Climat : les émissions de gaz à effet de serre continuent de reculer en France

Par latribune.fr  |   |  1280  mots
Dans le détail, trois secteurs participent le plus à cette baisse : l'industrie (-9,3%), la production d'énergie (-9,4%) et les bâtiments (-7,5%). (Crédits : Reuters)
Avec une baisse de 4,6%, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont reculé en France grâce aux secteurs de l'industrie, de l'énergie et des bâtiments. L'Hexagone compte réduire ses émissions de 50% en 2030.

Bonne nouvelle pour l'Hexagone. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) poursuivent leur recul en France, enregistrant une baisse de 4,6% (hors puits de carbone) sur les neuf premiers mois de 2023 par rapport à la même période de 2022, a annoncé mardi le Citepa, l'organisme mandaté pour réaliser l'inventaire français des émissions et qui en publie une pré-estimation pour la période. Sur le premier semestre, la baisse était déjà de 4,3%, après un repli de 2,7% sur l'ensemble de l'année 2022.

Des secteurs qui polluent moins

Dans le détail, trois secteurs participent le plus à cette baisse : l'industrie (-9,3%), la production d'énergie (-9,4%) et les bâtiments (-7,5%). De leurs côtés, les transports contribuent plus modestement à cette tendance à la baisse (-1,8%).

Plusieurs explications à ces résultats. Le secteur industriel est « fortement impacté par la crise énergétique en 2023 », souligne le Citepa dans un communiqué. Pour la production d'énergie, le repli des GES résulte notamment de la progression des moyens de production électrique décarbonés, notamment les centrales nucléaires (+11,4% liée à la remise en service progressive de centrales) et hydroélectriques, couplée à une baisse de la production des centrales thermiques (-23%), souligne le Citepa. Et pour les GES provenant du secteur du bâtiment, la baisse des émissions liées au chauffage, déjà observée en 2022, s'est poursuivie en 2023, malgré un hiver légèrement plus rigoureux :

« Les émissions de GES du chauffage, eau chaude sanitaire et cuisson domestique entre les neuf premiers mois 2022 et ceux de 2023 ont baissé de 7,5%, avec notamment une baisse de consommation du gaz naturel qui continue au troisième trimestre, soit -8,9% sur les trois premiers trimestres 2023 par rapport à 2022 », indique le Citepa.

Pour les transports, le rebond post-Covid du transport routier (+12% en 2021, +2% en 2022) a laissé la place à un léger recul (-2,7%) sur les neuf premiers mois de 2023, avec une baisse notable sur septembre (-10%). En revanche, le transport aérien continue de voir ses émissions augmenter : +21% pour les vols domestiques sur les neuf premiers mois, et +27% pour les vols internationaux.

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Des facteurs « purement conjoncturels »

Un résultat qui ne fait pas de mal d'autant qu'en mai, la France a annoncé vouloir réduire ses émissions GES de 50% (-55% en « net », si l'on inclut les puits de carbone que sont sols et forêts même s'ils absorbent de moins en moins de Co2) en 2030 par rapport au niveau de 1990, conformément aux engagements européens, ce qui implique de doubler le rythme de baisse des émissions.

Cependant, ces résultats restent encore insuffisants pour certains. Le tribunal administratif de Paris a débouté vendredi dernier les ONG de « L'Affaire du siècle » qui demandaient une astreinte financière de 1,1 milliard d'euros contre l'Etat français, qu'elles accusaient de ne pas agir suffisamment pour lutter contre le réchauffement climatique. Dans son jugement, le tribunal estime que la « réparation du préjudice écologique a été tardive mais est désormais complète », jugeant que « l'Etat, conformément à l'injonction qui lui avait été faite, avait adopté ou mis en œuvre des mesures de nature à réparer le préjudice en cause ». Il a ainsi suivi l'avis du rapporteur public qui, lors de l'audience du 8 décembre, avait montré dernières données en date concernant les émissions nationales de CO2, à savoir une baisse de 4,3% pour le premier semestre 2023 et de 2,7% en 2022.

L'autre argument des associations était que la baisse des émissions de gaz à effet de serre constatée en France à la fois pour l'année 2022 (-2,7%) et pour le premier semestre 2023 (-4,3%) était liée à des facteurs « purement conjoncturels » et extérieurs, comme un hiver doux l'an dernier ou la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, et non à la mise en place d'actions de l'Etat. Le tribunal a jugé que ces éléments avaient certes « pu influer sur la baisse des émissions de CO2 », mais qu'il n'y avait « pas lieu d'en neutraliser les effets ».

Dans un communiqué, le gouvernement, par la voix du ministère de la Transition écologique, estime que la décision du tribunal administratif « confirme que (son) action déterminée pour remettre la France sur la bonne trajectoire climatique porte ses fruits ».

« La justice administrative vient de confirmer que parler d'inaction climatique de la France était une contre-vérité, en confirmant que la France respecte ses objectifs de baisse d'émissions de gaz à effet de serre, et compense même les excès d'émissions passés », a commenté Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique.

L'Etat français reste, qui plus est, sous la menace d'une autre affaire, celle de Grande-Synthe, une commune du Nord menacée de submersion en raison du changement climatique. Le 10 mai, le Conseil d'Etat a de nouveau exigé qu'il renforce son arsenal en faveur de la protection du climat lui donnant jusqu'au 30 juin 2024 pour réduire son bilan carbone.

Les principales mesures de la « transformation écologique » de l'Etat

Des achats publics à la réduction de la consommation d'énergie, voici les principales mesures du « plan de transformation écologique » de l'Etat, dont une copie a été consultée début décembre par l'AFP. L'objectif du plan est de réduire les émissions de gaz à effet de serre du gouvernement et de l'administration, mesurées à 10 millions de tonnes d'équivalent CO2 (Mteq CO2) en 2019, à 7,8 Mteq CO2 en 2027 et à 2 Mteq CO2 d'ici 2050.

  • Commande publique

Avec un montant d'achats supérieur à 40 milliards d'euros en 2022, « l'Etat doit utiliser les achats publics comme soutien de la transition écologique », est-il martelé dans le plan. En verdissant la commande publique, le gouvernement espère réduire de 480.000 tonnes les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'Etat d'ici 2027.

Pour y parvenir, les ministères et les opérateurs de l'Etat sont invités à « systématiser » la prise en compte de critères environnementaux lorsqu'ils attribuent des marchés publics. Ils devront aussi faire en sorte que 25% de leurs équipements téléphoniques et informatiques soient issus du réemploi ou de la réutilisation en 2027, une mesure qui doit abaisser les émissions de GES de 70.000 tonnes équivalent CO2 à cet horizon.

  • Mobilité

Alors que 46% des GES émis par l'administration sont liées aux transports, le verdissement de la flotte automobile (achat de véhicules électriques) doit permettre à l'Etat de réduire ses émissions de 380.000 tonnes d'équivalent CO2. Dès 2024, la moitié des véhicules achetés ou loués pour les agents publics devront être à faibles ou très faibles émissions. Ce pourcentage grimpera à 70% en 2027.

L'intégralité des véhicules dévolus aux membres du gouvernement et aux préfets doivent être à (très) faibles émissions dès 2023. L'augmentation du télétravail doit aussi alléger de 282.000 tonnes le bilan d'émissions de GES de l'Etat. Maître d'œuvre du « plan de transformation », le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) mise sur « une part journalière d'agents en télétravail de 8% en 2024 et 25% en 2027 ».

  • Bâtiments

D'ici 2027, la réduction de la consommation énergétique de l'imposant parc immobilier de l'Etat (responsable d'un quart de ses émissions de GES) doit permettre de supprimer 290.000 tonnes d'émissions de GES. Entre 2022 et 2027, les bâtiments tertiaires (bureaux, lieux d'accueil du public...) de l'Etat devront ainsi réduire leur consommation d'énergie de 25%.

L'élimination des chaudières au fioul d'ici la fin de la décennie devrait alléger de 130.000 tonnes d'équivalent CO2 les émissions de l'Etat. Enfin, la réduction des surfaces de bureaux (-7,5% d'ici 2027) est associée à une diminution de 50.000 tonnes d'émissions.

(Avec AFP)