Un courtier chinois soupçonné d'avoir emprunté illégalement 1,9 milliard d'euros

Par latribune.fr  |   |  773  mots
Le port chinois de Qingdao aurait abrité l'unique stock de métaux utilisé pour garantir des prêts de plus de 1,9 milliard d'euros. /Reuters
Le secteur financier chinois est en émoi. Le groupe de courtage Dezheng Resources est soupçonné d'avoir frauduleusement emprunté l'équivalent de 1,9 milliard d'euros auprès de plusieurs banques en prenant pour garantie un unique stock de cuivre et d'aluminium.

C'est la presse chinoise qui relaie l'affaire dans ses colonnes. Le journal 21st Century Business Herald, quotidien réputé pour sa couverture financière, rapportait mardi que la firme de négoce de métaux industriels Decheng Mining (filiale de Dezheng Resources) pourrait être l'auteur d'une escroquerie géante. 

Un seul stock pour garantir 16 milliards de yuans 

Dezheng Resources et ses filiales auraient obtenu des prêts pour un total d'au moins 16 milliards de yuans auprès de 18 banques chinoises. Une enquête serait ouverte pour déterminer si la firme n'aurait pas obtenu ces sommes considérables de façon illégale, en utilisant pour garantie de financements bancaires un même et unique stock de métal entreposé à Qingdao, ville portuaire du nord-est de la Chine où est basé le groupe.

En effet, le tribunal de Qingdao n'aurait pas été en mesure de saisir plus de 100.000 tonnes d'alumine dans les entrepôts du port chinois, renforçant les craintes d'une fraude à grande échelle.

Des grands instituts bancaires chinois et français concernés

Son patron Chen Jihong - placé en détention depuis fin avril - est soupçonné d'avoir dupliqué des certificats de stocks, a expliqué de son côté le quotidien Caixin, ajoutant que des volumes de métaux avaient été bloqués à Qingdao par les enquêteurs.

Les plus grands établissements financiers du pays avaient ouvert largement leur crédit au groupe de négoce, de ICBC à Construction Bank of China, en passant par Bank of China ou encore China Minsheng - aux côtés de banques provinciales du Shandong, ont précisé les deux médias chinois.

"Toutes les banques régionales et branches locales des banques nationales sont impliquées; tout le monde se battait pour prêter à Dezheng, un genre de clients considéré comme très fiable", a expliqué un haut responsable bancaire de Qingdao au 21st Century Business Herald.

Par ailleurs, au cours de la dernière décennie, une société affiliée à Dezheng a souscrit au moins 17 différents prêts auprès de six banques étrangères - les Britanniques HSBC et Standard Chartered, le Français BNP Paribas, le Belge KBC, le Singapourien DBS ainsi que l'ancien groupe Fortis -, a assuré ce même quotidien, sans mentionner de montant.

L'arbre qui cache la forêt ? 

Le port de la ville a assuré dans un communiqué à la Bourse de Hong Kong qu'il collaborait avec l'enquête, mais que les opérations des entreprises non concernées se poursuivaient normalement. Néanmoins, l'enquête contre Dezheng laissait planer le spectre de fraudes plus étendues, étant donné l'essor effréné en Chine des opérations financières adossées aux matières premières.

Après le durcissement du crédit opéré en 2013 par les autorités monétaires chinoises, de nombreuses entreprises en quête de liquidités ont obtenu des prêts en bloquant en guise de garantie des stocks de matières premières - métaux et minerai de fer, mais aussi soja ou huile de palme. Or, l'absence de communication entre les établissement financiers sur les collatéraux a pu faciliter la fraude imputée à Dezheng.

Des établissements financiers étrangers seraient également concernés: d'après le Wall Street Journal, qui cite des sources du secteur, une poignée de banques étrangères - dont l'Américain Citigroup et le Britannique Standard Chartered - ont accordé "des centaines de millions de dollars" de prêts en acceptant comme garantie des stocks de métaux à Qingdao.

"Une partie" de ces prêts étaient destinés à "des entités liées à Decheng Mining", filiale de Dezheng, a-t-il ajouté, précisant que ces banques étrangères s'inquiètent désormais de ne pas pouvoir accéder aux entrepôts pour vérifier l'existence des stocks servant de garantie.

Des stocks d'alumine..."introuvables"

Par ailleurs, dans un communiqué publié mardi, Citic Resources Holdings - branche du conglomérat Citic Group - a annoncé que la justice chinoise, saisie la semaine dernière par ses soins, "avait été incapable de localiser" quelque 123.400 tonnes d'alumine qu'il possède dans les entrepôts du port de Qingdao, soit 50 millions de dollars au prix du marché... Une disparition de nature à exacerber les inquiétudes.

L'affaire Dezheng a déjà contribué à miner au début du mois les cours des métaux de base cotés à Londres, les investisseurs redoutant une disparition de ces prêts adossés aux stocks de matières premières et une baisse de la demande chinoise. La Chine est le premier pays consommateur de métaux industriels.