Électricité : la remontée de la production nucléaire permet à la France d'être à nouveau le premier pays exportateur en Europe

Par latribune.fr  |   |  841  mots
Placée en 2022 dans une situation inédite à cause de problèmes de corrosion sur plusieurs réacteurs nucléaires, la France avait été importatrice nette d'électricité pendant la quasi-totalité de l'année, ce qui n'était plus arrivé depuis 42 ans. (Crédits : Lukáš Lehotský - Unsplach)
La France a repris sa place de première exportatrice d'électricité en Europe en 2023, loin devant la Suède et la Norvège, à la faveur de la remontée du parc nucléaire touché en 2022 par une baisse de production historique. Elle relègue loin derrière la Suède, la Norvège et l'Espagne.

La France retrouve son maillot bleu électrique. Avec 50,1 térawattheures (TWh), elle a repris, selon des données communiquées mercredi par le cabinet d'analyse S&P Global Commodity Insights et dévoilées la veille par Les Echos, sa place de première exportatrice d'électricité qui était détenue par la Suède en 2022, devant la Norvège.

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Ces deux pays, régulièrement en haut du classement grâce à leur production hydroélectrique abondante, ont respectivement réalisé respectivement 28,6 TWh et 17,3 TWh d'exportations nettes. L'Espagne, qui mise sur l'énergie solaire et éolienne, est quatrième avec 13,9 TWh d'exportations nettes.

Des effets bénéfiques pour la balance commerciale

Un record a même été battu par la France le vendredi 22 décembre. Il a atteint quelque 18.680 mégawatts (MW), contre 17.415 MW, lors du précédent record établi le 22 février 2019. Cette électricité a été exportée vers le Royaume-Uni (3 GW), l'Allemagne et le Bénélux (5,4 GW), la Suisse (3,2 GW), l'Italie (4,4 GW) et l'Espagne (2,6 GW). RTE, le gestionnaire du réseau, mettait alors en avant des coûts de production « compétitifs », étant donné que « la disponibilité de tous nos moyens de production, notamment du nucléaire », a augmenté par rapport à l'an dernier.

Placée en 2022 dans une situation inédite à cause de problèmes de corrosion détectés sur plusieurs réacteurs nucléaires, la France avait dû importer de l'électricité l'an dernier, ce qui n'était plus arrivé depuis 42 ans. Ce nouveau record « démontre l'appétit des marchés sur les capacités d'export », relevait RTE, qui a mis en avant les effets bénéfiques pour la balance commerciale française.

La production électrique nucléaire et hydroélectrique a repris des couleurs

Placée en 2022 dans une situation inédite à cause de problèmes de corrosion détectés fin 2021 sur plusieurs réacteurs nucléaires, la France avait été importatrice nette d'électricité pendant la quasi-totalité de l'année, ce qui n'était plus arrivé depuis 42 ans. Depuis, la production électrique nucléaire et hydroélectrique, dominée par l'exploitant historique EDF, a repris des couleurs.

Concernant le nucléaire, « la production cumulée annuelle s'établit à 320,4 TWh, supérieure de 41,4 TWh à celle de 2022, en particulier grâce à l'optimisation et la maîtrise des chantiers de la corrosion sous contrainte, » a indiqué mardi EDF dans une note d'informations diffusée sur son site internet. La hausse s'élève à 14,8% par rapport à la production de l'année 2022, tombée à un niveau historiquement bas depuis 1988, à 279 TWh. EDF prévoit de produire « dans la fourchette 315-345 TWh pour 2024 et 335-365 TWh pour 2025 » selon ses dernières prévisions, ce qui reste bien loin de ses 430 TWh en 2005, des années fastes.

L'Allemagne paie l'abandon de ses trois dernières centrales nucléaires

Au total, les voisins européens comme l'Allemagne ont pu profiter « plus facilement et à moindre coût » de l'offre excédentaire de la France, a indiqué à l'AFP Glenn Rickson, analyste électricité chez S&P Global Commodity Insights. L'Allemagne de son côté s'est retrouvée en 2023 en position d'importatrice nette à hauteur de 10 TWh, une première depuis 2002. Les raisons avancées sont diverses.

Pour Emeric de Vigan, vice-président chargé des marchés électricité chez Kpler, cette situation peut s'expliquer par l'abandon des trois dernières centrales nucléaires en Allemagne, même si elles ne représentaient que 6% de l'électricité produite dans ce pays. Leur « absence suffit à créer quelques tensions dès que le vent manque » dans les parcs éoliens, a-t-il commenté auprès de l'AFP. Pour d'autres experts, la baisse des exportations d'électricité allemande est principalement une question de prix : l'Allemagne avait l'habitude d'inonder ses voisins d'électricité produite à base de charbon bon marché, une électricité désormais plus chère en raison de la tarification plus élevée du CO2.

Le parc nucléaire reprend des couleurs : 47 réacteurs disponibles

Un réacteur nucléaire supplémentaire a été couplé au réseau de RTE le 9 janvier portant à 47 le nombre de réacteurs disponibles, soit cinq de plus qu'en janvier 2023. Selon RTE, cette opération permet à la France de disposer du nombre de réacteurs « le plus haut depuis l'hiver 2022 et le début de la crise de la corrosion sous contrainte » commencée fin 2021, qui avait mis à l'arrêt de très nombreux réacteurs parmi les 56 que compte le parc nucléaire français.

Cette crise, conjuguée avec la guerre en Ukraine, avait fait planer un risque de coupures d'électricité dans le pays lors de l'hiver 2022/2023.

Le parc nucléaire dispose désormais d'une puissance « de plus de 50 GW », soit plus de 80% de la puissance installée, a précisé RTE. Cette disponibilité du parc est « conforme aux prévisions présentées par RTE en novembre 2023 dans ses perspectives hivernales », a par ailleurs souligné la filiale d'EDF dans un communiqué.

(Avec AFP)