit de veto sur le nom du troisième homme (ou femme) pour demander le poste qu'il souhaite. Probablement une vice-présidence à la Commission européenne, ce qui désespère Günther Öttinger, l'actuel commissaire allemand (CDU) qui aurait aimé rester.

« Ce serait un grand sacrifice pour Merkel», explique une source bruxelloise.

Pas si sûr. Ce serait surtout le meilleur moyen pour elle de se sortir du guêpier sans faire perdre la face à qui que ce soit.

Le retour consensuel de Helle ?

Finalement, la seule hypothèse susceptible de faire descendre Martin Schulz du piédestal sur lequel il a réussi à se hisser serait que la candidature de la Premier ministre social-démocrate danoise Helle Thorning-Schmidt revienne en force.

Cela pourrait arriver si François Hollande se refusait à priver Pierre Moscovici ou Jean-Marc Ayrault d'un poste à la Commission pour faire la place à une ancienne ministre de Nicolas Sarkozy. Pour obtenir ce qu'il veut, le patron des sociaux-démocrates au Parlement devrait alors menacer de faire voter son groupe politique contre la Danoise (ce qui est doublement délicat, s'agissant d'une femme et d'une sociale-démocrate) et relancer sa propre candidature.

Cela n'a certainement pas échappé à Angela Merkel qui, pour garder la main, doit paradoxalement laisser ouverte la possibilité de sacrifier cette présidence revenant à son parti. Le moindre paradoxe de cette partie d'échecs n'est pas de placer finalement François Hollande en position d'arbitrer une bataille entre le SPD et la CDU... dans laquelle il n'a rien à gagner.