L'après-Charlie sera-t-il européen ?

Par Florence Autret  |   |  643  mots
#JeSuisCharlie
À Bruxelles aussi, il y a eu d'abord l'émotion. Le soir des attentats, sur la place de Luxembourg à côté du Parlement, une petite foule émue communiait silencieusement à la lueur de longues bougies blanches.

Le peuple du quartier européen, assistants, lobbyistes, fonctionnaires, mélangés pour l'occasion à des dessinateurs venus saluer les amis de Charlie.

Pas d'huiles, pas de discours

Moments suspendus qui se sont prolongés dimanche dans un Thalys plein d'anonymes venus manifester à Paris... pour le quart du tarif normal. Le lundi à Strasbourg, où siégeait le Parlement, « Charlie » figurait en tête de l'agenda.

Le député français Alain Lamassoure voulait faire du 11 janvier « la date de naissance de l'Europe des peuples... unie par nos valeurs et contre la haine », tandis que la socialiste Pervenche Berès demandait que l'on décerne le Prix Sakharov à Charlie Hebdo.

Que restera-t-il dans quelques mois de cette immense émotion et du désir de donner un sens européen à ces événements ?

Si le 11 janvier a bel et bien fait date pour tout le Continent, le 7 janvier sonne comme un défi sinon un reproche. Passée l'unanimité face à la barbarie, la complexité a repris le dessus. Faute de savoir par où reprendre le fil d'une politique cohérente, les ministres de l'intérieur qui se sont rencontrés le 11 à Paris, ont renoncé à remettre cela le 16 janvier, de peur de n'avoir rien de concret à annoncer. C'est peu dire qu'une Europe de la lutte antiterroriste et de la sécurité a du mal à prendre forme. En presque quatre ans, elle n'a pas réussi à permettre l'échange des informations sur les passagers des compagnies aériennes entre polices européennes. Le texte est bloqué par le Parlement. À l'instar de la nouvelle réglementation sur la protection des données personnelles. Le sursaut créé par l'attentat contre le Musée juif à Bruxelles n'avait pas réussi à relancer la négociation. Ce bras de fer autour de la durée maximale de détention des données, mené au nom de la défense des libertés publiques, semble dérisoire au regard de la montée des périls.

Le président Juncker veut élargir la focale

Juncker promet une « stratégie européenne sur la sécurité intérieure » sur laquelle il a demandé un rapport attendu en février... après le prochain sommet des chefs d'État.

Jusqu'à présent, l'Union européenne est cantonnée d'arbitre entre liberté publique et sécurité et de vigie, à l'image Gilles de Kerchove qui tient le compte des 3 000 jeunes Européens revenus du djihad en Syrie, en Libye et ailleurs. Le coordinateur de la lutte antiterroriste depuis 2007 ne cesse de mettre en garde ces derniers mois contre la montée des périls.

IntCent, le centre de renseignement adossé au service d'action extérieure, n'a pas de capacité de renseignement propre. En 2015, cependant, le programme européen d'observation spatiale Copernicus devrait prendre un tour plus concret avec le lancement du premier satellite, Sentinel. Un timide début.

Ce sera quoi qu'il en soit plus dans la coordination que dans la centralisation de l'action que l'Union européenne peut apporter la preuve de son utilité. À présent elle va également devoir administrer la preuve que les libertés sur lesquelles elle s'est construite ne sont pas une source de danger.

Comme après chaque attaque, la question du rétablissement des contrôles aux frontières au sein de l'espace Schengen est revenue sur la table, par la voix du ministre espagnol de l'intérieur.

Un serpent de mer qui risque de ne pas replonger de sitôt

Mais dans les événements de ces derniers jours se joue bien autre chose que l'équilibre entre pouvoirs européen et nationaux. Sans réponse efficace au péril terroriste, Bruxelles comme les gouvernements nationaux, sont exposés à une autre menace : celle du populisme.

Les Français du Front national et les Britanniques de UKIP s'en sont donné à coeur joie à Strasbourg, dénonçant l'Europe ouverte à tous les vents.