Nucléaire : la France entendue à Bruxelles, la Commission lance une alliance industrielle pour les petits réacteurs SMR

Par latribune.fr  |   |  863  mots
L'énergie nucléaire pourrait fournir jusqu'à 150 gigawatts (GW) à l'UE d'ici à 2050 , contre 100 GW aujourd'hui, selon les douze pays européens ayant appelé à une alliance du nucléaire. (Crédits : DR)
Bruxelles a annoncé vendredi le lancement d'une alliance industrielle européenne dans le nucléaire pour accélérer le déploiement des futurs petits réacteurs modulaires (SMR), une technologie prometteuse pour décarboner l'industrie d'ici une dizaine d'années.

L'atome fait son retour en grâce au sein des institutions européennes. Alors qu'en novembre, douze Etats membres de l'Union européenne, avec la France comme chef de file, avaient appelé la Commission européenne à créer une alliance industrielle pour les petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR), Bruxelles, les a écoutés en annonçant vendredi non seulement le lancement d'une telle alliance, mais aussi un premier appel à candidatures jusqu'au 12 avril qui s'adresse aux fournisseurs d'électricité, entreprises de la filière nucléaire, institutions financières, organismes de recherche, centres de formation et organisations de la société civile. Objectif : favoriser la mise en place d'une filière européenne. Il s'agit en particulier d'identifier et de combler les lacunes technologiques ou industrielles et de promouvoir une coopération entre les différentes parties prenantes.

« En renforçant la coopération au niveau de l'UE, l'Alliance accélérera le déploiement des premiers SMR dans l'UE d'ici au début des années 2030 », a déclaré la Commission européenne dans un communiqué.

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Technologie en développement

Pour rappel, les SMR (« small modular reactors ») sont des réacteurs nucléaires beaucoup plus petits que les centrales conventionnelles. Ils pourront être fabriqués en usine avant d'être transportés sur le site d'installation.  La technologie est encore en développement et fait l'objet d'une compétition internationale. Plus flexibles et moins coûteux que les gros réacteurs, les SMR pourront remplacer des centrales au gaz, au pétrole ou au charbon. Ils seront en mesure de fournir de l'électricité et de la chaleur pour l'industrie et le chauffage urbain ou bien de produire de l'hydrogène bas carbone.

En novembre, la Bulgarie, la Croatie, la Finlande, la France, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède avait envoyé une lettre commune à la Commission européenne pour demander la création d'une « alliance industrielle à l'échelle de l'UE », ajoutant que l'initiative devrait « stimuler les investissements dans les capacités SMR européennes et le développement d'une chaîne de valeur européenne ».

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Cette alliance permettrait de renforcer « notre souveraineté énergétique et la compétitivité de notre industrie », faisaient-ils valoir.  Ces derniers ont également jugé que le soutien de la Commission était « nécessaire » pour « s'assurer que ces projets innovants bénéficient de la législation européenne existante et future ».

« La France a été à l'initiative d'un courrier signé par 12 ministres européens à la Commission européenne », avait indiqué le cabinet de la ministre de la Transition énergétique de l'époque Agnès Pannier-Runacher, aujourd'hui ministre déléguée de l'Agriculture.

Cette alliance européenne pour les SMR servirait également à « renforcer l'industrie nucléaire européenne et la sécurité d'approvisionnement et la compétitivité européenne », avait-il ajouté.

Fournir jusqu'à 150 GW en 2050

En mai dernier, les 12 Etats s'étaient réunis à Paris avec la Belgique et l'Estonie avec lesquelles ils forment une alliance des pays européens pro-nucléaires, ainsi que l'Italie et le Royaume-Uni, afin d'établir une feuille de route du développement de l'énergie nucléaire.

Pour décarboner l'industrie, la Commission s'est dite favorable au développement des réacteurs nucléaires de 4e génération ainsi que des petits réacteurs modulaires, tous les deux en cours de développement. Les pays signataires avaient avancé dans leur lettre que les petits réacteurs modulaires pouvaient « être une solution pour la production d'une électricité sans énergie fossile dans les années 2030 », assurant que « l'énergie nucléaire pourrait fournir jusqu'à 150 gigawatts (GW) à l'UE d'ici 2050 », contre 100 GW aujourd'hui.

Deux startups accélèrent

De manière complémentaire, deux startups du nucléaire, Naarea et Newcleo, ont lancé mi-janvier « un partenariat stratégique et industriel » pour accélérer dans la course au développement des petits réacteurs innovants en Europe, dits de 4e génération. Cette alliance aura vocation à s'étendre à l'ensemble des acteurs travaillant en Europe sur les technologies de réacteurs de 4e génération aussi appelés les AMR (Advanced modular reactors), lesquels font partie de la catégorie plus large des petits réacteurs modulaires (SMR). Au total plus de 80 projets sont actuellement en développement dans le monde, à des stades d'avancement divers.

Ces deux sociétés ambitionnent de participer au renouveau de la filière nucléaire pour décarboner l'électricité et la chaleur industrielle. Newcleo travaille sur un mini-réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb, et la startup Naarea sur un micro-générateur à neutrons rapides et sels fondus.  Particularité de ces technologies : elles utilisent des déchets nucléaires comme combustibles, assurent leurs promoteurs qui visent des objectifs ambitieux pour 2030 - un démonstrateur industriel pour Newcleo et « un accès à l'énergie décarbonée et souveraine », pour Naarea.