Les jeunes privilégient-ils la Bourse pour financer leur retraite ?

Par Christine Lejoux  |   |  863  mots
4% seulement des moins de 35 ans considèrent que les actions représentent le meilleur produit d’épargne, leur préférant les livrets bancaires (38%), les PEL et CEL (Plan épargne logement et Compte épargne logement, 30%), ou encore l’assurance-vie (22%).
La perte de confiance des Français de moins de 35 ans dans le système actuel de retraite par répartition est devenue telle qu’ils privilégient désormais des stratégies individuelles comme l’épargne pour financer leur retraite. En revanche, comme leurs aînés, ils sont réticents à investir dans des actifs risqués comme les actions.

De quoi rêve-t-on à 30 ans, en principe ? De créer sa startup, d'acheter son premier appartement, de se marier, de faire un bébé... Mais certainement pas de préparer sa retraite. Et pourtant ! D'après un sondage réalisé par l'institut CSA auprès de 1.007 Français âgés de 18 ans au moins, et publié le 7 avril, 57% des moins de 35 ans estiment que les retraites constituent un sujet de financement prioritaire. Cette proportion, qui n'était encore que de 49% un an plus tôt, rejoint ainsi la moyenne de la population, 61% des Français considérant la retraite comme un sujet de financement crucial, devant l'assurance-maladie (36%), les complémentaires santé (22%), l'aide au logement (16%) et les allocations chômage (13%).

Pourquoi cette propension soudaine des jeunes à se préoccuper de leur retraite ? « Au cours des douze derniers mois, il ne s'est pas produit d'événement particulier susceptible d'expliquer cette évolution. Mais, à force d'entendre dire que le système actuel de retraite par répartition ne fonctionnera plus, les jeunes ont intégré cette nouvelle donne », analyse Estelle Thomas, de l'institut CSA. De fait, les jeunes d'aujourd'hui seront des retraités moins bien lotis que leurs parents et grands-parents. Et ce, en raison des réformes qui ont successivement repoussé l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans, aligné le calcul des pensions non plus sur les 10 mais sur les 25 meilleures années de vie active, ou encore augmenté le nombre de trimestres nécessaires à l'obtention du taux plein.

Les jeunes privilégient désormais des stratégies individuelles pour financer leur retraite

Conséquence, les moins de 35 ans ne se font plus guère d'illusions : seulement 43% d'entre eux estiment qu'ils disposeront de ressources suffisantes pour vivre correctement, une fois à la retraite. Ce score fait de cette tranche d'âge la plus pessimiste quant à l'évolution de son pouvoir d'achat lorsque ses vieux jours seront arrivés. La perte de confiance des jeunes dans le système de retraite par répartition - selon lequel les cotisations des actifs financent les pensions de ceux qui ne travaillent plus - est devenue telle qu'ils privilégient désormais des stratégies individuelles pour financer leur retraite. « Il s'agit là d'un comportement nouveau », souligne l'institut CSA. En effet, pour les trentenaires, mettre régulièrement de l'argent de côté représente le moyen le plus sûr de maintenir le montant des retraites, alors que la population française dans son ensemble privilégie une solution collective, à savoir un nouveau recul de l'âge légal de départ à la retraite.

Plus de la moitié (53%) des Français âgés de moins de 35 ans ont ainsi l'intention d'épargner davantage dès cette année, contre 45% seulement un an plus tôt. « De plus en plus confrontés au chômage, de surcroît au chômage de longue durée, les jeunes ne peuvent pas être réceptifs à la solution du recul de l'âge légal de départ à la retraite. Qui peut en effet leur assurer qu'ils auront encore un travail, à 60 ans passés ? Ils se disent par conséquent qu'il leur faut préparer eux-mêmes leur retraite, et rien que pour eux. D'où une augmentation de leur volonté d'épargner, ce qui pourra par ailleurs les aider à faire face à des périodes de chômage », décrypte l'économiste Jean-Paul Betbeze, président du Cercle des épargnants, pour le compte duquel le CSA a réalisé le sondage.

La fiscalité française favorise les placements liquides sans risque et de court terme

Et s'il y a une classe d'actifs sur laquelle les jeunes devraient investir, c'est bien celle des actions, selon Jean-Paul Betbeze. Ce qui n'est pas gagné, les trentenaires n'aimant pas davantage le risque que leurs aînés : 4% seulement des moins de 35 ans considèrent que les actions représentent le meilleur produit d'épargne, leur préférant les livrets bancaires (38%), les PEL et CEL (Plan épargne logement et Compte épargne logement, 30%), ou encore l'assurance-vie (22%). « Pourtant, quand on a moins de 35 ans, il faudrait se rendre compte que les actions représentent le meilleur placement de long terme, avec une surperformance de 5% environ par rapport aux placements sans risque », insiste Jean-Paul Betbeze.

Ce manque d'intérêt des Français en général, et des jeunes en particulier, pour les actions, Stellane Cohen, membre de la direction de l'assureur Generali France, l'explique par « un déficit de culture financière », auquel la fiscalité n'est pas étrangère, selon elle. De fait, il y a belle lurette que la fiscalité française favorise les placements liquides sans risque et de court terme, au détriment de l'épargne longue et à risque. Encore plus depuis la grande réforme de 2012 décidée par François Hollande pour aligner la fiscalité du capital sur celle du travail. Pour Jean-Paul Betbeze, il n'y a pas de secret, « aider au placement en actions implique de revoir leur fiscalité, notamment en taxant moins les dividendes. » Histoire de donner aux de 35 ans le goût du risque en matière d'épargne, une caractéristique a priori de leur âge.